Alors que les associations de chômeurs restaient, plus que jamais, mobilisées (1), le secrétaire général du Secours catholique, Denis Vienot, a apporté le point de vue d'une importante association de solidarité. Dans une tribune libre, publiée par Le Monde daté du 7 janvier, il appelle les partenaires sociaux à entendre le « cri de désespoir des chômeurs et des précaires ». Leurs manifestations, écrit-il, « échappe à toute récupération idéologique. Nous sommes dans le registre de la lutte pour la survie. » En effet, poursuit Denis Vienot, avec la dégressivité des allocations chômage, la réforme des fonds sociaux des Assedic, la suppression de l'ACCRE et la précarisation du travail, la situation des chômeurs et précaires s'est considérablement aggravée. En 1996, rappelle-t-il, 442 000 chômeurs ont été reçus dans les accueils du Secours catholique, soit près de 15 % de ceux inscrits à l'ANPE. Et la quasi-totalité d'entre eux percevaient moins de 4 000 F par mois. « Donner à tous ceux qui sont privés d'un emploi stable les moyens de vivre décemment et non de survivre dans la misère, voilà un défi à relever par le gouvernement et les partenaires sociaux », martèle-t-il. Ce qui, pour lui, « passe par une remise à plat du système d'indemnisation de l'assurance chômage, par la réévaluation des minima sociaux et le développement de la solidarité ».
Même son de cloche du côté des autres associations de solidarité. Pour Lucien Duquesne, membre de l'équipe nationale d'ATD quart monde, le mouvement des chômeurs « attire l'attention sur le fait que l'on ne peut pas laisser les personnes vivre avec des moyens financiers de l'ordre de la sous-vie ». A la Fédération nationale des associations de réadaptation sociale (FNARS), on estime qu'il est « très important que les chômeurs s'expriment par eux-mêmes », considérant plutôt comme un faux problème les accusations de manipulation lancées par certains responsables politiques et syndicaux. « Ce que l'on ressent, surtout, c'est la volonté des gens de crier leur ras-le-bol », explique-t-on. Sans compter que les associations se retrouvent dans les revendications exprimées par les chômeurs, en particulier sur la revalorisation des minima sociaux. « C'est ce que l'on demande depuis plus de deux ans », souligne l'un des responsables de la FNARS. Néanmoins, précise Lucien Duquesne, « même si c'est capital, il faut pouvoir aller au-delà. La question posée est de savoir comment rendre les pauvres plus partenaires. Pour nous, il ne peut pas y avoir un avenir pour les pauvres et un pour les autres. » Reste à savoir si la mobilisation des chômeurs fera réellement avancer le futur projet de loi de prévention et de lutte contre les exclusions, dont Martine Aubry a affirmé qu'il serait au Parlement avant l'été. Hugues Feltesse, directeur général de l'Uniopss, demeure pourtant dubitatif. « Six mois après le début du travail de préparation, s'agace-t-il, nous constatons qu'il n'y a toujours pas d'éléments très avancés dans nos discussions avec le gouvernement, sauf sur le chapitre du logement. L'attente commence à trop durer. Il faut absolument que ce projet soit bouclé rapidement. Et nous sommes décidés à prendre des initiatives en ce sens », ajoute-t-il, déplorant le report de la réunion, prévue le 9 janvier, entre les associations et le cabinet de Martine Aubry. Les poids lourds du secteur devaient d'ailleurs se réunir, le 8 janvier, dans le cadre de la commission pauvreté de l'Uniopss.
(1) Voir ASH n° 2052 du 2-01-98.