Un Point écoute jeunes pour combattre le suicide

Le suicide, on le sait, est la deuxième cause de mortalité chez les 13-25 ans. Or ceux-ci hésitent souvent à fréquenter les structures de prévention. C'est le constat dressé, en 1994, à Aix-en-Provence, par un groupe de professionnels du social et de la santé intervenant dans différentes structures : le centre hospitalier, des services de psychiatrie et une association de prévention. Parmi eux, des assistants sociaux, des éducateurs spécialisés, des animateurs et des infirmiers psychiatriques. Soucieux d'améliorer la prévention et de « démythifier la consultation psychiatrique », ils lancent alors l'idée d' « un espace de parole anonyme et gratuit, non connoté, non repéré par la population comme faisant partie d'institutions psychiatriques ou sociales ».

Ainsi, en dépit des réserves de certains professionnels, le Point écoute jeunes démarre, en janvier 1995, dans les locaux de l'Office municipal des jeunes. Les permanences, tenues par des personnels détachés de leurs services respectifs, ont lieu tous les jours de la semaine, l'après-midi. « Les professionnels travaillent en binôme. Pour chaque permanence un infirmier et un travailleur social accueillent l'adolescent. C'est ce qui fait l'originalité du dispositif », explique Jany Millo, assistante sociale au centre hospitalier Montperrin. Une méthode qui, au début, n'a pas été ni sans susciter une certaine « appréhension » ni « sans préjugés », raconte-t-elle. Cependant, à l'usage, « nous avons pu constater que nos interventions dans les entretiens ouvraient des champs de problématiques qui se complétaient. De par nos formations différentes, nous parvenons ensemble à appréhender davantage le jeune dans sa globalité : vécu relationnel, environnement, activités, cursus... ». Au Point écoute jeunes, l'anonymat est toujours respecté. « De même, nous nous interdisons de nous renseigner sur l'effet produit par l'entretien auprès des professionnels vers qui nous avons orienté les jeunes. Dans les cas de violences, de fugue concernant de jeunes majeurs, notre travail consiste à réfléchir avec lui, à l'informer de ses droits, à l'accompagner vers les démarches éventuelles », explique encore l'assistante sociale. Ainsi, il n'y a ni fiches ni dossiers nominatifs, juste un cahier de bord avec les notes prises lors des entretiens et les réorientations proposées. Autre principe : les jeunes sont accueillis sans rendez-vous. Sachant que, pour la plupart, ils ne viennent qu'une fois. De cette façon, souligne Jany Millo, « chaque professionnel se trouve dans la situation d'évaluer la souffrance, voire le danger vécu par le jeune, de gérer la demande et trouver des réponses adéquates en un seul entretien, sans cet espace de travail “après coup” dont nous disposons dans nos structures habituelles ». Un garde-fou a cependant été prévu, dès le départ, avec des réunions d'équipe régulières et, une fois par mois, un temps de supervision.

Trois ans après son ouverture, le Point écoute jeunes fonctionne de plus en plus grâce au bouche-à-oreille. « Les questionnements qui motivent la venue des jeunes sont plus précis, plus personnels. Ils abordent des problèmes de relations difficiles aux parents, de séparation impossible, de solitude, de sévices anciens... », constate Jany Millo. Cependant, regrette-t-elle, « malgré notre désir initial, peu de très jeunes adolescents viennent au point accueil. Nous recevons plutôt des lycéens et des étudiants. Est-ce la confrontation à l'adulte qui reste très difficile ? La démarche de venir jusqu'à nous est-elle trop élaborée ? Nous continuons à y réfléchir. »