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Le gouvernement rattrapé par les chômeurs

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Focalisé ces derniers mois sur des dossiers brûlants, tels que les emplois-jeunes, les 35 heures ou encore la loi sur l'immigration, le gouvernement avait déserté, au moins dans le discours, le champ de la pauvreté et de l'exclusion. Signe de cette apparente désaffection : plusieurs circulaires qualifiées d' « importantes » ,portant sur le volet insertion du RMI, le recentrage des CES et la relance de l'insertion par l'activité économique, étaient en souffrance depuis plusieurs semaines sur le bureau de Martine Aubry. Annoncée comme « imminente », leur signature était sans cesse repoussée. Elles devraient, enfin, être rendues publiques le 6 janvier.

Les associations de chômeurs et précaires (AC !, MNCP et Apeis), soutenues par plusieurs organisations et syndicats (comités de chômeurs CGT, CGT Finances, CFDT-Tous ensemble, FSU, SUD, Cadac, DAL, Droits devant...), viennent de rappeler à l'ordre le gouvernement en mobilisant leurs troupes, avec succès, depuis une quinzaine de jours, un peu partout en France. Occupations de locaux des Assedic, manifestations diverses, tentative d'occupation du siège de l'Unedic à Paris : autant d'opérations « coups de poing » qui ont mis en évidence, s'il en était besoin, l'exaspération des « sans emploi ». Certes, dans la coulisse, les ministres travaillent au projet de loi de prévention et de lutte contre les exclusions. Et Martine Aubry a souligné sa volonté d'éviter les effets d'annonce. Prévu pour le début du printemps, ce texte devrait apporter un certain nombre de solutions aux difficultés dont souffrent les plus démunis. Mais pour les militants associatifs et les syndicalistes, il y a urgence car les chômeurs attendent des réponses concrètes et rapides. C'est pour cette raison qu'ils ont lancé, le 20 décembre, un manifeste contre le chômage, la misère et la précarité (1) dans lequel ils rappellent leurs principales revendications : réduction du temps de travail à 35 heures puis à 32 heures, refonte de la fiscalité en faveur des mesures d'urgences sociales, transports gratuits pour les chômeurs et leurs familles, revalorisation « significative » des minima sociaux...

Pourtant, c'est autour d'une demande à la fois pragmatique et symbolique - l'attribution d'une « prime de fin d'année »  - que s'est cristallisée la colère des chômeurs et précaires. Ceux-ci réclament, en effet, pour chaque chômeur indemnisé, le versement d'une prime d'un montant de 3 000 F à 5 000 F, sorte de « treizième mois », versée habituellement, dans certains départements sur les fonds sociaux des Assedic (réservés aux chômeurs en grande difficulté). C'est cette pratique que les associations veulent voir étendre, critiquant au passage, une nouvelle fois, la réforme des fonds sociaux (adoptée en juillet dernier et entrée en application le 1er octobre) qui privilégie le reclassement professionnel et la formation sur les aides « matérielles »   (2). A l'Unedic, en charge de ces fonds sociaux, on indique cependant qu' « il n'y a jamais eu de “prime de Noël” systématique pour tous les chômeurs ». Simplement, précise-t-on, « sur demandes individuelles, certaines Assedic ont attribué des aides n'excédant pas 1 500 F au moment de Noël comme durant toute l'année ». D'ailleurs « accorder une prime de 3 000 F à l'ensemble des chômeurs indemnisés représenterait une dépense de 9 milliards de francs pour le régime d'assurance chômage, soit une hausse de 0,5 % des cotisations », ajoute encore l'Unedic. Et celle-ci rappelle que les fonds sociaux sont passés de 1,2 à 1,4 milliards de francs, dont 400 millions consacrés au relèvement de l'allocation unique dégressive plancher, « soit une augmentation individuelle de 300 F ». Mais les associations n'en démordent pas et exigent toujours le versement d'une « prime de fin d'année ». La ministre de l'Emploi et de la Solidarité est intervenue, le 24 décembre, invitant les préfets à régler les cas les plus urgents « en relation avec les Assedic, l'ANPE et les associations concernées », tout en précisant que « nul n'est en mesure d'apporter une réponse positive » à la « revendication générale »   (3) .Ainsi, dès le 29 décembre, des cellules d'urgence étaient mises en place, sous l'égide des préfets, dans plusieurs grandes villes. Cette réponse constitue « une avancée incontestable », a aussitôt déclaré Charles Hoareau, membre du bureau national du Comité CGT des chômeurs. Quant à Agir ensemble contre le chômage ! (AC !)   (4), considérant qu'il s'agit d'un « premier recul qui reste timide », elle a appelé les chômeurs à maintenir leur mobilisation. Des manifestations étaient ainsi organisées les 30 et 31 décembre, plusieurs visant directement l'Unedic et les partenaires sociaux, en particulier le CNPF. En outre, la CGT et la CFTC déclaraient vouloir revenir sur la réforme des fonds sociaux. Cette question devrait être soulevée lors du conseil d'administration de l'Unedic du 7 janvier. Date à laquelle les associations appellent à un rassemblement national.

Reste qu'au-delà de la prime de Noël, c'est aussi, et surtout, l'épineux problème de l'indemnisation des chômeurs de longue durée et du relèvement des minima sociaux qu'entendent soulever, une nouvelle fois, les associations et certains syndicats. A cet égard, la récente hausse de 3 % de l'allocation de solidarité spécifique  (ASS) (une prestation accordée aux chômeurs en fin de droit)   (5), a mis le feu aux poudres. Pour le Mouvement national des chômeurs et précaires  (MNCP)   (6), qui se déclare « indigné », il s'agit d'une augmentation « insignifiante ». Même son de cloche à AC ! où l'on juge cette revalorisation nettement « insuffisante ». Un point de vue partagé par la CGT mais aussi par FO dont le secrétaire général, Marc Blondel, a écrit, le 24 décembre, à Martine Aubry, pour souligner que l'augmentation de l'ASS ne permettra pas de « rétablir la perte de pouvoir d'achat des chômeurs concernés ». Les organisations mobilisées veulent obtenir une revalorisation de 1 500 F, par mois et par personne, pour tous les minima sociaux (ASS mais aussi RMI, allocation unique dégressive, allocation adulte handicapé et allocation de parent isolé). Autre demande : l'extension de l'allocation de chômeurs âgés   (7) aux demandeurs d'emploi en ASS. Car, protestent les associations, les chômeurs de longue durée ayant cotisé plus de 40 ans à la sécurité sociale sont exclus de ce sytème. Sur ce dossier, Lionel Jospin est intervenu directement, le 26 décembre, dans une lettre au président du groupe communiste à l'Assemblée nationale, le député Alain Bocquet. Lequel l'avait interpellé, quelques jours plus tôt, sur la réforme des fonds sociaux des Assedic. Rappelant les mesures déjà prises par le gouvernement « pour venir en aide au plus démunis », le Premier ministre a indiqué que des mesures étaient en préparation pour les chômeurs ayant cotisé plus de 40 ans. L'ASS, les concernant, pourrait ainsi être majorée de 1 500 F. Lionel Jospin a également annoncé la mise en place d'une aide au transport en région parisienne « pour un grand nombre de jeunes, de chômeurs et d'allocataires du RMI ». Sur cette question un rendez-vous a d'ailleurs été fixé, le 2 janvier, entre les associations et le ministre des Transports, Jean-Claude Gayssot.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2051 du 26-12-97.

(2)  Voir ASH n° 2043 du 31-10-97.

(3)  La lettre ministérielle du 24 décembre précise que les préfets pourront, s'ils le jugent nécessaire, « réunir les organismes disposant de fonds dédiés à l'aide sociale (CAF, Assedic, départements, etc.) afin de coordonner leurs interventions pour déterminer les réponses d'urgence les plus adaptées à chacun des cas ».

(4)  AC ! : 42, rue d'Avron - 75020 Paris - Tél. 01 43 73 36 57.

(5)  Voir ASH n° 2051 du 26-12-97.

(6)  MNCP : 17, rue de Lancry - 75010 Paris - Tél. 01 40 03 90 66.

(7)  Qui permet aux chômeurs indemnisés ayant cotisé 40 ans de percevoir, jusqu'à l'âge de la retraite, une indemnité non dégressive. Voir ASH n° 2037 du 19-09-97.

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