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Réduction de la durée du travail

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Comme annoncé (1), le projet de loi« d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail » a été adopté au conseil des ministres du 10 décembre. Il laisse aux partenaires sociaux le soin de mettre en œuvre les 35 heures dont il se contente de fixer le principe et les échéances.

Après d'ultimes arbitrages, le projet de loi sur la réduction du temps de travail a été présenté par Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, au conseil des ministres du 10 décembre. Un projet qui « traduit la volonté du gouvernement de recourir à tous les moyens possibles pour réduire le chômage  [...] or, une réduction du temps de travail bien conduite peut créer des centaines de milliers d'emplois »,indique d'emblée l'exposé des motifs. Pour autant, la réduction du temps de travail « répond aussi aux attentes des salariés de disposer de plus de temps libre et d'améliorer leurs conditions de vie et de travail ».

Le texte, qui se substituera à la loi de Robien (2), propose de fixer la durée légale du travail à 35 heures hebdomadaires au 1er janvier 2000, ou 2002 pour les petites entreprises. Le gouvernement ayant choisi de privilégier la voie de la négociation sociale de branche et d'entreprise,c'est aux partenaires sociaux qu'il appartiendra de fixer d'ici là les modalités de réduction effective de la durée du travail adaptées aux situations des branches et des entreprises. Selon le projet de loi, les partenaires sociaux pourront organiser tout ou partie de la réduction du temps de travail en deçà des 39 heures hebdomadaires sous forme de jours de repos, pris pour partie au choix du salarié, pour partie au choix de l'employeur. L'accord pourra prévoir que tout ou partie de ces repos ou que ceux de certaines catégories de salariés alimenteront un compte épargne temps (3). De son côté,l'exposé des motifs se borne à indiquer que les partenaires sociaux pourront fixer des modalités« variées » et utiliser les possibilités d'aménagement du temps de travail existantes, comme la modulation des horaires dans le cadre de l'année. Par ailleurs, s'agissant des salaires,« s'il n'est pas souhaitable aujourd'hui de baisser les rémunérations », précise seulement l'exposé, la négociation devra néanmoins « déterminer les apports de chacun : affectation des gains de productivité réalisés dans les entreprises, progression maîtrisée des salaires... ».

Ce n'est qu'après un bilan de ces négociations et de la situation économique du moment que le gouvernement déposera un second projet de loi à l'automne 1999 afin de définir les modalités de mise en œuvre et d'accompagnement de la baisse de la durée légale « notamment en ce qui concerne l'organisation et la modulation du temps de travail ». Toutefois, le projet actuel incite financièrement les entreprises à s'engager conventionnellement sur la voie de la réduction avant l'échéance de l'an 2000.

Par ailleurs, il cherche à « freiner l'excès des heures supplémentaires au-dessus de la durée légale actuelle » et à « moraliser les conditions de recours au travail à temps partiel en évitant les abus parfois constatés aujourd'hui ».

Vers les 35 heures

La durée légale du travail passera de 39 heures hebdomadaires à 35 heures hebdomadaires dès le 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés. Le seuil de 10 salariés, un temps envisagé, a donc été revu à la hausse. Ce n'est qu'à compter du 1er janvier 2002 que la durée du travail passera à 35 heures pour les entreprises de moins de 20 salariés.

Celles qui réduiront la durée du travail dès 1998, tout en procédant à des embauches,bénéficieront d'une aide financière.

Entreprises concernées

Entreront dans le champ d'application de la réduction du temps de travail les entreprises aujourd'hui soumises à la durée légale du travail. Seront ainsi concernés, « les établissements industriels et commerciaux et leurs dépendances, de quelque nature qu'ils soient, publics ou privés, laïques ou religieux, même s`ils ont un caractère d'enseignement professionnel ou de bienfaisance, les offices publics et ministériels, les professions libérales, les sociétés civiles et les syndicats professionnels et associations de quelque nature que ce soit ». Seront également concernés « les établissements agricoles, artisanaux et coopératifs et leurs dépendances ».

Seront en revanche exclues du champ d'application de la loi,les trois fonctions publiques (Etat, hospitalière et territoriale) pour lesquelles une réflexion sur la durée du travail devrait néanmoins être engagée, ainsi que certaines professions particulières, telles les assistantes maternelles.

Aide financière

Pour inciter les entreprises à négocier dès maintenant la réduction du temps de travail, une aide financière sera mise en place sous la forme d'unabattement forfaitaire et dégressif sur les cotisations sociales patronales. Cette aide donnera lieu, à compter du 1er janvier 1999, à un remboursement partiel de la part de l'Etat aux régimes concernés.

CONDITIONS D'ATTRIBUTION

Champ d'application de l'aide

Pourront bénéficier de l'aide toutes les entreprises y compris de moins de 20 salariés :

• qui entrent dans le champ de la réduction du temps de travail ainsi que les sociétés ou organismes de droit privé, les sociétés d'économie mixte et établissements publics industriels et commerciaux locaux de transport public urbain de voyageurs  toutefois, ne seront pas éligibles à cette aide certaines grandes entreprises,comme la SNCF, La Poste et EDF-GDF, dont la liste sera fixée par décret

• qui réduisent leur durée du travail d'au moins 10 %, en accroissant leurs effectifsd'au moins 6 % et qui s'engagent à maintenir l'effectif pendant au moins 2 ans  dans un dossier explicatif adressé aux entreprises, le ministère précise que les embauches devront être réalisées dans un délai d'un an.

Négociation d'un accord
L'attribution de l'aide sera subordonnée à la conclusion d'un accord collectif.

Contenu

L'accord collectif déterminera notamment le nombre d'embauches envisagées par catégorie professionnelle,les échéances de la réduction du temps de travail, les modalités d'organisation et de décompte du temps de travail, les modalités du suivi de sa mise en œuvre au sein de l'entreprise et, le cas échéant, de la branche, le sort des salariés à temps partiel, ou encore, des cadres.

Niveau de l'accord

Seule une réduction de la durée du travail organisée en application d'un accord d'entreprise ou d'établissement ouvrira droit à l'aide financière. Toutefois, elle pourra aussi résulter d'une convention ou d'un accord de branche étendu.

L'entreprise

La loi du 12 novembre 1996 sur le développement de la négociation collective a prévu la mise en œuvre, par accord de branche, de dispositifs expérimentaux permettant la conclusion, dans les entreprises dépourvues de représentation syndicale, d'accords par des représentants élus ou des salariés mandatés par les syndicats (4).Cependant, explique l'exposé des motifs,« l'absence de tels accords dans la plupart des branches professionnelles laisse entier le problème de l'accès des petites entreprises à la négociation sur la réduction du temps de travail ».

Pour y remédier, le projet prévoit que dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical,l'accord pourra être conclu par un ou plusieurs salariés expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales reconnues représentatives au plan national. Cette procédure ne sera autorisée qu'à défaut d'un accord de branche mettant en œuvre les dispositions de la loi du 12 novembre 1996.

Le mandat précisera les termes de la négociation,les obligations d'information pesant sur le mandataire et les conditions dans lesquelles le mandant peut, à tout moment,mettre fin au mandat. Les salariés mandatés bénéficieront, selon certaines modalités, de la protection accordée aux délégués syndicaux. Les accords conclus dans ce cadre seront transmis au comité départemental de la formation professionnelle,de la promotion sociale et de l'emploi.

La branche

La réduction du temps de travail pourra être mise en œuvre par un accord de branche, sous réserve d'un accord d'entreprise dans les entreprises de plus de 50 salariés et, dans les entreprises de moins de 50 salariés selon des modalités de mise en œuvre prévues par la convention ou l'accord de branche.

Volet défensif

Un dispositif d'incitation sera parallèlement mis en place pour les entreprises qui, dans le cadre d'une procédure collective de licenciement pour motif économique, préservent des emplois, pendant au moins 2 ans, grâce à la réduction du temps de travail.

Le nombre d'emplois préservés doit être équivalent à 6 % au moins de l'effectif concerné par la réduction du temps de travail d'au moins 10 %. L'aide sera également majorée si l'entreprise réduit de 15 % la durée de travail et s'engage à préserver un volume d'emplois équivalent à 9 % au moins de l'effectif. L'aide sera attribuée pour une période initiale de 3 ans, renouvelable pour 2 ans, après examen de la validité de l'accord d'entreprise, « de l'équilibre économique du projet et de la qualité des mesures de prévention et d'accompagnement des licenciements ».

MONTANT DE L'AIDE

L'aide sera accordée par convention entre l'Etat et l'entreprise, pour 5 ans, pour chaque salarié dont l'horaire de travail est réduit et pour chaque salarié embauché en contrepartie.

Son montant, fixé par décret, sera d'autant plus important que les entreprises réduiront rapidement la durée du travail. Des majorations sont prévues.

Montant de base

La première année, le montant accordé pour un an et par salarié sera de 9 000 Fpour les entreprises entrant dans le dispositif en 1998, de8 000 F pour celles entrant dans le dispositif au cours du 1er semestre 1999 et enfin de7 000 F pour celles attendant le2e semestre 1999.

L'aide sera ensuite réduite de 1 000 Fchaque année, pendant les 5 ans, sans pouvoir être inférieure à 5 000 F.

Ce montant de 5 000 F devrait également être celui de l'aide structurelle qui prendra le relais de l'aide dégressive ou sera accordée aux entreprises qui attendront la date butoir pour réduire la durée légale du travail.

Majorations

Une double majoration du montant de base sera possible.

• L'aide sera majorée, d'un montant qui devrait être fixé à 4 000 F,lorsque l'entreprise réduit de 15 % la durée du travail et s'engage à accroître ses effectifs d'au moins 9 %.

• Il sera également majoré de1 000 F par an pour les entreprises qui font des efforts particuliers pour créer davantage d'emplois que le seuil minimum prévu, embaucher une proportion élevée de jeunes ou mettre en œuvre des modalités innovantes d'organisation du temps de travail.

CUMUL DE L'AIDE

L'aide ne pourra pas être cumulée avec une exonération totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale, ou avec l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisation.

En revanche, l'aide sera cumulable avec la réduction de cotisations accordée sur les salaires compris entre 1 et 1,3 fois le SMIC ainsi qu'avec celle accordée dans le cadre du contrat initiative-emploi et du contrat d'accès à l'emploi dans les départements d'outre-mer.

Heures supplémentaires

S'agissant des heures supplémentaires,c'est-à-dire des heures effectuées au-delà de la durée légale, les seules modifications apportées par le projet porteront sur le repos compensateur. Le nouveau régime des heures supplémentaires sera, quant à lui, fixé dans le cadre de la seconde loi. Tout au plus,l'exposé des motifs donne-t-il une première précision sur les majorations.

Majorations

Actuellement, les heures effectuées au-delà de 39 heures sont majorées de 25 % de la 40e à la 47e heure incluse et de 50 % à partir de la 48e heure.S'agissant des heures supplémentaires qui seront effectuées dans le cadre de la nouvelle durée du travail, l'exposé des motifs se contente d'indiquer que« les majorations de rémunération des heures supplémentaires effectuées entre 35 et 39 heures seront au maximum de 25 %  elles pourront être réduites si la situation le requiert ».

Repos compensateur

Dans les entreprises de plus de 10 salariés,les heures supplémentaires effectuées à l'intérieur du contingent de 130 heures annuelles ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % du temps de travail accompli en heures supplémentaires au-delà de 42 heures  ce seuil sera ramené à 41 heures à compter du1er janvier 1999.

Travail à temps partiel

Le projet de loi prévoit par ailleurs une série de mesures destinées à limiter les recours abusifs au temps partiel.

Abattement de 30 %

L'embauche d'un salarié sous contrat à durée indéterminée à temps partiel ou la transformation de contrats à durée indéterminée à temps plein en contrats à durée indéterminée à temps partiel ouvrent droit, dans certaines conditions, à un abattement de 30 % sur les cotisations patronales. Ces conditions seront en partie modifiées, sauf pour les contrats en cours.

• Pour ouvrir droit à l'abattement de 30 % sur les cotisations patronales de sécurité sociale, le contrat de travail à temps partiel devra avoir été conclu pour une durée hebdomadaire comprise désormais entre 18 heures et 32 heures, et non plus entre 16 heures et 32 heures.

• Le dispositif d'incitation au temps partiel est rendu compatible avec le mouvement de réduction de la durée du travail. L'abattement sera ainsi maintenu pour les contrats de travail prévoyant un horaire individuel compris entre 28 et 32 heures qui, du fait de la nouvelle durée légale du travail, basculeront en dehors du champ de la définition du temps partiel.

• L'abattement sera supprimé pour lescontrats à temps partiel annualisé, sauf si ce mode d'organisation résulte de l'application dans l'entreprise d'un accord collectif définissant notamment les modalités suivant lesquelles le travail à temps partiel est pratiqué à la demande du salarié.

Par ailleurs, l'employeur qui procède à une embauche et prétend au bénéfice de l'abattement en fera par écrit la déclaration à l'autorité administrative compétente dans les 60 jours de l'embauche, contre 30 jours jusqu'à présent.

Heures complémentaires

Les heures complémentaires sont les heures effectuées au-delà de la durée prévue au contrat de travail. En l'état actuel des textes, le nombre d'heures complémentaires effectuées par un salarié à temps partiel au cours d'une même semaine ou d'un même mois ne peut être supérieur au dixième de la durée du travail prévue au contrat. Une convention ou un accord collectif de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut néanmoins porter cette limite jusqu'au tiers de cette durée. Il est prévu que seul un accord de branche pourra dorénavant autoriser le recours à un volant d'heures complémentaires supérieur.

Interruptions

Afin de limiter l'amplitude et la fragmentation de la journée de travail de certains salariés à temps partiel, le projet conditionnera à l'existence d'unaccord de branche étendu la possibilité d'imposer plus d'une interruption d'activité ou une interruption d'une durée de plus de 2 heures, au cours de la même journée. Cette disposition ne sera applicable qu'à compter du 31 mars 1999.

Cotisations retraite

Sera pérennisée la possibilité pour les employeurs de salariés à temps partiel de continuer à cotiser pour leur retraite sur la base du temps plein,alors que la loi quinquennale du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle avait prévu cette disposition pour une durée limitée à 5 ans. •

F.E.

Notes

(1) Voir ASH n° 2047 du 28-11-97 et n° 2041 du 17-10-97.

(2) Etant précisé que les conventions en cours continueront à s'appliquer. Voir ASH n° 1995 du 1-11-96.

(3) Voir ASH n° 1889 du 21-07-94.

(4) Voir ASH n° 1997 du 15-11-97.

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