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CMP : réussir l'articulation entre le sanitaire et le social

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Les centres médico-psychologiques contribuent à ouvrir la psychiatrie sur la cité, et brisent l'image des structures asilaires d'antan. A condition, toutefois, de mettre en place un vrai travail d'équipe et d'instaurer un partenariat avec l'extérieur.

Les centres médico-psychologiques  (CMP), sont-ils bien les pivots du dispositif de secteur psychiatrique ?Dès les années 70 en tout cas, la mise en place des dispensaires d'hygiène mentale, ancêtres des CMP, illustre cette volonté de sortir l'hôpital et la psychiatrie hors des murs. Constitués d'une équipe médico-psychologique - composée d'un médecin psychiatre, d'un (e) psychologue, d'une assistante sociale, d'un temps infirmier pour 10 000 habitants et d'une secrétaire médicale - pour un secteur de 70 000 habitants, les dispensaires d'hygiène mentale sont bien les avant-postes de la santé mentale dans la cité. Tout comme les CMP - composés de ces mêmes équipes médico-psychologiques - qui prennent officiellement le relais en 1984, et dont les missions sont clairement identifiées : accueil, consultation, diagnostic, orientation, soins ambulatoires, interventions à domicile, coordination et liaison, et enfin prévention primaire, secondaire et tertiaire.

« Normalement, le CMP a tout pour être le pivot du dispositif sectoriel, souligne Annie Bardon, directrice de l'ERAP (1). C'est un lieu banalisé dans le tissu social - même s'il dépend de l'hôpital - où s'adresse la population en première intention. Il permet de démythifier la psychiatrie. » De plus, le travail pluriprofessionnel implique une approche globale de la personne. En ce sens, les CMP accompagnent le glissement qui se fait jour dans la psychiatrie, celle-ci se situant davantage, désormais, dans une logique de santé mentale. « Nous ne sommes plus dans les grandes pathologies psychiatriques d'antan, analyse Dominique Poggi, ethnosociologue à l'ERAP. Aujourd'hui, une part de la souffrance psychique est liée à des problèmes professionnels, relationnels. Les gens ont besoin de trouver un emploi, mais aussi de reprendre confiance en eux. Les psychiatres doivent intervenir. Cependant, ils ne peuvent pas remplacer tous les autres acteurs sociaux. »

Autre élément du contexte, qui n'est pas neutre pour les CMP, et qui a été abordé lors de la rencontre régionale des CMP de Saint-Rémy, en Haute-Saône (2)  : la restructuration hospitalière et la mise en œuvre des ordonnances Juppé d'avril 1996. Comment rendre compte de l'activité psychiatrique en des termes purement quantitatifs, s'interrogent les médecins, de loin les plus pessimistes ? « Si l'on s'en tient aux textes, les ordonnances Juppé peuvent renforcer les CMP, affirme au contraire Annie Bardon, qui se fait volontiers l'avocat du diable. Les directeurs des agences régionales hospitalières sont censés promouvoir un dispositif de santé mentale basé sur la proximité, grâce à des services de qualité en amont et en aval. » En tout cas, les nouveaux textes de loi insistent sur la complémentarité des établissements hospitaliers et la mise en place de réseaux de soins et de prise en charge. Les CMP ont peut-être là une carte à jouer, pour peu qu'ils en aient les moyens.

Un bilan contrasté

Mais qu'en est-il dans les faits et dans la pratique ? Les CMP remplissent-ils leur mission, au carrefour entre le sanitaire et le social ? Le tableau est plutôt contrasté, c'est le moins que l'on puisse dire. Ici, les centres médico-psychologiques sont encore trop conçus comme des lieux de soins exclusivement. Selon Annie Bardon, en 1994, la France comptait 1 137 CMP, « mais beaucoup n'assuraient que des consultations médicales, en prévention ou en suivi, avec seulement des médecins et des secrétaires médicales ». Là, l'équipe est constituée en majorité d'infirmiers. Ailleurs, il n'y a pas d'assistante sociale « réservée » car elle partage son temps entre le centre et l'hôpital  ou bien les activités du CMP relèvent davantage du centre d'accueil thérapeutique à temps partiel... « Tout dépend de l'histoire locale de l'hôpital, estime Gérard Mosnier, directeur de l'hôpital psychiatrique de Montfavet, dans le Vaucluse. Dans certains cas, nous ne sommes pas sortis de l'hospitalocentrisme. »

Sans compter les dilemmes dans lesquels se débattent les professionnels. A Carpentras, dans le Vaucluse, les habitants du quartier où devait s'installer le CMP ont envoyé des lettres de protestation. « Ils ne voulaient pas de nos'fous " », explique Chantal Frizet, psychologue du CMP, celui-ci ayant finalement vu le jour ailleurs dans la cité. Pourtant, au même moment, les consultations de la psychologue ont plus que doublé : « Je suis demandée partout, par la PMI, les maternités, les lycées... Mais le CMP ne peut pas tout faire. » Même son de cloche du côté de Pierre Laporte, médecin-chef au centre hospitalier de Saint-Rémy, qui met en garde contre une psychiatrisation du social : « Les psychiatres sont censés traiter tous les maux de la société. Nous sommes par exemple confrontés à l'exigence des élus qui subissent la pression de leurs concitoyens. En fait, ils nous demandent de tenir les malades. »

Le rôle stratégique de l'AS

Quoi qu'il en soit, c'est en travaillant en équipe, en portant des regards croisés sur la personne, que le CMP a le plus de chances de remplir sa mission. Là-dessus, tout le monde est d'accord. Reste la mise en œuvre. « Un réseau, précise Annie Bardon, réunit des partenaires qui vont élaborer un langage commun. Or, souvent, dans les faits, ce ne sont que des partenaires qui n'ont pas de culture commune. »

D'autant que, là encore, les situations diffèrent d'une structure à l'autre. A Carpentras, cinq médecins sont rattachés au centre. A Bourg-en-Bresse, il n'y en a qu'un, qui intervient deux fois par semaine. Ce sont donc les infirmiers qui reçoivent les patients. « Nous avons établi des protocoles d'urgence en accord avec les médecins, lorsque nous sommes confrontés à des problèmes spécifiques d'ivresse, d'agitation, ou de crise, précise Joël Convert, cadre infirmier au CMP de Bourg. Sans pour autant nous substituer au médecin. » Du coup, chaque centre met en place sa propre organisation, son propre travail en équipe. Certains étant confrontés à des blocages que d'autres parviennent à éviter : ainsi cette infirmière se plaint du poids écrasant de la hiérarchie médicale, qui étouffe les autres intervenants professionnels. Joël Convert insiste, quant à lui, sur la nécessité de réunions régulières sur les pratiques de l'équipe, « c'est très lourd à gérer, mais c'est indispensable. Dans un CMP, les soins ne peuvent se réduire à une production d'activités. » Un psychiatre revient sur l'importance du diagnostic d'équipe, qui va permettre à chacun, au sein du CMP, de voir ce qu'il peut apporter en fonction de sa spécificité. « Nous souhaitons travailler en complémentarité, mais nous ne nous aimons pas beaucoup », admet-il. Chantal Frizet parle également de l'importance de la « supervision », ce regard extérieur posé par un psychologue qui permet de mener une analyse des pratiques du groupe.

En plus du travail d'équipe au sein du centre médico-psychologique, s'ajoute la mise en œuvre d'un réseau avec les partenaires extérieurs. Dans les deux cas, chacun s'accorde à mettre en avant la place prépondérante de l'assistante sociale. « De par sa formation initiale et son expérience professionnelle, l'AS détient une culture pluridisciplinaire », souligne Jean-Christophe Roche, assistant social au CMP de Vesoul. « Elle s'adresse à la partie saine de l'individu pour lui permettre de faire le lien avec la société, en faisant en sorte qu'il soit acteur. » Selon Dominique Poggi, l'assistante sociale est la mieux placée car elle connaît le tissu social, et surtout, elle n'est pas placée sous la responsabilité directe du médecin, mais du chef d'établissement. D'où la possibilité d'une plus grande autonomie dans son travail. Et c'est surtout une manière d'ouvrir réellement le CMP sur l'extérieur en tentant, sinon une insertion sociale à part entière, du moins un accompagnement social. De l'avis de Gérard Mosnier, en effet, celui-ci ne va pas encore assez loin. « Les assistantes sociales ne sont pas seules à avoir un rôle à jouer. Elles doivent favoriser l'autonomie du patient, mais je pense également au personnel socio-éducatif qui doit prendre le relais en termes d'animation, de soutien, d'actions pédagogiques. C'est d'ailleurs une dimension que l'on va peut-être pouvoir développer avec les emplois-jeunes... »

Se faire connaître et reconnaître

Certains professionnels tentent, quant à eux, de formaliser un vrai partenariat en se faisant « connaître et reconnaître ». A Clermont  (Oise), par exemple, les membres du CMP ont rencontré les partenaires institutionnels, mais aussi la population (receveur des postes, propriétaires de café, etc.). Puis ils ont édité une plaquette de présentation du centre. A Carpentras, l'inauguration officielle du CMP a été suivie d'une journée portes ouvertes.

Comme c'est souvent le cas dans le travail social, la mise en œuvre et le bon fonctionnement d'un réseau et d'un partenariat dépendent à la fois des personnes, des structures et des moyens disponibles. Mais, selon Dominique Poggi, les CMP ne manquent pas d'atouts : les élus et les associations familiales sont très demandeurs et sont prêts à collaborer dans la durée. Les élus, parce qu'ils sont parfois amenés à signer des hospitalisations d'office et qu'ils aimeraient sans doute pouvoir bénéficier de l'aide et des conseils de professionnels. Les familles, parce qu'elles expriment leur besoin d'être intégrées dans un réseau coordonné par un travailleur social, notamment lorsque leur parent sort d'une période d'hospitalisation, et qu'il faut mettre en œuvre un suivi et un accompagnement social. Enfin, les CMP sont un référent important dans des régions rurales où les structures sanitaires et sociales sont souvent dispersées.

Anne Ulpat

CMP, CATTP ET HÔPITAL DE JOUR

Une circulaire de la direction des hôpitaux de mars 1993 précise les missions des centres médico-psychologiques (CMP), des centres d'accueil thérapeutiques à temps partiel (CATTP) et de l'hôpital de jour (3)  :

  « Le centre médico-psychologique occupe une place prépondérante, car assurant une double fonction : accueil du public mais aussi lieu d'élaboration et de coordination, au sein de l'équipe comme avec les partenaires extérieurs. Il se doit d'être aisément accessible, par ses heures d'ouverture, sa localisation, et les modalités d'accueil, tout particulièrement lors de la première prise de contact [...].

  « Le centre d'accueil thérapeutique à temps partiel offre, pour de petits groupes de patients, différentes activités, dans un cadre déterminé et régulier, le plus souvent au centre médico- psychologique ou dans une antenne, proche du domicile des familles [...].

  « L'hôpital de jour assure des soins polyvalents et intensifs, mis en œuvre par une équipe multidisciplinaire, en un lieu ouvert à la journée, mais selon une périodicité déterminée pour chaque patient, dans la journée comme dans la semaine  l'utilisation de l'hôpital de jour répond à des indications cliniques précises, pour une pathologie nécessitant des soins à moyen ou long terme, ou parfois pour un séjour d'observation. [...] »

Notes

(1)  Etudes, recherches, actions en prévention : 2, rue Alphonse-Karr - 75019 Paris - Tél. 01 40 03 77 65 - Fax : 01 40 03 77 60.

(2)  Rencontre régionale des 21,22 et 23 octobre 1997 organisée par l'ERAP, en partenariat avec l'Association hospitalière de Franche-Comté.

(3)  Voir ASH n° 1832 du 14-05-93.

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