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« REDÉFINIR LE TRAVAIL SOCIAL, REPENSER LA FORMATION DES ASSISTANTS DE SERVICE SOCIAL »

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Dans la perspective de la mise en place du nouveau diplôme d'assistant de service social, Jacqueline Godard, formatrice dans une école de service social, plaide pour « une réforme ambitieuse du système de formation » . Ce qui contribuerait à « revaloriser le métier d'AS » .

« A l'aube de l'an 2000, de nouveaux textes feront force de loi en matière de formation au métier d'assistant de service social  (AS). On peut se réjouir du fait que la dernière réforme du DEASS, créé il y a déjà 17 ans, soit remise à l'ordre du jour. En effet, le ministère, avec la direction de l'action sociale et sa conseillère technique, lance le démarrage des négociations en vue de la réactualisation des textes en vigueur. L'année1998 y sera consacrée et le nouveau diplôme devrait voir le jour en septembre 1999, pour la promotion 1999-2002.

« Si le symbole est fort, le pari l'est tout autant et il n'est pas question de rater ce rendez-vous, tant attendu de tous.

La situation est mûre pour promouvoir le changement

« Le métier d'assistant de service social est en crise et en perte de repères identitaires. La décentralisation est passée par là et des générations de travailleurs sociaux pourraient bien avoir été sacrifiées, du fait d'une réorganisation de l'action sociale mal gérée et d'une absence de redéfinition des postes. Entre leurs principaux employeurs et les professionnels, un climat de méfiance et de disqualification réciproque bloque toute avancée et reconnaissance statutaire.

« Les publics, de plus en plus précarisés, adressent aux travailleurs sociaux des demandes d'aide à régler en urgence et brouillent les fondements mêmes de l'intervention sociale. Le “suivi” est mis à mal et la méthodologie de l'acte social, qui s'inscrit dans la durée, est malmenée par la résistance de l'usager qui développe de nouveaux comportements et sollicite des réponses immédiates. La multiplication de cas semblables ne peut se satisfaire du seul traitement individualisé des demandes. Elle requiert des compétences “d'urgentiste” qui doit évaluer rapidement les situations et mobiliser un réseau partenarial de proximité. Ces actions territorialisées et le développement local se heurtent encore aux résistances de certains employeurs, et surtout des professionnels qui ont du mal à rompre avec une conception étroite du seul traitement individualisé des problèmes sociaux.

« Le résultat de cette inadaptation du travail social aux nouvelles conditions des populations en difficulté entraîne, depuis quelques années, l'entrée en scène de nouveaux métiers qui occupent le champ du social et qui semblent mieux armés pour aborder les problématiques nouvelles (chef de projet, agent de développement local, médiateur...). Les travailleurs sociaux ont du mal à se situer par rapport à ces fonctions et ce processus se poursuit et s'amplifie avec les emplois-jeunes. Il est grand temps qu'ils se resituent, compte tenu de la reconfiguration des métiers du social.

« Le public étudiant subit de sérieux bouleversements. Après avoir attiré des jeunes dits “de faible qualification”, mais dotés de véritables savoir-faire d'expérience et d'un réel capital biographique spécifique en lien avec les problématiques sociales actuelles, la formation est en train de conquérir de plus en plus de jeunes issus de l'université et que les diplômes obtenus n'ont pas su préserver du chômage, encore inexistant dans nos professions. Leurs motivations de départ, mais aussi leurs attentes et projets professionnels seront diversifiés et requièrent de nouvelles postures pédagogiques.

« Les centres de formation, malgré leur ingéniosité et leur interprétation des textes, à travers des projets pédagogiques originaux et bien ancrés dans les besoins actuels, n'ont pas la possibilité de préparer les AS d'un “nouveau type”, mieux adaptés à la logique de l'action locale et capables de s'intégrer dans les actions transversales, territorialisées et désectorisées, aujour-d'hui essentielles. Ils visent la réussite à des épreuves du DEASS conçues pour qualifier des professionnels devant répondre aux besoins des années 80. D'où découle l'hypothèse  (1) qu'il existe des décalages entre :

(1)  Cette hypothèse a servi de base à la recherche conduite par l'auteur, dans le cadre de son DSTS, préparé à l'ITSRS de Montrouge, en convention avec le collège coopératif de Lyon II, en octobre 1996 : De l'école au monde du travail. La socialisation professionnelle des jeunes assistants sociaux.

  « la manière de prendre en compte les caractéristiques sociales des nouvelles générations d'étudiants AS 

  « les modèles de référence diffusés dans les centres de formation par alternance 

  « et les identités professionnelles liées à l'exercice renouvelé du métier d'AS.

Repenser la formation, à partir des transformations du travail social

« L'Etat, qui a conservé la responsabilité de la formation des AS et préservé, à juste titre, un diplôme national, lance aujourd'hui des négociations pour repenser leur formation.

« On se souvient qu'il avait précédemment annoncé la réforme des études, dans la loi avortée, dite de “cohésion sociale” et réaffirmé alors, le rôle important que les travailleurs sociaux jouent, dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

« Déjà des regroupements nationaux des centres de formation et des associations professionnelles ont engagé la réflexion en leur sein, sur invitation de la direction de l'action sociale à faire des propositions en ce sens.

« Comment engager la réflexion ?

« On ne saurait se contenter de modifier les contenus de la formation, les dispositifs pédagogiques et les modalités d'évaluation des épreuves du DEASS.

« Certes, la durée des études (trois ou quatre ans), le contrôle continu ou la durée des stages (12 ou 14 mois) sont des données essentielles qui contribueront à requalifier les assistants sociaux. Mais, en tout état de cause, on ne saurait éviter de se poser la question des nouvelles qualifications attendues, en termes de compétences et de dispositions personnelles et professionnelles, mais aussi celle des nouveaux modes d'intervention sociale.

« Il faut repenser les profils de poste, redéfinir les missions et les mandats, clarifier les formes d'évaluation du métier, de son encadrement et du contrôle hiérarchique... Bref, il convient de proposer une nouvelle définition de la profession d'AS, si ce n'est celle, plus vaste de travailleur social.

Créer de nouveaux dispositifs pédagogiques pour requalifier le métier d'AS

« On part du postulat, couramment admis, que la “polyvalence de secteur” n'existe plus sur le terrain. Elle est reconvertie en missions et le métier de “généraliste en milieu ouvert” est remis en cause, au profit de celui de spécialistes œuvrant auprès de publics spécifiques. Faut-il alors s'en émouvoir et vouloir, à tout prix, préserver le mythe fondateur de la profession ? Ou bien faut-il adapter la formation aux nouveaux besoins de l'action sociale décentralisée, en acceptant de renoncer à la prévalence de l'objectif pédagogique qui proclame “un diplôme, dix métiers” ?

« En bref, faut-il maintenir cette formation généraliste, touche-à-tout mais qui se heurte aux limites des polyspécialistes qui doivent maîtriser la connaissance de tous les publics et de tous les dispositifs ? Ou bien, accepter de spécialiser les AS autour d'emplois types ou de métiers identifiés autour de la famille, de la santé, de l'école, du travail ou du territoire ? Ou bien encore, autour de nouveaux référentiels basiques de l'action sociale, à savoir, l'insertion, le développement local et l'accompagnement social plus classique ?

« Sommes-nous prêts à nous engager dans une véritable “révolution culturelle” et envisager, avec réalisme, l'adaptation des profes-sionnels aux besoins nouveaux tout en les dotant de vrais savoirs spécifiques, donc d'expertise qui consiste à savoir mobiliser rapidement des connaissances, pour répondre à un problème social ?

« En amont, l'approche, en termes de qualifications attendues et donc de compétences professionnelles, ne saurait être le monopole des écoles. Cette formation en alternance doit pouvoir mobiliser l'attention et l'intérêt des professionnels, des employeurs, des étudiants et des formateurs (terrain et écoles).

« Saurons-nous nous emparer de l'opportunité aujourd'hui offerte, pour lancer une réforme ambitieuse du système de formation et donc, une revalorisation du métier d'AS ? »

Jacqueline Godard Assistante sociale, formatrice dans une école de service social de la région parisienne. 37, rue Mathieu - 93400 Saint-Ouen -Tél. 04 40 12 78 33.

Tribune Libre

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