ASH : Qu'est-ce qui a changé dans la vie des personnes touchées par le VIH ? C.C.: C'est la confirmation qu'il est possible d'attaquer le virus de façon beaucoup plus massive et précoce grâce à des multithérapies personnalisées. De fait, il y a une diminution considérable du nombre des hospitalisations et des décès. Ainsi, pour beaucoup de patients déjà engagés dans la maladie, nous observons une franche amélioration de leur état de santé. Ça bouleverse beaucoup de choses, même s'il faut rester conscient que des résistances aux traitements peuvent apparaître chez certains patients et que chaque interruption dans la prise des médicaments permet au virus de se renforcer. ASH: Quelles sont les conséquences de ces progrès en matière d'accompagnement des patients ? C.C.: Il y a une attente beaucoup plus grande de la part d'une génération de patients que l'on essayait, jusque-là, de soutenir dans une maladie dont on imaginait l'échéance proche. Ils étaient préparés à une fin de vie imminente. Or, maintenant, beaucoup ont à réinvestir leur corps et leur psychisme dans le cadre d'une vie sociale, familiale et, éventuellement, professionnelle. Il s'agit de les aider à se réinscrire dans la vie. Ce qui suppose, pour certains d'entre eux, un déplacement de l'attention qu'on leur prêtait. En effet, des difficultés, estompées par la gravité de la maladie, ressortent actuellement, d'une part sur le plan des pathologies mentales et des troubles du comportement, et de l'autre sur celui des problèmes sociaux. Un accompagnement adapté est donc nécessaire. D'autant qu'avec l'éloignement de la menace vitale, le corps médical et les familles, lorsqu'elles sont présentes, supportent moins bien ces troubles. ASH: Les associations spécialisées et les services sociaux sont-ils à même de faire ce travail d'accompagnement ? C.C.: Les associations de lutte contre le sida ont effectivement réorienté leurs actions autour des nouveaux besoins de ces patients, qu'il s'agisse de l'accueil, du logement ou de la convivialité. Quant aux services sociaux, cela dépend un peu de la sensibilité des gens qui y travaillent. Mais, quoi qu'il en soit, il y a une action indispensable à mener, tant au niveau social que psychologique, pour aider à la réinsertion des patients. L'une des priorités est de les soutenir dans leur confrontation avec une prise de médicaments très contraignante et parfois génératrice d'effets secondaires. Laquelle n'est pas toujours compatible avec une réinsertion professionnelle. ASH: Quelles sont les priorités pour 1998 en matière de lutte contre le sida ? C.C.: Il faut inviter les personnes qui pensent avoir pris un risque à demander à connaître leur statut sérologique. Les armes médicamenteuses dont nous disposons et la possibilité de détecter très précocement l'infection rendent cette démarche de prévention encore plus utile et nécessaire. Et, sur le plan social et psychologique, il s'agit d'aider ceux qui ont remonté la pente à réinvestir leur vie. Autant dire que nous avons du travail parce que, dans le concret, ça n'est pas si facile.
(1) Christiane Charmasson est coordonnatrice du comité sida à l'établissement public de santé de Ville-Evrard et chargée de mission psychiatrie-sida à la direction des hôpitaux. EPS de Ville-Evrard - 202, avenue Jean-Jaurès - 93332 Neuilly-sur-Marne cedex - Tél. 0 1 43 09 34 90.