La médiation judiciaire, institutionnalisée depuis les lois du 4 janvier 1993 et du 8 février 1995, connaît en France un développement considérable. Ce qu'atteste l'accroissement des instances qui la pratiquent : associations généralistes de travail social, sociojudiciaires, ad hoc, spécialisées, de bénévoles... Comment expliquer cette explosion quantitative qui touche également une grande partie des pays occidentaux ? Au-delà des polémiques actuelles sur le sujet, Jacques Faget, dans cet essai fouillé et rigoureux, tente de décrypter ce qui se joue à travers l'essor de la médiation pénale. D'abord, son avènement n'est-il pas « sociologiquement paradoxal » ?Comment expliquer en effet, s'interroge-t-il, que c'est au moment où la demande de droit est la plus forte - en raison notamment de la montée du sentiment d'insécurité - que l'on cherche à développer « des régulations sans droit et sans juge » ? Dans quelle mesure d'ailleurs, la médiation, basée sur le principe du lien et de mise en communication, est-elle compatible avec la logique de la justice fondée avant tout sur la séparation ? En fait l'apparition de cette « technique “douce” dans un cadre légal “dur ” », s'explique par une conjonction de facteurs externes et internes à l'institution judiciaire, défend l'auteur. Et surtout, elle a été favorisée par la politique de la ville qui a permis le développement de la « justice de proximité » (mesures alternatives à la détention, antennes et maisons de justice...). Des actions menées toutefois de façon dispersée, au gré de la sensibilité de quelques magistrats ou juridictions et sans aucune rationalité, regrette le sociologue. Finalement, y a-t-il une place pour la médiation en milieu judiciaire ?Et qui ne soit pas un simple agent d'exécution du parquet et condamné inévitablement à la bureaucratisation ? Oui, affirme l'auteur, à condition de sortir de la confusion actuelle sur les pratiques (certaines n'étant que des « simulacres » de médiation) et d'accepter un métissage des logiques judiciaires et de médiation allant bien au-delà d'une simple juxtaposition. Seule stratégie permettant, selon lui, de provoquer une « dynamique de médiation » susceptible « d'inventer une nouvelle philosophie pénale » plus proche des attentes individuelles et des besoins sociaux.
La médiation : essai de politique pénale - Jacques Faget - Ed. érès - 145 F.