Bon nombre de livres ont déjà été écrits sur l'abandon. Celui de Sophie Marinopoulos, psychologue clinicienne, a le mérite de s'appuyer sur ses rencontres avec celles qui font le choix déchirant de se séparer de leur enfant à la naissance. Des mères qu'elle reçoit, dans le cadre de la consultation spécialisée mise en place à la maternité du Centre hospitalier de Nantes. C'est donc au travers de leurs histoires singulières qu'elle nous parle de ces femmes « étonnantes et déconcertantes » qui, désespérément, « décident d'être dans l'impossible accueil de l'enfant réel à naître, tout en étant mère ». Alors qu'on les dit carencées, immatures ou irresponsables, celles-ci sont au contraire parfaitement autonomes sur le plan psychique. Elles sont loin d'ailleurs d'être l'apanage des milieux défavorisés. Par contre, ce qui les unit, c'est leur ambivalence et surtout leur grande souffrance, « difficile à définir tant elle est profonde ». S'insurgeant contre la stigmatisation, pire l'oubli de ces parents dont les voix sont aujourd'hui inexistantes, cette praticienne rappelle cette vérité qui n'est pas bonne à dire : qu'un abandon mal assumé peut empêcher une adoption réussie. Pour preuve, d'ailleurs, la multiplication des situations d'enfants abandonnés, une deuxième fois, par... leurs parents adoptifs. D'où la nécessité que cet acte soit « volontaire, préparé et accompagné ». « La mère doit être dégagée de toute honte et avoir pu élaborer psychiquement cette séparation », insiste la psychologue. Laquelle, élargissant son propos à d'autres pratiques culturelles, plaide pour le développement de lieux d'accueil et d'écoute non stigmatisants. Voilà en tout cas un témoignage passionné qui propose une approche pour le moins dérangeante du geste d'abandon : ne serait-il pas d'abord l'expression d' « une maternité particulière » ?
De l'une à l'autre - De la grossesse à l'abandon - Sophie Marinopoulos -Ed. Hommes et perspectives -145 F.