« Informer, rompre le silence et combattre l'ignorance autour de la maltraitance aux personnes âgées. » C'est ce message qu'entendait, à nouveau, faire passer Françoise Busby, coordinatrice d'Alma (Allô-maltraitance des personnes âgées) (1), le 27 novembre, en commentant son mémoire portant sur l'évaluation de l'expérience lancée en février 1995 à l'initiative du professeur Hugonot (2). Depuis cette date et jusqu'à mai 1997, les permanences téléphoniques, mises en place dans plusieurs villes de France (3), ont ainsi reçu 2 819 appels de personnes âgées victimes de maltraitance ou de leur entourage. Et 1 244 dossiers, nécessitant un suivi particulier, ont été ouverts. Origine des appels ?27,55 % proviennent des villes où se situent les antennes 22,5 % de leur département et 49,95 % d'autres départements. Des chiffres qui traduisent bien la réalité d'un phénomène encore entouré de nombreux non-dits. Et cela, même si, depuis 1996, l'évaluation relève l '« augmentation importante des appels de professionnels et d'administrations désireux de se renseigner sur les formes de maltraitance, leur traitement et surtout leur prévention, dans le cadre de cours ou d'ateliers de réflexion ». C'est ainsi qu'infirmiers, aides-soignants, assistants sociaux, aides à domicile, auxiliaires de vie, mais également, responsables d'écoles d'aides-soignants, de CCAS, de conseils généraux, d'associations d'aide à domicile... montrent un intérêt grandissant. Un signe « encourageant » d'une sensibilisation accrue des intervenants, à domicile ainsi qu'en institution. Françoise Busby constate une augmentation nette en 1997 des appels concernant des maltraitances (surtout des négligences) en établissements (30 % des 329 situations repérées).
La moitié des appels concernent directement une situation de maltraitance. Les autres sont surtout des demandes de conseils juridiques ou pratiques sur le phénomène en général, voire d'information sur les modalités de création d'antenne. Quant aux formes de maltraitance, elles ont peu évolué depuis le début de l'expérience, note la responsable. Celles financières (31,92 %) et psychologiques (30,14 %) demeurent les plus importantes devant les atteintes physiques (14,39 %). Viennent ensuite les difficultés de voisinage (8,8 %), les négligences actives (5,93 %) et passives (3,22 %), les maltraitances civiques (3,13 %), médicamenteuses (2,46 %). A l'origine de ces abus, souvent la famille (58,7 %), les voisins et amis (17 %), les professionnels soignants à domicile ou en institution (11,95 %), les responsables de mai- sons de retraite, les tuteurs, les banquiers...
Pour Françoise Busby, il est donc nécessaire d'informer les familles et les professionnels à domicile et en institution afin « d'aiguiser leur vigilance » sur le phénomène. Ce qui passe, souligne-t-elle, au-delà des séances d'information et des « espaces de parole » mis en place par l'association Alma, par la formation initiale. « Celle de tous les futurs acteurs de terrain, sans oublier les agents de service hospitalier, les aides-soignants, les aides-ménagères, devrait laisser un moment spécifique à la sensibilisation aux problèmes de maltraitance », insiste la coordonnatrice. Celle-ci suggère notamment de détecter, afin de « les minimiser, les “facteurs de risque” » qui sont « omniprésents autant au sein des familles que des institutions ». Par exemple, l'alcoolisme et la drogue, le chômage, les difficultés financières, la cohabitation de générations multiples, peuvent favoriser des situations de violence. Certaines familles choisissent ainsi parfois leur parent âgé comme bouc émissaire. Des risques éventuellement accrus encore avec l'isolement, la dépendance, la maladie. Mais les personnes âgées sont susceptibles aussi d'être responsables de la violence qu'elles subissent, relève la coordinatrice, évoquant leur ignorance ou leur refus, dans certains cas, de se soigner. Par ailleurs, l'habitat mal conçu, le mode de fonctionnement (intolérance, rigidité du règlement intérieur), le manque de moyens ou la mauvaise formation des personnels, constituent aussi des facteurs de risque en institution. « Les professionnels sont souvent confrontés à des situations à la limite de la maltraitance ou bien ils soupçonnent des abus, mais ne savent que faire », constate Françoise Busby. Et celle-ci propose une prévention articulée sur la reconnaissance et la gestion des facteurs de risque, la prise en compte de la notion du « temps » et l'action en équipe pluridisciplinaire.
(1) Association Alma : BP 251 - 38007 Grenoble cedex 1 - Tél. 04 76 01 06 06. Voir aussi ASH n° 2010 du 14-02-97.
(2) Maltraitance des personnes âgées en France. Alma écoute et observe 1995-1997 - Françoise Busby - Mémoire en vue de l'obtention du diplôme universitaire de gérontologie. Celui-ci devrait être prochainement publié par l'association.
(3) Sept permanences fonctionnent actuellement à Grenoble, Bordeaux, Limoges, Mulhouse, Reims, Saint-Etienne, Strasbourg.