ASH : Pourquoi avoir choisi le thème de l'écoute en assistance éducative pour ces journées d'étude ? J.A. : L'an dernier, à Paris, nous avions travaillé sur le délicat problème de l'écrit dans le travail social, en lien avec la protection judiciaire. Cette année, nous avons décidé d'axer notre réflexion sur la question de l'écoute parce qu'il nous semble qu'actuellement, dans le champ du travail social et, en particulier, dans celui de l'éducation spécialisée, on a un peu perdu de vue ce qui fait le fondement de l'action éducative. A savoir :l'écoute d'une parole en souffrance et son articulation avec une pratique véritablement professionnelle. La prise en compte des difficultés économiques et sociales des gens est évidemment absolument nécessaire. Mais elle ne doit pas faire écran à ce qu'ils nous disent de leur souffrance et de leur histoire. Il faut savoir les entendre et faire quelque chose de cette parole. Et, à cet égard, l'écoute reste essentielle. ASH : On a pourtant le sentiment que les lieux d'écoute n'ont jamais été aussi nombreux, notamment avec la multiplication des permanences téléphoniques. J.A. : C'est vrai et ça peut sembler contradictoire avec ce que je disais à l'instant. Il y a eu, ces dernières années, un véritable raz-de-marée autour de l'écoute et de la parole de l'autre. Mais, dans ce domaine, il est clair que la bonne volonté ne suffit pas et que n'importe qui ne peut pas faire n'importe quoi, en particulier, avec la parole des enfants victimes de mauvais traitements. Il s'agit d'un travail qui nécessite une réelle professionnalisation ainsi qu'un véritable contrôle technique de la relation d'aide. A cet égard, la supervision, notamment, me paraît tout à fait indispensable. Surtout lorsque l'on évoque les violences sexuelles faites aux enfants. C'est une question très forte sur le plan émotionnel et qui peut, parfois, susciter une certaine fascination ambiguë. Evidemment, le professionnalisme des intervenants éducatifs ne constitue pas une garantie absolue mais il limite fortement les dérives toujours possibles. ASH : Par ailleurs, en matière d'écoute, quelle est la frontière entre l'éducatif et le thérapeutique ? N'existe-t-il pas, là aussi, un risque de dérive ? J.A. : Bien entendu, la frontière est certainement ténue. D'autant plus que la personne aidée fait ce qu'elle veut de l'aide éducative qui lui est apportée. Cependant, le rôle des travailleurs sociaux n'est évidemment pas de faire du soin. Ils peuvent simplement, en partant de la parole de l'autre, aider à faire émerger une demande. Là aussi, c'est une question de positionnement professionnel.
(1) La FN3S regroupe essentiellement des établissements et services associatifs (AEMO, IOE, enquête sociale, médiation pénale...) du secteur habilité Protection judiciaire de la jeunesse. Elle compte environ 90 adhérents, personnes morales, ainsi que des membres individuels. Son président est Régis Legros, directeur d'un service de SIOE à la Sauvegarde du Maine-et-Loire. FN3S : 38, rue Basse - 14000 Caen - Tél. 02 31 95 25 55.