Le dispositif « emploi-jeunes » (1) « pourrait entraîner des dérapages sur le plan statutaire », s'inquiète l'Association nationale des cadres communaux d'action sociale (Anccas) (2), qui réagit, après d'autres organisations (3), au programme actuellement mis en œuvre par le gouvernement. En effet, estime-t-elle, « les métiers évoqués ici ou là montrent à quel point il y a ressemblance avec ceux existant déjà dans le statut de la fonction publique territoriale », notamment les professions sociales. D'où, selon elle, le risque « de voir confier ces métiers de demain à des jeunes en général sans expérience, que l'on va basculer sur des secteurs sensibles auprès de population en grande difficulté ou auprès de jeunes enfants ». Aussi l'Anccas appelle-t-elle les employeurs, en particulier les communes, à faire preuve de prudence afin de ne pas créer « une fonction publique territoriale à deux vitesses » .
De son côté, Hélène Lienhardt, conseillère régionale d'Ile-de-France (4), réagissant à la tribune libre de Christine Garcette, présidente de l'ANAS (5), retient de celle-ci deux « idées essentielles » :la non-substitution de ces emplois au travail social et l'obligation de respecter les normes professionnelles en vigueur l'encadrement par un volontaire motivé et le travail par délégation. En effet, explique-t-elle, « o pportunité, espoir, ces emplois-jeunes doivent constituer une force nouvelle dans la vie sociale de notre pays ». Cependant, « créateurs de lien social, en phase avec un public complexe, chargés de “faciliter l'adaptation réciproque des individus et des institutions”, ces jeunes n'ont pas fait au départ, dans la plupart des cas, le choix d'exercer une profession sociale. Titulaires d'un bac + 2 ou plus encore, ils vont se trouver en situation “d'aide” à des travailleurs sociaux qualifiés qui, parfois, n'auront pas leur niveau universitaire. Parfois aussi, ils n'auront pas eu accès à une école de travailleurs sociaux ». Par ailleurs, poursuit Hélène Lienhardt, « confronté par exemple à la jalousie d'un demandeur d'emploi reconduit ou à la violence d'un autre jeune en situation difficile, le jeune devra affronter des conditions et des relations psychologiques délicates ». Ce qui est donc indispensable, « c'est d'abord la préparation psychologique et la définition technique du rôle du jeune » et ensuite « l'obliga- tion de suivre une formation adéquate pour accéder à une véritable profession sociale ».
La mise en place des emplois-jeunes représente un « pari dangereux dans la fonction publique hospitalière et plus particulièrement le secteur social et médico-social public », s'inquiète par ailleurs Gérard Michelitz, directeur de l'Institut médico-éducatif départemental de Coutras (Gironde) (6). « Dans le secteur public, [...] il semblerait que l'on évite de s'interroger sur le statut qui conviendrait réellement à ces emplois nouveaux », observe-t-il notamment, estimant que « l'on répond, encore une fois, par le biais d'emplois précaires sous contrat de droit privé, largement financés sur fonds publics ». Or, avec les emplois-jeunes, ne s'agit-il pas, à nouveau, « d'entretenir un espoir peu réaliste d'intégration et le risque bien réel de contrat de séjour sans lendemain », poursuit-il, avant de rappeler que « recruter un jeune dans ce dispositif relève bien d'une véritable question éthique ».
Enfin, même si elle est favorable aux emplois-jeunes, l'Association des directeurs d'établissements d'hébergement pour personnes âgées (Adehpa) (7) tient cependant à rappeler qu'au-delà de ces mesures, « un réel effort de solidarité nationale » est indispensable dans son secteur, « notoirement sous-doté » en personnel. Souhaitant que les conseils généraux et les caisses de sécurité sociale prennent à leur charge tout ou partie des 20 % complémentaires à l'engagement de l'Etat, l'association précise que l'intégration des jeunes « ne posera pas de difficultés » au bout des cinq ans au vu de l'évolution démographique. Ces emplois, se réjouit-elle, peuvent répondre aux besoins non couverts concernant, par exemple, le soutien aux familles des résidents, l'aide à l'autonomie pour les personnes désorientées, la coordination de bénévoles...
(1) Voir ce numéro.
(2) Anccas : c/o CAS Ville de Paris - 5, boulevard Diderot - 75012 Paris - Tél. 01 44 67 18 26.
(3) Voir ASH n° 2043 du 31-10-97.
(4) Conseil régional d'Ile-de-France : 33, rue Barbet-de-Jouy - 75700 Paris - Tél. 01 53 85 53 85.
(5) Voir ASH n° 2042 du 24-10-97.
(6) IME départemental n° 78 - ZI Eygreteau - BP 61 - 33230 Coutras - Tél. 05 57 49 84 84.
(7) Voir ASH n° 2038 du 26-09-97 - Adehpa : 3, impasse de l'Abbaye - 94100 Saint-Maur - Tél. 01 42 83 98 61.