La mise en place des nouvelles thérapies contre le VIH a entraîné, chez de nombreuses personnes, une amélioration parfois spectaculaire de leur état de santé. Au point que certaines ont pu envisager de reprendre une vie professionnelle longtemps interrompue. Ce retour dans le monde du travail est cependant loin d'être facile. C'est pour cette raison qu'Aides Ile-de-France et la Fédération nationale Aides (1) ont réalisé la première enquête nationale sur le thème « Insertion socio-professionnelle et infection par le VIH ». Une recherche effectuée de juin à août 1997 auprès de 769 personnes exerçant, ou non, une activité professionnelle. Il s'agit le plus souvent d'hommes (74 %), âgés en majorité de 30 à 39 ans et dont un quart possède un niveau d'études supérieur. Les catégories socioprofessionnelles les plus représentées sont celles des employés (36 %), des ouvriers (21 %) et des cadres ou professions intellectuelles supérieures (15 %).
Premier constat : pour 56 % des personnes interrogées, le VIH a eu des conséquences négatives sur leur activité professionnelle. Ainsi, parmi elles, les deux tiers ont arrêté de travailler, 13 % ont démissionné et 10 %ont été licenciées à cause de leur état de santé. Sans compter les nombreux problèmes qui se posent dans la vie quotidienne au travail, notamment la fatigue physique, le stress et les problèmes psychologiques liés au sida, les difficultés à envisager l'avenir, l'impossibilité de mener à bien certains projets... Quoi qu'il en soit, un peu plus de la moitié des personnes interrogées jugent nécessaires de garder le secret sur leur état de santé vis-à-vis de leurs employeurs et collègues. Et ce pourcentage est quasiment identique en ce qui concerne le médecin du travail. Il est cependant intéressant de constater que parmi les personnes ayant révélé leur situation, la moitié estiment que cela n'a eu aucune conséquence et près du tiers notent des effets plutôt positifs (soutien des collègues, plus grande compréhension à l'égard des contraintes médicales... ). Malheureusement, pour une personne sur cinq, cette révélation a eu des suites négatives, qu'il s'agisse d'une stigmatisation, voire d'un rejet, au sein de l'entreprise, ou, carrément, d'un licenciement. Et dans certains cas, c'est le fait d'avoir parlé au médecin du travail qui a eu des conséquences néfastes. Ce qui est « particulièrement inquiétant ».
Autre enseignement : parmi les personnes interrogées qui ne travaillaient pas au moment de l'enquête (502 sur 769), la plupart souhaitent reprendre une activité. Sachant que nombre d'entre elles demandent certains aménagements, 38 % aspirant à un temps partiel. Cette volonté de retravailler est liée, non seulement, à un meilleur état de santé (sur 658 personnes en traitement, 68 % déclarent aller mieux) mais, aussi, au faible niveau des ressources. En effet, les malades ne disposent, le plus souvent, que de 3 000 F à 5 000 F par mois (provenant généralement de l'AAH ou d'une pension invalidité). Toutefois, de nombreux obstacles se dressent sur le chemin de la réinsertion professionnelle : une santé parfois encore précaire, des situations personnelles difficiles, l'incertitude sur l'efficacité à long terme des traitements actuels et une rupture généralement assez longue avec un marché du travail qui s'est dégradé (la moyenne du temps d'arrêt est de quatre ans). Ainsi, sur les 210 personnes sans emploi ayant effectué des démarches en vue de retrouver du travail, 60 % ont rencontré des difficultés. Celles-ci ayant parfois été aggravées par les réticences des Cotorep et des CAF.
D'une façon générale, pour Aides, cette enquête met en lumière les insuffisances de deux dispositifs destinés, pourtant, à aider les malades. En effet, selon elle, le recours au temps partiel thérapeutique est extrêmement limité alors que de nombreuses personnes concernées, qui souhaitent travailler à mi-temps, pourraient en bénéficier. Quant à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, elle est mal connue (étant souvent confondue avec l'AAH) et donc assez peu utilisée. D'autant que de nombreuses personnes infectées par le VIH refusent ce statut qu'elles jugent stigmatisant.
Au final, comment soutenir la réinsertion des personnes porteuses du VIH ? Pour Aides, il s'agit, notamment, de faciliter l'accès à la formation ainsi qu'au mi-temps thérapeutique et à l'AAH. De même, il lui paraît nécessaire de développer l'accompagnement et de former les professionnels de l'insertion (EPSR, OIP, agents ANPE, AFPA...) aux spécificités du sida. Quant aux personnes ayant un emploi, Aides prône un aménagement des horaires des services hospitaliers, une meilleure formation des médecins du travail, le développement de l'information sur la législation en vigueur et un changement des représentations sur le sida au sein des entreprises.
(1) Aides : 23, rue de Château-Landon - 75010 Paris - Tél. 01 53 26 26 26.