Les 16-25 ans représentent ainsi 20 % des patients reçus à la Mission France (contre 6 %dans les consultations en médecine de ville). Un âge pourtant « où l'on consulte peu », relève l'enquête, reliant cette fréquence élevée aux problèmes de santé consécutifs à la pauvreté, l'errance, les conditions de logement précaires : moins d'un jeune sur trois a un domicile fixe. Sachant que l'on note une forte proportion de femmes entre 16 et 22 ans, au moment de l'entrée dans la vie sexuelle et de son cortège de difficultés liées aux troubles gynécologiques, à la maternité, aux MST. Ces jeunes sont « les plus pauvres des plus pauvres », s'alarme encore l'association : 45 % déclarent n'avoir aucunes ressources (contre 30 % pour les plus de 25 ans) et 70 % vivent avec moins que le RMI. Et encore lorsqu'ils peuvent disposer de revenus, ceux-ci proviennent à 46 % de soutiens privés (familles, amis). Les jeunes ne sont que 14 % à bénéficier d'aides publiques (contre 27 % chez les 25-34 ans). Autre caractéristique, leur isolement : près de 60 % d'entre eux « vivent déjà seuls » à la suite très souvent de ruptures familiales. Si celles-ci sont parfois liées à l'incapacité financière de leurs parents à les prendre en charge, elles masquent fréquemment des blessures familiales dramatiques comme la maltraitance, les violences sexuelles, les souffrances de divorces difficiles... Ces laissés-pour-compte vivent donc dans une extrême solitude et une forte instabilité affective. « D'une manière surprenante, les jeunes normalement dans la force de l'âge sont aussi malades que la population plus âgée reçue dans nos centres », déplore l'organisation humanitaire. Les diagnostics ne sont d'ailleurs pas spécifiques à ce public qui, comme les autres patients, présente surtout des retards aux soins dramatiques. Et bien souvent, la consultation va au-delà de la prise en charge médicale en permettant l'expression d'un malaise plus profond. C'est l'occasion pour ces jeunes de « dire » leurs conduites à risques et addictives, leurs souffrances psychiques, leurs blessures familiales... « A l'âge où d'autres font des projets », ceux-là « sont dans la galère. Une galère sans gouvernail qui les renvoie de services administratifs en services d'aide, de domicile précaire en petits boulots. Précarisés et malades, ils seront les exclus de demain », avertissent les auteurs de l'étude. « Il y a donc urgence », martèlent-ils, d'autant que ce qui frappe c'est le « désir de s'en sortir » de tous ces jeunes. Car s'ils n'ont pas droit au RMI, ils sont en revanche plus nombreux que leurs aînés à avoir un emploi, à faire des stages ou à s'inscrire à l'ANPE. « Ils sont à la recherche de liens et en demande de protection. »
Alors, comment leur permettre l'accès aux soins ?Pour Médecins du monde, il faut tout d'abord que la future loi sur l'assurance maladie universelle prévoie l'affiliation automatique, dès l'âge de 16 ans, des personnes résidant habituellement en France. Prioritaire également, la réalisation d'une enquête épidémiologique nationale sur la santé des jeunes et leurs conditions d'accès aux soins. Autres propositions : la simplification des démarches de soins grâce à l'instauration d'un guichet unique pour les demandes de couverture sociale, l'inscription de l'éducation à la santé dans les programmes scolaires, le renforcement de la médecine scolaire et universitaire, la mise en place d'une « visite médicale approfondie » lors de « l'appel de préparation à la défense » et un dispositif médico-psychologique renforcé et mieux adapté aux jeunes.
(1) Enquête réalisée par le docteur H. Picard, interne en santé publique, et Y. Schléret, chercheur à l'ORSAS - Médecins du monde : 62, rue Marcadet - 75018 Paris - Tél. 01 44 92 15 15.