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Promofaf photographie le secteur

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A partir de sa vaste enquête menée auprès de ses adhérents, Promofaf affine les connaissances pour le moins imprécises sur le secteur (1). Et fournit une première photographie des emplois et des salariés de la branche. Commentaires avec Olivier de Labarthe, chef du département technique.

Actualités sociales hebdomadaires  : Quel est le phénomène le plus significatif de cette enquête ?

Olivier de Labarthe  : Notre enquête vient casser l'image souvent véhiculée d'un secteur vieillissant, rigide et où le personnel se renouvellerait peu. Avec un âge médian de 39 ans pour les salariés des établissements du secteur sanitaire, social et médico-social, la pyramide des âges est tout à fait conforme à celle de la population française. Et surtout, ce n'est pas du tout un secteur figé. Celui-ci connaît au contraire une mobilité de ses équipes nettement plus forte que ce que l'on pourrait soupçonner. Par exemple, si l'on regarde la moyenne d'ancienneté, elle est faible : elle s'établit ainsi à sept ans toutes activités confondues de la branche. Si cette mobilité, comme tous les autres indicateurs, est bien évidemment variable selon les caractéristiques des établissements, ce qui frappe c'est sa grande diversité au niveau régional.

ASH  : Plus précisément ?

O. de L.  : Il y a plus de disparités entre les régions qu'entre les secteurs sanitaire, social et médico-social. C'est ainsi qu'en Languedoc-Roussillon, en Bourgogne, et en Haute-Normandie, les établissements du secteur médico-social voient renouveler chaque année plus de 8 % de leurs effectifs en contrat à durée indéterminée [CDI] . Cette mobilité est également très forte en Alsace, en Lorraine, en Ile-de-France ou en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, où ce taux de renouvellement pour le secteur social va de 8 % à plus de 10 %. A l'inverse, dans certaines régions, la rotation des salariés, toujours dans le cadre des CDI, est beaucoup plus faible. Elle est inférieure à 4 %pour le secteur médico-social en Auvergne et Basse-Normandie et pour le secteur social en Picardie, Limousin et Franche-Comté... Ces écarts régionaux, qui vont du simple au double, sont tout à fait impressionnants.

ASH  : Est-on sûr que ces taux de renouvellement de CDI traduisent bien une mobilité professionnelle ?

O. de L.  : Notre hypothèse, c'est qu'au-delà de leurs disparités régionales, des taux aussi élevés ne sont pas seulement le fait de personnes nouvelles qui entrent dans la profession. Ils sont le signe que les salariés changent plus aisément qu'on ne le pense d'institution. De plus, certains indices nous permettent d'avancer que cette mobilité concerne probablement les emplois les plus qualifiés et touche davantage les milieux urbains. Il convient néanmoins de vérifier scientifiquement ces hypothèses. On va s'y atteler dans l'actualisation de nos données l'année prochaine. Là nous chercherons à connaître la réalité de cette mobilité.

ASH  : Quel autre enseignement tirez-vous de votre enquête ?

O. de L.  : Il y a un autre facteur de variation régionale tout à fait impressionnant : c'est le taux de qualification. Nous avons mesuré la part des emplois les moins qualifiés dans un même domaine professionnel. Et bien ! l'on s'aperçoit qu'il y a des régions qui ont un taux très élevé de niveau 5 et d'autres un taux très faible. Ainsi en Haute-Normandie, plus de 40 % de personnes du domaine éducatif exercent la fonction d'aide médico-psychologique  [AMP]  - qu'elles soient ou non diplômées - sur l'ensemble des emplois du domaine éducatif. Alors que dans plusieurs régions comme le Languedoc, Rhône-Alpes ou l'Ile-de-France, cette proportion est inférieure à 20 %. Des écarts pour le moins étonnants qui peuvent s'expliquer par les politiques régionales développées par les DRASS et par les employeurs. Il est ainsi manifeste qu'en Rhône-Alpes et en Ile-de-France, il y a eu une volonté d'essayer de maintenir le plus possible d'emplois hautement qualifiés qui s'est traduite, notamment, par des autorisations budgétaires au profit des établissements.

ASH  : Justement sur ces emplois moins qualifiés, avez-vous pu mesurer la part des non-diplômés ?

O. de L.  : Là, l'enquête amène également des données très intéressantes. Elle met en évidence qu'il n'y a aucune cohérence au niveau national entre les établissements. Par exemple, le Languedoc, le Roussillon, l'Ile-de-France, la Bretagne, l'Auvergne, la région Centre et PACA comptent plus de 35 % de non-diplômés (dont une faible proportion en cours de diplôme) parmi leurs AMP, ce qui est énorme. Alors qu'en Rhône-Alpes, Picardie, Pays-de-Loire, Nord-Pas-de-Calais et Basse-Normandie, ce taux tombe à 20 %. Les disparités que nous observons sont certainement liées à des politiques locales, notamment financières, venant aussi bien des tutelles que des établissements eux-mêmes. Cela nous suggère qu'il y a des raisons locales qu'il faut sans doute examiner. Et j'espère que notre enquête aidera les acteurs à affiner leur analyse.

ASH  : A-t-on une idée de l'évolution de la fonction éducative au sein des établissements sociaux et médico-sociaux ?

O. de L.  : Ce qui est clair, au travers de nos statistiques, c'est que la fonction éducative ne peut plus être appréhendée uniquement au travers du seul métier d'éducateur spécialisé. Ce diplôme prépare désormais à une gamme de métiers très divers : chargés d'insertion, d'animation, d'accompagnement, chefs de projets... Cette évolution, extrêmement marquée dans les établissements sociaux, signifie d'ailleurs qu'il faut revoir nos nomenclatures si l'on veut analyser ces situations professionnelles très variées. Elle est en tout cas révélatrice de la pluralité croissante des manières de faire, d'agir, de s'organiser, de concevoir la fonction éducative pour mieux répondre aux besoins des populations. Et de l'évolution des établissements vers une prise en charge globale de la personne.

ASH  : Cela interroge la formation continue ?

O. de L.  : Oui, cela interroge le développement de la formation continue afin de professionnaliser ces nouvelles fonctions. Ce qui est extrêmement frappant, c'est qu'aujourd'hui les établissements sont obligés de consacrer une grande partie de leurs dépenses de formation continue (45 % au niveau national) pour des formations diplômantes initiales. Car le système de régulation est ainsi fait que, dans notre secteur, il n'y a pas assez de diplômés disponibles pour pourvoir les postes. L'AMP est, par exemple, une formation qui bien qu'en cours d'emploi se trouve trop souvent à la charge des établissements : soit en contrat de qualification, soit sur le plan de formation continue. Résultat, cela limite beaucoup les moyens pour pouvoir développer la formation de perfectionnement des salariés en place, notamment pour l'accompagnement des projets d'établissements. Ce qui peut constituer un frein pour les nouveaux besoins de professionnalisation.

ASH  : Quel est l'enjeu aujourd'hui pour les établissements du secteur ?

O. de L.  : Ce que je peux dire c'est qu'il y a véritablement un défi au secteur : les établissements sont dans l'obligation de gérer maintenant leurs ressources humaines d'une façon, j'oserais dire, performante. Ce qui va bien au-delà de la formation. Il y a des établissements qui négligent leur responsabilité d'accompagner les professionnels dans leur carrière. Or c'est évident qu'une personne s'use dans certaines conditions d'exercice. Et qu'il faut pouvoir lui apporter les aérations et les évolutions qui lui sont absolument nécessaires. D'ailleurs bon nombre de stratégies d'établissements se sont mises en place. Par exemple, on voit des Sauvegardes - celles de Rhône-Alpes, en particulier - qui ont conçu des systèmes de mobilité interne interétablissements, interactivités permettant aux personnes de rester dynamiques. Mais il n'y a pas de recette clé. Il y a des facteurs individuels qui interviennent, rendant plus difficile mais également plus nécessaire, la gestion des ressources humaines. Il ne s'agit certes pas de copier les modèles du lucratif ou de l'entreprise, mais de développer des compétences propres. Car la gestion des ressources humaines, dans notre secteur, ne peut pas du tout avoir les mêmes principes et les mêmes méthodologies.

ASH  : Y a-t-il une insuffisance au niveau des directeurs ?

O. de L.  : Il n'apparaît pas, selon notre enquête, que les structures de nos établissements souffrent d'une insuffisance d'encadrement. Les fonctions logistiques - services généraux, techniques... -, apparaissent même parfois plus encadrées que dans les secteurs de l'entreprise marchande. Par contre les fonctions éducatives par exemple sont très faiblement encadrées. C'est le directeur lui-même qui assure, très souvent, à la fois la maîtrise de la gestion de l'établissement et l'animation de l'équipe éducative. Et là peut-être y a-t-il à réfléchir. C'est ainsi que les chefs de service éducatifs ne représentent que 5 ou 6 % de la fonction éducative contre 12 ou 13 % de cadres dans les services d'entretien. Or désormais la direction devient un véritable métier en tant que tel. D'ailleurs, on constate des efforts de professionnalisation avec la mise en place, au-delà du CAFDES, de nouvelles formations notamment au niveau des 3e cycles.

Propos recueillis par Isabelle Sarazin

8 000 ÉTABLISSEMENTS INTERROGÉS

Afin d'avoir une connaissance plus précise des évolutions du secteur sanitaire, social et médico-social privé à but non lucratif, l'Observatoire emploi formation du fonds d'assurance formation Promofaf (plus de 70 % des emplois du secteur et 309 000 salariés) a lancé à l'automne 1995 une enquête auprès de ses adhérents (8 000 questionnaires envoyés pour un taux de réponse de 85 %). Objectif : connaître pour chaque adhérent la structure d'emploi et les caractéristiques des salariés (âge, ancienneté, mouvements de personnels). Ces données qui affinent les statistiques sur le secteur, notamment en matière d'emplois où elles sont assez lacunaires, seront réactualisées tous les ans ou tous les cinq ans selon les cas. Elles vont également être complétées en 1998 par des enquêtes sur les trajectoires professionnelles menées, chacune, à partir de panels représentatifs de 2 000 salariés et renouvelées tous les ans, pendant cinq ans, auprès des mêmes personnes. Deux enquêtes séparées seront ainsi lancées auprès des professionnels de la fonction éducative de la filière sociale et médico-sociale.

LES CHIFFRES CLÉS DU SECTEUR

L'enquête met en évidence la croissance ralentie du secteur. On note pour l'ensemble des établissements une augmentation de 1,13 % des effectifs en CDI en 1994. Soit+ 2,01 % pour les établissements médico-sociaux et + 1,48 % pour les établissements sociaux. Le secteur médico-social (48 % des établissements enquêtés) est le plus important tant en effectifs (97 000 salariés) qu'en nombre d'établissements (3 000). Avec 900 institutions et 40 000 salariés, la part des structures d'enseignement et d'éducation spécialisée pour enfants et adolescents handicapés est prédominante. Avec 31 000 salariés et 1 700 établissements, le secteur social est largement tiré vers le haut pour les effectifs par les structures pour la protection de l'enfance et de l'adolescence (plus d'un salarié sur deux du social). En 1996, tous secteurs confondus, les effectifs en équivalent temps plein concernent un peu plus de 4 emplois sur 5. 33 % travaillent à temps partiel (79 000 salariés). 8,7 % des effectifs sont employés en contrat à durée déterminée.

Notes

(1)  Celle-ci devrait être publiée d'ici à la fin de l'année. Promofaf : 9, rue Maryse-Hilsz - 92309 Levallois-Perret cedex - Tél. 01 49 68 10 10.

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