La ministre de l'Emploi et de la Solidarité a adressé, le 23 octobre aux préfets, une circulaire pour leur demander de dresser un bilan de l'application de la loi du 11 juin 1994 sur les « rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie » (1) qui prévoit l'octroi d'aides spécifiques pour les anciens harkis et leurs familles.
Les mouvements actuels de protestation des harkis sont largement dus au fait que la loi « n'a pas été appliquée avec tout l'intérêt qu'aurait souhaité la communauté harkie », a précisé Martine Aubry, le 24 octobre, lors d'une conférence de presse. A cette occasion, elle a rappelé que la Cour des comptes avait relevé que les fonds réservés aux harkis ne leur avaient pas toujours été versés et qu'elle avait confié à M. Lagarrigue, inspecteur général des affaires sociales, le soin de rechercher, avec l'ensemble de la communauté, les moyens d'améliorer la loi. Aussi, dans sa circulaire du 23 octobre, la ministre demande-t-elle aux préfets d'établir, pour le 14 novembre au plus tard, « un bilan quantitatif et qualitatif des conditions dans lesquelles ont été appliquées les mesures prévues par la loi [...] et des mesures qui la complètent », car il « importe de déterminer avec précision si les objectifs recherchés par le législateur sont atteints ».
Toutefois, dans l'immédiat, la ministre entend agir sur l'emploi, le taux de chômage de la population harkie étant de l'ordre de 30 % à 35 % (12,5 % au niveau national). Elle demande donc aux préfets de « veiller tout particulièrement à ce que l'ensemble de la population harkie puisse bénéficier des dispositifs d'accès à l'emploi dans une proportion correspondant à la place qu'elle occupe parmi les demandeurs d'emploi » et de fixer, si nécessaire, « des objectifs quantifiés ». En premier lieu, elle entend qu'il soit « remédié au manque de qualification souvent constaté » et sollicite les conseils régionaux en raison de leurs compétences en matière de formation professionnelle. Dans un second temps, elle souhaite la mobilisation et l'articulation de l'ensemble des dispositifs existants en matière d'emploi. Ainsi, la situation spécifique des jeunes harkis devra être notamment prise en compte dans le cadre des projets « emplois-jeunes ». Il s'agit également de favoriser l'accès à l'emploi dans les quartiers en difficulté et dans les zones de revitalisation rurale, a-t-elle indiqué. Enfin, dans le cadre de futurs contrats de plan Etat-régions, des propositions adaptées aux réalités locales pourront être adoptées.
En outre, les préfets devront dresser la liste des sites où l'habitat des Français musulmans rapatriés est vétuste, insalubre ou a connu une forte dégradation dans le temps. Au vu de cet état des lieux, les moyens techniques et les financements nécessaires mis en place pour les publics défavorisés par le secrétaire d'Etat au logement pourront être mobilisés. Enfin, à l'issue de l'évaluation, les préfets devront présenter des propositions afin de permettre dans les meilleurs délais la résorption de l'habitat insalubre et vétuste. Et pour remédier à l'endettement immobilier, il est prévu la mise en place effective des commissions départementales d'aide au désendettement immobilier (Comadef) instituées par décret le 31 mai 1997 (2).
Dernier sujet développé par Martine Aubry dans sa circulaire : la lutte contre la discrimination. Elle rappelle ainsi que les rapatriés d'origine nord-africaine doivent jouir « de la plénitude des droits attachés à la citoyenneté française ».
(1) Voir ASH n° 1912 du 2-05-95.
(2) Voir ASH n° 2026 du 6-06-97.