Recevoir la newsletter

Près de 7 millions de personnes touchées par la dégradation de l'emploi

Article réservé aux abonnés

Le 20 octobre, le Commissariat général du Plan a rendu public un rapport alarmant, et pour le moins dérangeant, sur le chômage en France (1). Commandé par Alain Juppé lorsqu'il était encore Premier ministre, celui-ci avait été remis à Lionel Jospin en juillet dernier.

Alors que le chômage « ne touche instantanément » que plus de 12 % de la population active, l'étude met en évidence que près de 7 millions d'individus sont affectés « d'une façon ou d'une autre » et « plus ou moins gravement » par l'évolution de l'emploi. Et encore ce chiffre, sans doute sous-estimé « du fait des incertitudes sur la précarité subie », ne tient-il pas compte des personnes composant l'environnement familial immédiat « qui subissent directement toutes les retombées matérielles et psychologiques négatives de la situation ». Les quelque 3 millions de chômeurs au sens du BIT ne forment ainsi que « le noyau dur d'un vaste phénomène de décomposition de la relation au travail ». Pour prendre l'exacte mesure de la situation, les auteurs ont également tenu compte des demandeurs d'emploi en formation  (350 000), des personnes travaillant à temps réduit subi  (1 575 000 ), ne pouvant chercher un emploi ou découragées  (563 000), en retrait anticipé d'activité  (467 000) et « en précarité subie »   (663 000). Autant de catégories qui concourent toutes, avec une intensité différente, à « nourrir une perception collective du chômage qui ne s'arrête pas sur une frontière bien nette », soulignent les experts, désireux de sortir de l'alternative chômage ou emploi. On ne saurait ignorer par exemple, comme ils le précisent, que le travail à temps réduit, subi ou involontaire, est « une forme de sous-emploi » qui participe au « même processus de dégradation des statuts sociaux ». « Loin des querelles de chiffres, notre propos est de montrer que le chômage est un processus davantage qu'un état. C'est une espèce de mise à plat des dégâts et du halo de précarité créés par le chômage de masse, en particulier dans l'entourage des chômeurs » devait ainsi commenter l'un des auteurs, Jean-Paul Fitoussi. Pour apprécier plus justement le chômage de longue durée, les experts proposent d'ailleurs un nouveau critère d'évaluation en retenant la moyenne des périodes cumulées de chômage sur trois ans et non plus seulement sur les 12 mois continus d'inscription à l'ANPE dans la dernière année. Résultat : la part de ces chômeurs passerait ainsi de 35 à 64 % en 1996.

Le diagnostic est sombre : « le fait capital, c'est que le chômage français est devenu un chômage de masse qui pèse de tout son poids sur la société », affirment les experts. La probabilité d'être au chômage pour ceux qui n'ont pas de garantie statutaire est passée de 3 %avant 1975 à plus de 16 % en 1996. Et désormais, tous les milieux, tous les âges, tous les groupes sociaux, tous les territoires sont concernés. Particulièrement touchés, les jeunes dont l'insertion sur le marché du travail, quel que soit le diplôme, est de plus en plus longue et difficile. Par ailleurs, les auteurs pointent la spécificité du chômage en France :même si on y entre plutôt moins qu'ailleurs, on en sort aussi beaucoup plus difficilement. Davantage que dans les autres pays, le chômage français fonctionne ainsi comme «  un piège dont il est difficile de sortir plutôt que le point de passage obligé normal de la mobilité ». L'insécurité gagne d'ailleurs toutes les catégories : plus des deux tiers des salariés recrutés sous contrat à durée déterminée l'ont été sur des emplois qualifiés. Et moins de 20 % des contrats temporaires débouchent sur un contrat durable dans l'entreprise où il a été conclu. Le rapport passe également au crible le système d'indemnisation du chômage et constate que son durcissement a conduit à reporter sur le RMI, la prise en charge d'un nombre croissant de demandeurs d'emploi. Enfin, on ne saurait sous-estimer, au-delà de ses effets économiques et sociaux, les graves conséquences psychologiques liées à la perte d'emploi. Les experts notent ainsi que depuis le début des années 90, le taux de suicide des 35-44 ans est devenu supérieur à celui des classes d'âge plus élevées. « Un phénomène radicalement nouveau » qui met en évidence « la vulnérabilité croissante de la population en âge de travailler ». D'ailleurs, relève le rapport, « si les chiffres du chômage exercent des effets très négatifs sur le moral du pays, c'est parce que chacun sait désormais qu'il peut être frappé » mais c'est aussi parce qu'ils constituent « la partie émergée de l'iceberg de la précarité ».

Notes

(1)  Chômage : le cas français - Robert Castel, Jean-Paul Fitoussi, Jacques Freyssinet, Henri Guaino.

LE SOCIAL EN TEXTES

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur