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L'ODAS veut harmoniser les interventions locales

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Comment donner un nouveau souffle à l'action sociale des collectivités locales ? L'ODAS rend publiques ses propositions pour « une nouvelle réponse sociale » lors des rencontres qu'elle a ouvertes hier à Marseille (1). Commentaires de son délégué général, Jean-Louis Sanchez.

Actualités sociales hebdomadaires  : Face à l'aggravation des problèmes de société, l'ODAS appelle d'urgence à restructurer l'action sociale autour de la prévention. Ceci n'est-il pas devenu un lieu commun ? Jean-Louis Sanchez  : Justement, ce que nous voulons montrer c'est que la prévention est aujourd'hui une étape incontournable pour l'avenir de l'action sociale. Car le problème n'est pas seulement celui de la pauvreté et de la précarité, c'est aussi celui de la déliquescence du tissu social et du vieillissement de notre société. Or si la résorption de la crise de l'emploi échappe largement à l'action sociale, elle peut par contre agir sur l'effritement du lien social. D'où la nécessité de restructurer l'action sociale en mettant résolument davantage nos moyens dans la prévention que dans la réparation. Il est urgent que celle-ci ne reste plus seulement une abstraction mais devienne réellement la priorité des politiques sociales locales. ASH  : Comment ? J.-L. S.  : En premier lieu, il faut agir au niveau de l'offre de services qui est, aujourd'hui, essentiellement réparatrice. Prenons par exemple les personnes âgées. On met en œuvre des moyens importants lorsqu'elles deviennent dépendantes. Or il serait sans doute plus utile de prévenir le phénomène de dépendance en préservant le plus longtemps possible leurs relations sociales. De même l'offre de services doit être plus souple et plus proche des familles. Et elle doit davantage tenir compte des attentes des personnes âgées et de leurs parents. Mais je pourrais dire la même chose de la protection de l'enfance. On sait bien, en effet, qu'un enfant « cassé » est irréversiblement « cassé ». Là aussi tous les efforts doivent être portés sur la prévention et le renforcement du tissu social autour des familles. Car notre pays souffre d'une très grande désespérance qui va bien au-delà des simples taux de chômage. C'est quelque chose de beaucoup plus grave en lien avec l'isolement croissant des familles dans les villes, dans les quartiers... ASH  : Vous appelez également à « démarginaliser » l'action sociale ? J.-L. S.  : Que ce soit en matière de protection de l'enfance, des personnes âgées ou pour tout autre domaine, il est bien évident que la réponse ne peut plus être seulement spécialisée. Il faut vraiment repenser le rapport du social et des autres politiques. C'est à l'action sociale qu'il appartient naturellement de jouer ce rôle d'animateur et de fédérateur des politiques publiques. Or il y a des cloisonnements inacceptables à l'intérieur même des collectivités publiques. On constate à quel point les différents services d'urbanisme, du logement, des transports sont souvent peu connus des services sociaux et inversement. Par exemple au niveau communal, il faut à tout prix que toute politique publique prenne en considération la nécessité de renforcer le lien social dans la ville. Nous, nous militons pour que, à l'image de ce qui existe déjà dans quelques villes de France, le premier adjoint au maire soit celui chargé de l'action sociale. ASH  : Justement, d'une façon générale, les collectivités locales sont-elles prêtes à appréhender l'action sociale autrement que dans une perspective gestionnaire ? J.-L. S.  : Il y a, je crois, une différence dans l'évolution des collectivités locales aujourd'hui. C'est vrai qu'en règle générale, les départements sont davantage dans une logique de gestion des prestations et de réparation que dans une dynamique de prévention et de développement social même si la territorialisation des circonscriptions d'action sociale peut être l'occasion d'aller dans cette direction. Mais du côté des villes, on a, me semble-t-il, une évolution différente. En effet, confrontées très directement à la précarisation de leur population, et alors qu'elles étaient plutôt des prestataires de services, elles ont été obligées de développer de nouvelles réponses sociales. C'est ainsi que depuis une dizaine d'années, elles se sont investies sur l'emploi à travers notamment les PLIE, le développement social, la jeunesse... Il n'en demeure pas moins qu'il faut sans doute aller plus loin. Ainsi, beaucoup de villes ont un rapport encore trop étroit avec la prestation de services. Or si elles veulent devenir demain des coordonnateurs des politiques publiques sur leur territoire et être un interlocuteur neutre face à l'offre de services, encore faut-il qu'elles ne soient pas directement prestataires de services. ASH  : Il y aurait donc aujourd'hui véritablement une action sociale municipale ? J.-L. S.  : Notre certitude, c'est que la majorité des grandes villes ont la même aspiration à faire de la lutte contre l'exclusion sociale leur priorité notamment en direction des jeunes. Bon nombre de maires considèrent désormais qu'outre l'emploi, le renforcement du tissu social est une priorité. Et alors qu'il y a 20 ans, on avait des actions sociales des villes, une action sociale des villes est en train d'émerger autour de priorités et de stratégies communes. C'est un élément tout à fait nouveau qui oblige désormais à considérer les villes comme un interlocuteur, au même titre que l'échelon régional ou départemental dans l'élaboration des politiques publiques. ASH  : Si l'action sociale apparaît aujourd'hui incontournable face aux problèmes de pauvreté, faut-il encore que sa mise en œuvre repose sur des professionnels compétents. J.-L. S.  : Effectivement, il convient d'orienter de façon de plus en plus affirmée le travail social sur le développement social. Mais attention, il ne s'agit pas d'en faire un alibi. Pour nous, le développement social doit devenir la priorité du travail social. En effet, qu'il ait privilégié la dimension réparatrice tant que ses publics du social étaient marginaux et  « très cassés », cela pouvait s'expliquer. Mais aujourd'hui, du fait de la précarisation de la société, il doit se repositionner sur tous les nouveaux publics qui, s'ils sont relativement peu « cassés », sont terriblement angoissés et seuls. ASH  : Mais n'a-t-il pas déjà commencé à effectuer ce repositionnement ? J.-L. S.  : Non, le travail social se consacre encore de façon générale aux dispositifs d'insertion et à la protection de l'enfance dans leurs aspects curatifs. Or, à l'avenir, les travailleurs sociaux doivent devenir des animateurs de la vie sociale, créant une dynamique associative et de réseau. Ce qui devrait amener à ce qu'au fond ce ne soit plus eux seulement qui accompagnent les familles en difficulté, mais l'ensemble de la population. Ce qui ne veut pas dire que tous les travailleurs sociaux doivent faire de la prévention. Ce qu'il faut c'est qu'au niveau territorial, on repère, au sein des travailleurs sociaux, les personnes qui pourraient assez largement consacrer leur activité au développement social. Et qui, dans les quartiers, pourraient voir, en liaison avec les populations, les types d'initiatives qu'il conviendrait de développer pour créer du lien social entre les femmes isolées, les personnes âgées, les jeunes... ASH  : Mais il y a déjà des initiatives de terrain en faveur de la dynamique de réseau et du développement social. J.-L. S.  : Oui, mais elles ne sont pas assez connues. Et disons qu'elles restent encore très exceptionnelles même si un effort commence à être engagé par certains départements. Par exemple, le conseil général de Meurthe-et-Moselle a créé un service qui est chargé de repérer les initiatives tendant au développement social local au niveau du département. Il s'agit d'analyser les résultats et les moyens de la démarche en vue de construire une sorte d'ingénierie du développement social. Car le problème majeur aujourd'hui, c'est que l'on manque d'évaluation sur cette pratique. Ce qui explique peut-être que l'outil formation ait fort peu privilégié le développement social. ASH  : Le repositionnement du travail social que vous préconisez, ne suppose-t-il pas de lever certains freins, comme le manque d'effectifs par exemple ? J.-L. S.  : Ce n'est pas tant le manque d'effectifs qu'une mauvaise définition du positionnement du travail social et des rapports interinstitutionnels. Si l'on redéfinissait le rôle du travailleur social, si on le dégageait de toutes les tâches administratives, eh bien ! nous aurions un gain de productivité considérable. On pourrait par exemple repenser la procédure du RMI pour que tout ce qui peut être fait par les CAF le soit. On pourrait ainsi imaginer que celles-ci aient l'entière responsabilité de la délivrance de la prestation et que le travail social n'intervienne que pour le suivi. Par ailleurs, l'immense diversité des employeurs, sans aucune cohérence entre eux, ne facilite guère la mise en synergie des moyens. ASH  : Comment faciliter cette cohérence ? J.-L. S.  : On a mis fin au conventionnement dans la plupart des départements entre les CAF et les services départementaux sans que de nouvelles formes de collaboration aient été systématiquement mises en place. Il faut aller très vite vers une contractualisation sur des objectifs permettant effectivement de recréer de la synergie entre les CAF et les départements, mais aussi entre ces derniers et les villes. Aujourd'hui, le travail social n'a plus du tout une vision de cohérence de son action. Si l'on recensait le nombre de professionnels qui interviennent au niveau d'une ville, on s'apercevrait ainsi qu'il y a là une formidable perte de richesses. Il s'agit donc d'analyser les besoins prioritaires d'intervention sociale à l'échelle de la commune et de veiller à ce que l'ensemble des employeurs mettent en convergence leurs travailleurs sociaux. ASH  : Vous militez également pour la création de dispositifs d'observation partagée au niveau des départements. Mais n'y a-t-il pas un effet de mode de l'observation ? J.-L. S.  : Il s'agit pour nous de parvenir à la construction dans chaque département de lieux de diagnostic partagé par segment de politiques sociales où se retrouvent tous les partenaires concernés, de telle sorte que soient examinées en commun, sans enjeu financier ni de pouvoir, les problématiques sociales. Et que l'on parvienne ainsi à identifier les vrais besoins et les priorités. C'est vrai qu'il y a un effet de mode de l'observation. Mais pour nous, celle-ci n'a de sens que si elle est ancrée sur le pouvoir politique et si elle sert à réformer la décision publique. Beaucoup de départements sont d'ailleurs dans cette perspective. Mais l'un des exemples les plus significatifs, c'est le dispositif d'observation gérontologique qui s'est mis en place en Eure-et-Loir en partenariat étroit avec les villes, le département, l'Etat et la protection sociale. Les objectifs poursuivis étaient la production de diagnostics et les résultats ont été très au-delà des attentes des partenaires. Cela a créé un véritable partenariat, au-delà de la seule observation, et le climat de la ville de Chartres et du département s'est ainsi profondément transformé. Je crois qu'un mouvement est en train de se créer. Propos recueillis par Isabelle Sarazin

LES VILLES IMPLIQUÉES DANS L'ACTION SOCIALE

En 1996, les villes ciblent de façon prioritaire leurs interventions sociales sur le soutien aux familles en situation de précarité et la jeunesse. Et ce, au détriment du soutien aux personnes âgées (pourtant le public prioritaire en 1989) ou de l'accueil de la petite enfance. C'est ce que met en évidence l'enquête réalisée par l'ODAS auprès des villes de plus de 30 000 habitants et ses entretiens auprès de 100 maires.80 % des villes participent aux missions locales et 47 %aux PLIE, souligne également l'étude, relevant une volonté « de construire une politique globale d'insertion ». Une ville sur deux a engagé des démarches visant le soutien d'emplois de proximité et huit sur dix participent à un contrat de ville. Enfin, six sur dix ont réalisé un découpage géographique en secteurs pour leur intervention sociale et s'appuient sur des animateurs de rue ou des assistantes sociales communales.

Notes

(1)   « Les villes et l'action sociale » - ODAS : 37, boulevard Saint-Michel - 75005 Paris - Tél. 01 44 07 02 52.

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