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ACTP : un livre blanc dénonce les pratiques irrégulières des départements

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Après plus d'une année d'enquête, l'Association des paralysés de France  (APF) dénonce les pratiques irrégulières liées au contrôle de l'utilisation de l'allocation compensatrice pour tierce personne. Près d'un conseil général sur deux est, en effet, « hors la loi »dès lors qu'il exige que les personnes handicapées répondent à certaines conditions, alors même qu'aucun texte ne le prévoit. Pour remédier à ces abus, l'APF publie son livre blanc.

L'Association des paralysés de France (1) vient de rendre publique une enquête dans laquelle elle évalue les pratiques de contrôle des conseils généraux sur l'allocation compensatrice pour tierce personne  (ACTP) dont il ressort que 37 départements sur 85 ne respectent pas la réglementation concernant le contrôle de l'utilisation de l'ACTP, la plupart imposant des conditions supplémentaires non prévues par les textes. Des résultats qui démontrent, selon l'APF, que « les problèmes constatés vont au-delà de quelques dysfonctionnements ponctuels et reflètent une volonté délibérée, de certains conseils généraux, de contourner la réglementation ». Ne pouvant accepter « que des considérations économiques prévalent sur le respect des droits des personnes handicapées » tels que fixés par la loi d'orientation du 30 juin 1975, l'association réfute les motifs d'ordre financier avancés par les départements - les dépenses d'aide sociale aux personnes handicapées sont passées de 12, 5 milliards de francs en 1990 à 18, 2 milliards en 1994. Et elle propose, dans un livre blanc, une série de solutions afin de faire cesser ces « pratiques irrégulières ».

Les résultats de l'enquête

De janvier 1996 à mai 1997, l'APF a adressé à ses 95 délégations départementales un questionnaire pour faire le point sur les pratiques en matière de contrôle de l'utilisation de l'ACTP versée à des bénéficiaires vivant à domicile (étant précisé que toute autre difficulté quant à l'application de la législation en vigueur a été écartée). Au total, 85 questionnaires ont pu être exploités. Il en ressort que 60 % des départements recensés ont des pratiques irrégulières en matière d'attribution et/ou de contrôle de l'utilisation de l'ACTP.

LES PRATIQUES IRRÉGULIÈRES LIÉES AU CONTRÔLE DE L'UTILISATION DE L'ACTP...

Sur 85 départements étudiés, 37 ne respectent pas la réglementation concernant le contrôle de l'utilisation de l'ACTP. Autrement dit, 43, 5 % des conseils généraux sont « hors la loi ».

En effet, alors que les dispositions législatives et réglementaires n'obligent aucunement les bénéficiaires d'une ACTP accordée entre 40 % et 70 % à recourir à l'aide d'une tierce personne rémunérée ou à un membre de l'entourage subissant un manque à gagner, il ressort que 33 départements exigent, à l'occasion du contrôle, que les allocataires présentent, outre la déclaration relative à l'identification de la ou des tierces personnes, des justificatifs de salaires ou de manque à gagner. En l'absence de leur présentation, certains conseils généraux engagent alors la procédure de suspension de l'allocation, estimant que l'intéressé ne remplit pas les conditions d'effectivité de l'aide. Toutefois, pour 33 % des 33 collectivités visées, cette obligation n'est exigée que pour les personnes âgées de plus de 60 ans alors même que, jusqu'à la récente entrée en vigueur de la prestation spécifique dépendance (2), aucune disposition ne permettait de traiter différemment les bénéficiaires de l'ACTP en fonction de leur âge.

De plus, 23 des 37 départements incriminés exigent que les allocataires consacrent une partie de l'ACTP à la rémunération d'une tierce personnealors qu'aucun texte ne le prévoit. Ainsi, 69 % exigent que l'intégralité de l'allocation soit utilisée à la rémunération d'un tiers, 9 % obligent l'intéressé à consacrer un pourcentage minimal du montant de l'allocation accordée à la rémunération d'une tierce personne.22 % enfin demandent à l'allocataire de recourir à un minimum d'heures de tierce personne rémunérée par mois. Faute de réponse aux exigences posées, les conseils généraux, soit réduisent le montant de l'ACTP au montant des dépenses engagées pour la rémunération de la tierce personne (ou au manque à gagner effectif), soit diminuent le taux ou le montant de l'ACTP accordée par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel  (Cotorep), soit encore engagent la procédure de suspension du versement de l'allocation pour cause d'absence d'effectivité de l'aide.

L'ACTP : mode d'emploi

Créée par la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, l'allocation compensatrice pour tierce personne est une prestation d'aide sociale destinée aux personnes handicapées.

Conditions d'attribution

L'ACTP a pour objet d'accorder une compensation à tout handicapé qui ne bénéficie pas d'un avantage analogue au titre d'un régime de sécurité sociale lorsque son incapacité permanente est au moins égale à 80 % et dont l'état nécessite l'aide effective d'une tierce personne pour les actes essentiels de l'existence (2). L'allocation est due à toute personne âgée d'au moins 16 ans qui cesse de remplir les conditions exigées pour ouvrir droit aux prestations familiales. Jusqu'à la loi du 24 janvier 1997 instituant la prestation spécifique dépendance, il n'y avait pas de condition d'âge limite. Depuis lors, l'ACTP n'est versée qu'aux seules personnes âgées de moins de 60 ans (3).

Le montant de l'allocation

L'ACTP est accordée à taux variant entre 40 %et 80 % de la majoration pour tierce personne  (MTP), selon l'état de dépendance que présente l'intéressé et les modalités suivant lesquelles l'aide est apportée en tenant compte, le cas échéant, des sujétions qui pèsent sur l'entourage :

• l'ACTP est accordée au taux de 80 % (soit actuellement 4 477, 24 F mensuels) lorsque la personne handicapée a besoin de l'aide d'une tierce personne pour la plupart des actes essentiels de l'existence et qu'elle justifie que cette aide ne peut lui être apportée que par une ou plusieurs personnes rémunérées, ou par une ou plusieurs personnes de son entourage subissant de ce fait un manque à gagner, ou dans un établissement d'hébergement grâce au concours de son personnel ou d'un personnel recruté à cet effet ;

• l'ACTP est accordée à un taux variant entre 40 % et 70 % (soit de 2 238, 62 F à 3 917, 59 F mensuels) lorsque la personne handicapée nécessite l'aide d'une tierce personne soit pour seulement un ou plusieurs actes essentiels de l'existence, soit pour la plupart des actes de l'existence, mais sans que cela entraîne pour la ou les personnes qui apportent cette aide un manque à gagner appréciable, ni que cela justifie son admission dans un établissement d'hébergement.
L'ACTP est attribuée par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel  (Cotorep).

... ET À SON ATTRIBUTION

Parmi les 48 départements qui respectent la réglementation en matière de contrôle de l'utilisation de l'ACTP, 14 d'entre eux s'en écartent en ce qui concerne l'attribution, constate l'enquête.

L'Association des paralysés de France dénonce ainsi les pratiques des contrôleurs de l'aide sociale qui incitent les personnes handicapées à embaucher une personne rémunérée. Faute pour les demandeurs de remplir cette condition, certains agents préconisent alors à la Cotorep l'application du taux minimum d'ACTP (40 %) quel que soit le degré de dépendance de l'intéressé. Autre dérive, la baisse du taux de l'ACTP lorsque l'aide est apportée par un membre de l'entourage. Au total, « ces pratiques permettent ainsi à certains départements de canaliser l'allocation compensatrice dès son attribution pour se trouver dans la légalité en ce qui concerne le contrôle de l'utilisation de l'ACTP ».

L'aide sociale aux personnes handicapées : les chiffres

Avec 28, 3 % du total des dépenses d'aide sociale en 1994 (sur un total de 64, 4 milliards de francs), l'aide sociale aux personnes handicapées se situe au deuxième rang des dépenses d'aide sociale départementale, après l'aide sociale à l'enfance. L'ACTP représente la plus grande part de l'aide à domicile (environ 98 %, les 2 % restants étant consacrés à l'aide ménagère). On comptait ainsi 279 100 bénéficiaires de cette allocation fin 1994, en hausse constante depuis ces dernières années (+ 4, 6 % en un an et+ 32 % en 5 ans). Ainsi, en 1994, 70 % des bénéficiaires de l'ACTP avaient plus de 60 ans et près de la moitié avaient atteint l'âge de 75 ans et plus (4).

(Source : SESI, ministère de l'Emploi et de la Solidarité, in Solidarité santé, études et statistiques, n° 1 -Janvier, mars 1997)

Les propositions de l'APF

Pour remédier à ces abus, l'APF propose diverses solutions tout en rappelant qu'elle n'est pas opposée au contrôle de l'utilisation de l'ACTP par les conseils généraux. Elle dénonce au passage le fait que la seule solution laissée aux intéressés, en cas de difficultés tenant à l'attribution ou au contrôle de l'utilisation de l'aide, soit le recours devant les juridictions compétentes.

L'APPLICATION EFFECTIVE DU CONTRÔLE DE LÉGALITÉ

L'APF épingle en tout premier lieu les préfets. Elle constate en effet « une certaine frilosité » de certains d'entre eux à exercer le contrôle de légalité sur les décisions du conseil général afin de « mettre fin aux pratiques irrégulières ». Or, rappelle-t-elle, l'action des préfets constitue l'un des « garde-fous » de la décentralisation et de l'égalité des citoyens devant la loi. Aussi, l'association réclame que les règles applicables en matière de contrôle de l'utilisation de l'ACTP par les conseils généraux soient rappelées aux préfets de département. Elle demande également que des instructions leur soient données en vue d'une mise en œuvre effective du contrôle de la légalité des actes des conseils généraux.

LA MISE EN PLACE D'UN FORMULAIRE TYPE

Actuellement le formulaire de demande d'ACTP est à l'initiative de chaque département. Mais, compte tenu de « l'interprétation erronée de la réglementation en vigueur, source d'irrégularités et de disparités de traitement entre les bénéficiaires de l'ACTP des différents départements », l'APF réclame la mise en place d'un formulaire de déclaration type identique sur l'ensemble du territoire. Elle invoque le fait que l'ACTP est une prestation légale dont les règles d'application sont identiques pour tous les bénéficiaires, quel que soit leur lieu de résidence.

Ce formulaire préciserait, notamment, les conditions dans lesquelles les justificatifs de salaires ou de manque à gagner peuvent être réclamés. Il pourrait en outre comprendre une notice d'information sur les règles de versement, de contrôle et de récupération de l'ACTP par le département.

LA MODIFICATION DE LA PROCÉDURE DE SUSPENSION

Si l'Association des paralysés de France ne souhaite pas la remise en cause de la procédure de suspension accordée au président du conseil général, elle demande cependant, comme elle l'avait déjà fait à maintes reprises, que l'élu ait l'obligation, avant toute suspension de l'allocation, de saisir la Cotorep. Cette dernière déciderait alors, selon le cas, de la suppression de l'allocation, de la révision de son taux ou de sa durée d'attribution, voire du maintien du versement de l'allocation.

En effet, la procédure de contrôle de l'utilisation de l'ACTP instituée par le décret du 24 janvier 1995 (5) permet au président du conseil général de suspendre le versement de l'allocation dès lors qu'il estime que les conditions d'effectivité de l'aide ne sont pas remplies, puis d'en informer la Cotorep, rappelle l'association. Cette disposition a pour conséquence, déplore-t-elle, de « substituer le président du conseil général à la commission technique dans son pouvoir d'appréciation quant au maintien de l'allocation compensatrice ». « Prévoir une simple information de la Cotorep sans obliger le président du conseil général à saisir cette dernière en vue d'une révision de sa décision initiale a pour conséquence de figer une situation a priori anormale sans permettre de proposer une solution adaptée », estime-t-elle encore. • 

Notes

(1)  Association des paralysés de France : 17, boulevard Auguste-Blanqui - 75013 Paris - Tél. 01 40 78 69 00.

(2)  Rappelons que l'ACTP peut également être accordée lorsque la personne handicapée assume des frais supplémentaires occasionnés par l'exercice d'une activité professionnelle. Une notion qui n'a pas été retenue dans le cadre de l'enquête APF.

(3)  Toutefois, les personnes qui ont obtenu pour la première fois l'ACTP avant 60 ans peuvent continuer à la percevoir après cet âge. Voir ASH n° 2024 du 23-05-97.

(4)  Ces statistiques sont antérieures à la création de la prestation spécifique dépendance destinée aux personnes âgées.

(5)  Voir ASH n° 1912 du 2-02-95.

LES POLITIQUES SOCIALES

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