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Dépendance : l'incontournable « ingénierie sociale »

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 Les savoir-faire développés par les travailleurs sociaux dans le cadre de la prestation expérimentale dépendance peuvent être considérés comme une véritable « ingénierie sociale », défend la Mutualité sociale agricole. Laquelle s'inquiète des risques que fait peser l'actuelle prestation spécifique dépendance sur la qualité de l'intervention.

Après s'être intéressée au profil et à l'environnement des bénéficiaires de la prestation expérimentale dépendance  (PED)   (1), la Mutualité sociale agricole  (MSA) évalue aujourd'hui le travail social mis en œuvre à l'occasion de ce dispositif (2). Et vient combler ainsi le silence actuel sur le sujet. Certes, constate-t-elle, «  l'intérêt d'une évaluation globale et personnalisée des situations est reconnu par tous. Elle conjugue une approche médicale et sociale et met la personne âgée au centre du dispositif en prenant en compte le rôle de l'entourage ». Mais, si toutes les études mentionnent «  un besoin fréquent de faire évoluer la demande, de gagner la confiance des familles et si possible de désigner un référent », et si elles insistent sur l'utilité de l'accompagnement social dans la mise en œuvre des plans d'aide, aucun observateur n'approfondit «  la nature même et l'amplitude du travail social réalisé dans ce sens », relève la MSA. Un oubli qu'elle se propose donc de réparer en mettant en évidence, à travers une description extrêmement détaillée, «  les savoir-faire des travailleurs sociaux ».

Tout d'abord, les compétences des professionnels sont mobilisées pour appréhender des situations délicates, marquées souvent par l'isolement. Une notion extrêmement complexe, souligne la MSA, citant des exemples de cohabitation où la personne âgée peut se sentir isolée malgré la présence de son entourage. Subjectif, forcément marqué par l'histoire de vie, le réseau de relations, l'état de santé, l'isolement conduit au sentiment de solitude, à la tristesse et à l'apathie. Il s'agit donc, par le dispositif de la PED, de mobiliser ou de renforcer un réseau de proximité conjuguant les aidants naturels, des professionnels et des voisins, des amis et des bénévoles. Envisagée par le coordonnateur chargé de l'élaboration du plan d'aide, «  cette socialisation ne va pas de soi », estime la MSA. D'autant que les statuts au sein de la famille peuvent se trouver bousculés en cas de salariat de l'aidant ou d'un tiers professionnel puisque la personne âgée devient alors employeur. L'intervention du travailleur social est d'ailleurs fortement utile pour déculpabiliser ceux qui sont pris dans des situations relationnelles complexes. Car, outre l'appréhension de la situation d'isolement, il s'agit également pour le professionnel de s'assurer de la « qualité » des relations familiales. L'objectif consistant à «  valoriser le rôle social » que peut encore assumer, dans son milieu de vie, la personne âgée. Ce qui renvoie immédiatement aux questions éthiques autour du respect de son autonomie par rapport au plan d'aide, ou de sa participation effective aux décisions la concernant. C'est dire l'importance des savoir-faire mobilisés autour de la PED, la MSA n'hésitant pas à voir là le développement «  d'une ingénierie sociale originale ».

Dimension essentielle de cette intervention sociale :l'approche globale de la personne âgée (qualifiée de «  systémique » par la MSA), dont l'entourage et le milieu de vie sont pris en compte. Le travailleur social cherche ainsi à favoriser l'expression des bénéficiaires et de leurs aidants en établissant une relation de confiance. Démarche qui demande bien évidemment du temps, plusieurs visites, pour que la personne âgée ose confier sa gêne et sa culpabilité par rapport à l'aide qu'elle reçoit de son entourage. Et pour que celui-ci arrive à parler de ses difficultés. Cette écoute permet notamment au professionnel de prendre conscience des limites des capacités des aidants familiaux et des préférences de la personne âgée par rapport aux intervenants à domicile qui ont été choisis. Elle lui fait également toucher du doigt les arrangements ou les désaccords familiaux et mesurer les possibilités d'aides offertes par l'environnement. Mais, au-delà de cette évaluation des besoins, le travailleur social est aussi «  le tiers » professionnel reconnu et extérieur à la famille. Il joue un rôle de médiateur entre la personne âgée, son entourage et les services professionnels, notamment dans les situations de conflit ou de crise. En outre, il est un relais pour l'entourage, en permettant souvent à l'aidant principal de s'offrir un répit même partiel. Concrètement, le travailleur social organise des réunions à domicile entre l'aidé et l'aidant, entre l'aidé et les services ou entre les services/l'aidé/l'aidant afin de parvenir à une « compréhension commune de la situation » avant de proposer le plan d'aide.

Un plan d'aide négocié

Dans une autre étape de son intervention, le travailleur social va s'assurer que l'ensemble des acteurs ont bien entendu et compris les mêmes messages. Et il formule des propositions reprenant les besoins et les points de vue des personnes âgées et de leur entourage sur l'aide à apporter. L'objectif étant de «  soulager les aidants » en tenant compte «  des souhaits de l'aidé » et en s'appuyant sur les posssibilités offertes par les services à domicile. Le plus souvent, le travailleur social retourne vers le bénéficiaire pour l'informer «  de vive voix » des résultats de la commission départementale, à savoir la décision concernant le niveau de prise en charge financière en fonction du plan d'aide proposé. A partir de là, il s'agit souvent de négocier les modalités d'intervention des services à domicile avec le concours de la personne âgée et de sa famille. Celles-ci peuvent être d'ailleurs très variées et concerner une aide administrative à la famille, un appui pour engager des travaux d'aménagement du logement, une négociation des rythmes d'intervention, une mise en œuvre éventuellement anticipée d'un plan d'aide en cas d'hospitalisation... Comme le rappelle la MSA, le rapport établi pour la commission départementale (comprenant l'évaluation médico-sociale et la proposition de plan d'aide) est l'outil «  de formalisation » essentiel du dispositif de la PED. Ce qui n'empêche pas, souvent, en plus de celui-ci, l'établissement d'un cahier de transmissions entre service de soins à domicile et aides-ménagères.

Enfin, le travailleur social va assurer le suivi des situations afin de prendre la mesure des évolutions (fatigue de l'aidant, aggravation de l'état de santé...), effectuer éventuellement les médiations nécessaires, réguler au mieux la prise en charge délicate des week-ends et éventuellement réajuster le plan d'aide. Une activité considérée comme «  allant de soi », mais qui néanmoins «  représente une charge de travail non négligeable », précise la MSA, évoquant les visites à domicile, les liaisons qu'elle engendre avec les intervenants.... C'est d'ailleurs ce suivi qui permet de motiver les différents intervenants autour de projets communs (particulièrement autour de l'aide aux aidants et de l'information des personnes âgées) et de mesurer l'opportunité d'une prise en charge de l'aidant, notamment par un accompagnement au deuil en cas de décès de l'aidant. C'est ainsi, affirme la MSA, que les travailleurs sociaux, lorsqu'ils élaborent un plan d'aide, «  font bien autre chose qu'additionner des interventions ayant pour résultat le maintien au domicile de l'aidé ». Il s'agit d' « une fine articulation entre l'histoire de vie des familles et la nécessaire intrusion d'intervenants professionnels dans cette intimité relationnelle pour garantir une qualité de vie optimum aux uns et aux autres. Ni une instruction de dossier administratif, ni une expertise dans le domaine du logement, ni une thérapie familiale, mais un peu tout cela à la fois », avec, comme principale préoccupation, « la prise en compte de la parole des personnes concernées au-delà des strictes logiques institutionnelles ».

L'étude met ainsi en évidence «  l'intérêt d'une mobilisation interinstitutionnelle autour des personnes âgées et de leur entourage ». Elle souligne, notamment, le caractère «  incontournable » de l'approche personnalisée des besoins par «  une intervention sociale ou médico-sociale  » à domicile et insiste sur la nécessaire coordination des services. Pourtant, constate la MSA, la loi sur la prestation spécifique dépendance  (PSD) reste en-deçà des leçons apportées par l'expérimentation (3). La PSD, confiée désormais aux conseils généraux à leur demande, se situe désormais dans une logique d'aide sociale, «  laissant de côté le principe de l'assurance d'un risque, défendu par les organismes de protection sociale et les associations de retraités ». En outre, la nouvelle prestation ne prendra désormais en compte que les niveaux de dépendance les plus lourds, tandis que la grille AGGIR, qui devait être une aide à l'évaluation, est désormais un outil de décision pour l'attribution de la prestation. Mais, surtout, la MSA s'inquiète de la qualité de l'évaluation médico-sociale effectuée à domicile. Celle-ci exprime ainsi ses «  doutes » sur la qualification des intervenants, certains départements tendant à faire fonctionner le dispositif a minima en recourant à des personnels non formés. Enfin, regrette-t-elle, la formation des personnels intervenant à domicile, pourtant «  soulignée comme une préoccupation importante au cours de l'expérimentation », n'est reprise que «  timidement », la loi renvoyant cet aspect à un décret non paru à ce jour.

« Le nouveau dispositif de la PSD constitue un volet important des politiques gérontologiques départementales auquel la MSA peut souhaiter s'associer », conclut l'étude. Mais, dans ce cadre, chaque caisse reste souveraine pour négocier la présence de ses personnels dans les équipes médico-sociales et pour déterminer ses critères de prise en charge. Pas question, en effet, avertissent les rapporteurs, que la création de la PSD se traduise par une contrainte imposée aux MSA d'amplifier leur effort financier dans ce domaine. En revanche, celles-ci sont prêtes « à diffuser largement l'information sur leur politique gérontologique et les conditions d'accès aux prestations pour leurs ressortissants ». La décentralisation engagée en 1982 s'affirme ainsi encore davantage avec la nouvelle loi sur la PSD, conclut la MSA. Aussi, plutôt que de participer de façon « marginale » à des dispositifs « qui ne relèvent finalement plus de ses compétences », celle-ci indique sa volonté de s'investir davantage dans de nouveaux domaines comme la prévention de la dépendance, l'appui aux aidants et la coordination gérontologique locale. Le message est clair : si la PSD a été confiée aux conseils généraux, la MSA se consacrera désormais à « définir une nouvelle politique en direction du grand âge ». Isabelle Sarazin

Les Aînés ruraux veulent financer la PSD par la CSG

Alors que le gouvernement engage une hausse modulée de la contribution sociale généralisée  (CSG) (l'augmentation sera de 2,8 % pour les retraités tandis que pour les salariés elle atteindra 4,1 %)   (4), le mouvement des Aînés ruraux (5) propose que les retraités paient celle-ci au même taux que les salariés afin de participer au financement de la prestation spécifique dépendance  (PSD). Laquelle devrait alors être confiée à la sécurité sociale, dans le cadre d'un cinquième risque, et non plus aux conseils généraux, comme c'est le cas actuellement. C'est ce que devait déclarer Eugène Pinsault, président du mouvement, lors des XXe journées nationales, les 2 et 3 octobre à Tours. Pourquoi le premier mouvement associatif de retraités (6) formule-t-il une telle proposition ? Il faut se rappeler qu'il s'était montré extrêmement critique lors de l'adoption de la loi du 24 janvier 1997 sur la PSD (7). D'ailleurs, aujourd'hui encore, il déclare vouloir la combattre « jusqu'à sa réforme ». « Ce texte ne nous convient pas », confirme Eugène Pinsault, même si, reconnaît-il, il « comporte quelques points positifs - versement d'une prestation en contrepartie de dépenses, coordination des collectivités et organismes participant au financement, projet de réforme de la tarification des prestations par les conseils généraux ». Principal reproche : le fait que la gestion de la PSD soit confiée aux conseils généraux. Pour les Aînés ruraux, celle-ci doit revenir aux organismes de sécurité sociale afin d' « instaurer une véritable prestation dépendance versée aux bénéficiaires en fonction de leur état de santé et des coûts qu'ils supportent, sans condition de ressources et sans récupération sur succession ». Quant au financement, il pourrait être assuré par le produit de la vignette automobile et par « une contribution des retraités au financement de la dépendance dans le cadre d'un'cinquième risque " ». Celle-ci pouvant alors être incluse dans le montant de la CSG payée par les retraités. Une solution qui ne sera évidemment pas retenue pour 1998, reconnaît le président du mouvement, mais qui, selon lui « constitue un véritable objectif pour 1999 ». Par ailleurs, les journées nationales de Tours devaient être l'occasion de plaider en faveur du maintien à domicile des personnes âgées. « 94 % des retraités souhaitent rester chez eux », rappelle à ce propos Eugène Pinsault, souhaitant que « tous les moyens soient mis en œuvre » pour que ceux-ci puissent rester « dans l'environnement qui leur est familier »  : développement des services de proximité, amélioration de l'habitat, hospitalisation et soins infirmiers à domicile. Enfin, « sollicitant pour tous un niveau de ressources permettant de vivre dans la dignité », les Aînés ruraux réclament « la revalorisation des plus petites retraites, notamment celles des agriculteurs, des artisans, des commerçants et des veuves ». Une mesure qui serait « d'autant plus indispensable », ajoutent-ils, « si la proposition de contribution des retraités au financement de la dépendance était retenue ». J.V.

Notes

(1)  Voir ASH n° 1967 du 22-03-96.

(2)  Les interventions sociales dans la prestation expérimentale dépendance en 1996 - MSA : 8/10 rue d'Arstorg - 75413 Paris cedex 08 - Tél. 01 44 56 68 73.

(3)  Voir ASH n° 2021 du 2-05-97.

(4)  Voir ce numéro.

(5)  Fédération nationale des clubs d'Aînés ruraux : 24, rue d'Anjou - 75413 Paris cedex 08 - Tél. 01 44 56 84 67.

(6)  Les Aînés ruraux comptent actuellement 900 000 adhérents, présents dans une commune rurale sur trois et regroupés au sein de 10 200 associations.

(7)  Voir ASH n° 2007 du 24-01-97.

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