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Un plan de redressement de 21 milliards de francs

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Après l'annonce, le 26 septembre, par la commission des comptes de la sécurité sociale, que le déficit du régime général atteindrait 37, 6 milliards de francs cette année et 33 milliards en 1998, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a présenté un plan de redressement d'environ 21 milliards.

La commission des comptes de la sécurité sociale a indiqué, le 26 septembre, que le déficit du régime général de la sécurité sociale s'établirait à 37, 6 milliards à la fin de l'année (alors que le plan Juppé prévoyait un excédent de 8 milliards) et à 33 milliards l'an prochain. Aussi Martine Aubry, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a-t-elle annoncé un plan de redressement de la sécurité sociale d'environ 21 milliards. Au programme : le basculement des cotisations maladie sur la contribution sociale généralisée  (CSG), la mise sous condition de ressources des allocations familiales, la réduction de l'allocation de garde d'enfant à domicile et une taxe sur le tabac. L'ensemble de ces mesures fera l'objet de la loi de financement de la sécurité sociale qui sera présentée le 8 octobre en conseil des ministres.

La situation financière du régime général

Selon le bilan définitif de la commission des comptes de la sécurité sociale, le déficit du régime général de la sécurité sociale (salariés du secteur privé) est de53, 2 milliards de francs pour 1996, et devrait s'établir, pour l'année 1997, à 37, 6 milliards de francs, alors que la loi de financement du 27 décembre 1996 l'avait fixé à 30 milliards. Avec un taux de croissance du PIB de 3 %, le déficit devrait être ramené à 33 milliards en 1998, sans « mesures volontaristes » de redressement (1), prévoit la commission. Aussi le projet de financement de la sécurité sociale vise-t-il à ramener le déficit à 12 milliards pour l'année prochaine. L'objectif affiché par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité étant de « retrouver l'équilibre financier en 1999 ».

La branche maladie

Le déficit de la branche maladie devrait s'établir à 16 milliards de francs en 1997 contre 35, 9 milliards en 1996 : les recettes en augmentation de 5, 2 % (soit 554, 5 milliards de francs) et les dépenses de 1, 3 % (soit 570, 5 milliards de francs).

Selon la commission, les dépenses de ville augmenteront de 1, 5 % en valeur par rapport à 1996 pour s'établir à 68, 9 milliards de francs, celles des hôpitaux de 1, 6 % (246, 3 milliards de francs), les prescriptions (auxiliaires médicaux, médicaments, analyses médicales) connaissant, quant à elles, un accroissement plus rapide de 4 % (101, 1 milliards de francs).

Du côté des recettes, les cotisations des assurés devraient chuter de 12, 2 %, celles des employeurs de 0, 2 %. Cependant, les impôts et taxes affectés à la branche maladie du régime général (contribution sociale généralisée, taxe sur les alcools et le tabac), ainsi que les cotisations prises en charge par l'Etat (au titre de l'apprentissage, de l'emploi des jeunes, des chômeurs de longue durée...) devraient compenser cette baisse. Ce phénomène est appelé à s'accentuer en 1998 du fait du basculement des cotisations maladie des salariés vers la CSG .

Les prévisions de la commission évaluent le déficit de la branche maladie à 14, 3 milliards de francs en 1998.

La branche vieillesse

L'exercice 1996 de la branche vieillesse du régime général s'est conclu par un déficit de 7, 9 milliards de francs (alors qu'il avait été estimé à 5, 8 milliards) en raison, notamment, d'un contexte économique défavorable en termes de salaires et d'emploi, conduisant à un tassement des cotisations. Il devrait s'aggraver en 1997 pour atteindre 8, 5 milliards selon les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale. Cependant, en tendance, le rythme d'évolution des prestations versées par le régime général poursuit son fléchissement, passant de + 3, 6 % en 1995, à + 3, 2 % en 1996, + 3, 0 % en 1997, puis+ 2, 8 % en 1998. Ce fléchissement tient d'abord à l'évolution naturelle de la démographie des bénéficiaires ainsi qu'aux effets de la loi du 22 juillet 1993 ayant réformé le calcul de la retraite dont l'impact financier devrait être d'environ 1, 5 milliard de francs en 1997 et de 2 milliards en 1998. Toutefois, notent les rapporteurs de la commission des comptes, « il est préoccupant de constater que certains régimes connaissent une situation financière encore médiocre alors qu'il vivent les dernières “bonnes” années démographiques, avant le départ à la retraite des générations du baby-boom ».

En 1998, le déficit devrait à peine se réduire à 8, 2 milliards de francs, selon la commission des comptes, en incluant une revalorisation des pensions de 1, 1 % au 1er janvier 1998.

La branche famille

« La branche famille connaît depuis 1994 des déficits préoccupants », les résultats étant affectés par la dérive importante du coût des prestations concernées par la loi famille du 25 juillet 1994, déplore la commission. Les nouvelles prévisions pour l'année 1997 aboutissent à un solde négatif de 13, 2 milliards de francs, plus élevé que celui de l'année 1996 (9, 7 milliards).

Les recettes, constituées aux deux tiers de cotisations, devraient s'élever à 240, 8 milliards de francs et les dépenses à 254 milliards de francs (+ de 6, 7 % en 1997). Le surcoût additionnel des prestations liées à la petite enfance, mises en place par la loi famille de 1994, évalué initialement à 8, 1 milliards pour l'année 1997, serait en fait de 13, 1 milliards, ces mesures connaissant en métropole des taux de croissance particulièrement élevés, compris entre 16, 8 % et 31, 1 % (à l'exception de l'allocation pour jeune enfant). « Ce dérapage » devrait encore s'accentuer l'année prochaine.

En tout état de cause, la situation devrait un peu s'améliorer en 1998, le déficit étant évalué à 11, 8 milliards.

La branche accidents du travail

Pour 1997, le compte prévisionnel « accidents du travail » présente un solde excédentaire de 151 millions de francs, en retrait de plus de 1, 6 milliard de francs par rapport à la loi de financement du 27 décembre 1996. Comme le prévoyait la loi de financement de la sécurité sociale de 1996, une somme forfaitaire de 1 milliard de francs a été versée à la branche maladie du régime général pour tenir compte des dépenses supportées par cette dernière avant la reconnaissance officielle du caractère professionnel des affections prises en charge.

Les prévisions pour 1998 font apparaître un solde excédentaire de 1, 4 milliard de francs (à taux de cotisations inchangé).

Les aides à la garde d'enfant ont fortement progressé en 1996

Deux aides à la garde d'enfants, l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) et l'allocation à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA), ont connu une forte progression en 1996. C'est ce que révèle la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) dans sa revue Recherches et prévisions (2),. Ainsi, l'AGED a enregistré une hausse de 42,6 %, passant de 46 000 à 66 000 bénéficiaires. Quant à l'AFEAMA, elle a progressé de 18 %, de 321 000 à 379 000 bénéficiaires. Des chiffres qu'il faut toutefois nuancer, sachant que l'AGED ne concerne que 2 % des enfants de moins de 3 ans et l'accueil par une assistante maternelle 13 %. Et que l'offre en matière de garde d'enfants demeure insuffisante. En effet, selon la CNAF, seuls 9 % des moins de 3 ans sont accueillis en crèche tandis que 27 % sont gardés, sans aide, par un parent au foyer et 26 % grâce au système D (nourrice « au noir  », grands-parents, voisins...).

Parmi les autres prestations liées au jeune enfant, l'allocation parentale d'éducation (APE) a elle aussi progressé. Fin 1996, elle concernait 410 000 bénéficiaires contre seulement 275 000 un an plus tôt, soit une hausse proche de 49 % (ce chiffre était de 75 % en 1995). Une évolution qui s'explique par son ouverture à partir du 2e enfant, au lieu du 3e précédemment, depuis le 1er juillet 1994. A noter que cette prestation, qui touche surtout les milieux modestes, a entraîné, en 1995, le retrait de 65 000 femmes du marché du travail. En revanche, l'allocation pour jeune enfant (APJE) a chuté de façon significative. Surtout l'APJE courte (versée du 5e mois de grossesse au 3e mois de l'enfant) qui a perdu 12 % de ses bénéficiaires en raison de sa mise sous condition de ressources depuis le 1er janvier 1996. De son côté, l'APJE versée entre le 4e mois et les 3 ans de l'enfant, a baissé de 3 %. Reste que, si les prestations liées au jeune enfant sont celles qui ont le plus augmenté en 1996, elles ne concernent, au total, que 1,8 million de bénéficiaires alors que, par exemple, l'ensemble des aides au logement, qui ont augmenté de 2,7 %, en touchent 5,8 millions.

La réforme structurelle du financement

Le transfert des cotisations maladie vers la CSG

Dans un objectif de « justice sociale », et afin que les revenus du capital comme du travail contribuent au financement de la couverture maladie, le gouvernement engage une réforme structurelle du financement de la sécurité sociale : la baisse des cotisations maladie et leur transfert vers la CSG.

Comme nous l'annoncions (3), l'assiette du financement de la protection sociale sera élargie par la substitution de la CSG à l'assurance maladie : les cotisations maladie des actifs seront réduites de 4, 75 %. La CSG sera augmentée de 4, 1 % sur les revenus de l'activité et de l'épargne(resteront défiscalisés le livret A, le livret d'épargne populaire, les livrets jeunes et les CODEVI) et de2, 8 % sur les revenus de remplacement. Ce transfert entraînera une hausse du pouvoir d'achat des salariés chiffrée à 1, 1 % par le gouvernement, et sera une opération blanche pour les retraités et chômeurs, dont la cotisation maladie sera entièrement supprimée. Etant précisé que cette opération ne concerne que les retraités imposables et les chômeurs dont l'allocation est supérieure au SMIC. Pour les fonctionnaires dont une partie de la rémunération est composée de primes, le gouvernement a annoncé qu'un système de compensation serait mis en place afin que le basculement de la cotisation maladie sur la CSG ne les lèse pas.

Ces points de CSG supplémentaires seront déductibles.

Au total, la CSG sera en 1998 de 7, 5 % sur les salaires (assise sur 95 % de la rémunération brute) et les produits de l'épargne (sauf épargne défiscalisée), et de 6, 2 % pour les retraités et chômeurs. Bénéfice attendu : 4, 6 milliards.

L'extension de l'assiette des prélèvements

Deux prélèvements de 1 % sur l'épargne, affectés aujourd'hui à la caisse nationale d'allocations familiales et à la caisse vieillesse, verront leur assiette étendue à des produits d'épargne qui en étaient aujourd'hui exclus : l'assurance vie, l'épargne logement (PEL et CEL), les PEA et les PEP. Cette mesure devrait rapporter 4, 5 milliards.

La politique familiale

Martine Aubry a annoncé, le 26 septembre, une « remise à plat » de la politique familiale. Cette « réflexion approfondie » ne pourra se réduire aux seules prestations et doit aussi intégrer les dimensions des politiques scolaires, de logement social et d'intégration, a-t-elle précisé. Mais, dans l'immédiat, rappelant que le gouvernement a trouvé la branche famille dans une « situation financière très préoccupante », la ministre a présenté un certain nombre de mesures réorientées vers les plus modestes et placées sous l'exigence de la solidarité, qui, au total, rapporteront 4, 6 milliards de francs.

La mise sous condition de ressources des allocations familiales

UN PLAFONNEMENT...

A compter du 1er février 1998(soit sur les versements effectués au mois de mars), les allocations familiales seront donc plafonnées. Ce plafond de25 000 F net mensuel (avant impôt) sera majoré de 7 000 F en cas de biactivité ou pour les familles monoparentales et de 5 000 F par enfant à charge à partir du troisième. L'effet de seuil sera réduit par la mise en place d'unmécanisme d'allocation familiale différentielle : les familles dont les revenus dépassent légèrement le plafond pourront continuer à percevoir des allocations familiales réduites  (voir tableau).

Ce plafond sera revalorisé chaque année conformément à l'évolution des prix à la consommation hors tabac.

... AU NOM DE LA SOLIDARITÉ

Face à l'hostilité déclenchée par l'annonce de cette mesure, Martine Aubry a précisé que les allocations seront maintenues pour plus de 92 % des familles concernées. Ce sont les foyers les plus aisés qui seront touchés : seules 350 000 familles, soit 2, 3 % des 15 millions de familles françaises, seront exclues des allocations familiales, a-t-elle plaidé.

Elle a notamment rappelé, devant les membres de la commission des comptes de la sécurité sociale, que notre dispositif global d'aide aux familles, par le biais de la fiscalité et des prestations sociales, est, parmi les pays européens, l'un des plus favorables aux familles aisées par rapport aux familles modestes. Ainsi, un couple avec 3 enfants bénéficie d'un montant d'aide publique de 29 000 F par an s'il dispose d'un revenu de 100 000 F et de 76 900 F s'il dispose d'un revenu de 700 000 F.

Le plafonnement « heurte les convictions de ceux qui sont attachés à l'universalité de cette prestation, a commenté Martine Aubry. Mais il ne faut pas oublier que la logique profonde de la politique familiale est une logique de solidarité ; son mode de financement, qui n'a jamais été assuré par des cotisations salariales, en témoigne. Confrontés à un déficit majeur et aux difficultés de nombreuses familles modestes, nous avons dû, et nous l'assumons, faire le choix de la solidarité. » La ministre a ensuite rassuré : « La mise sous condition de ressources des allocations familiales ne constitue pas le prélude à un dispositif de même nature en assurance maladie. Le gouvernement n'a nullement l'intention de moduler les remboursements selon le niveau de revenus », a-t-elle affirmé, poursuivant : « Au moment où nous allons appeler tous les revenus à participer au financement de l'assurance maladie, chacun doit bénéficier d'un même niveau de couverture. Cela n'exclut pas que nous portions une attention particulière à ceux qui, aujourd'hui, sont exclus des systèmes de santé pour des raisons financières. C'est là, à mon sens, l'élément essentiel du projet d'assurance maladie universelle. »

La Cour des comptes épingle la branche famille

La Cour des comptes a rendu public, le 1er octobre, son troisième rapport annuel au Parlement sur la sécurité sociale, qui présente « une analyse de l'ensemble des comptes des organismes de sécurité sociale  » pour l'année 1996 (4) ainsi que les travaux des comités départementaux des comptes des organismes de sécurité sociale. Après avoir constaté que le déficit de la sécurité sociale, pour la quatrième année consécutive, est supérieur à 50 milliards de francs, la Cour avertit que, « si le retour à l'équilibre était attendu pour l'essentiel du freinage des dépenses, il ne pourrait être espéré avant plusieurs années  ». Elle relève au passage que l'affectation de la CSG et de la CRDS, non seulement au paiement des charges d'intérêt mais encore à l'amortissement des emprunts contractés pour couvrir les déficits passés, « laisse sans solution  » le problème de la couverture des déficits apparus depuis lors.

Comme l'année dernière, la Cour des comptes épingle plus spécifiquement la branche famille, dont la « forte croissance des dépenses depuis 1994 est d'autant plus préoccupante qu'elle est en grande partie due à des prestations qui n'ont pas contribué à une plus grande transparence du dispositif  ». Les critiques portées en 1996 sur l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED), notamment sur ses conditions d'attribution et sur son « caractère inégalement redistributif  », restent d'actualité : la Cour ayant observé « qu'aucune modification notable n'avait été apportée  » depuis lors. Cette année, elle s'est penchée plus particulièrement sur l'allocation parentale d'éducation (APE), qui « représente la principale composante de la forte progression des dépenses induites par la loi famille  » du 25 juillet 1994, et l'aide à la scolarité, versées toutes deux par les CAF. Alors que le gouvernement avait évalué le coût de l'élargissement de l'APE à partir du deuxième enfant à 3 milliards de francs sur la période 1995-1999, force est de constater « l'emballement des dépenses  », essentiellement dû à l'allocation de rang 2 versée à taux plein. Ainsi, pour la seule année 1995, 2,4 milliards de francs ont été dépensés. En 1996, la prévision était de 3 milliards mais la réalisation fut de 6,2 milliards. Pour 1997, les dépenses sont estimées à 8,6 milliards de francs. Au total, les coûts relatifs aux aides individuelles à l'accueil ou la garde des jeunes enfants relevant de la CNAF (APE, AGED, AFEAMA) ont plus que doublé entre 1994 et 1996, l'APE versée pour le deuxième et troisième enfant représentant près de la moitié des bénéficiaires et près de 60 % des coûts. La Cour critique également les possibilités de cumul existantes. Ainsi, la possibilité de percevoir une APE taux plein et l'AFEAMA (qui concerne 1,2 % des allocataires APE taux plein) est jugée « peu cohérent [e]  », car l'objectif de l'APE est de permettre à l'allocataire de se consacrer davantage lui-même à l'éducation de son enfant en bas âge et non de bénéficier, « de surcroît, d'une assistance extérieure sur fonds publics  ». Mais, au-delà du seul problème financier, la Cour s'est interrogée sur les transferts de charges entre régimes de protection sociale et notamment du régime d'assurance chômage vers la branche famille, car elle a pu constater que de nombreuses femmes en situation de chômage faiblement indemnisé ont choisi de percevoir l'APE. Ce qui a également pour conséquence, prévient la Cour, le maintien des femmes au foyer et la précarisation de l'emploi féminin.

De son côté, l'aide à la scolarité, instituée par la même loi du 25 juillet 1994 pour remplacer les bourses de collèges et du cycle d'orientation des lycées, fait également l'objet de vives critiques car la réforme a eu pour conséquence l'exclusion d'un certain nombre d'élèves, estimé entre 50 000 et 100 000. Pour pallier les difficultés liées à la réforme, des solutions de nature provisoire ont été mises en place (allocation exceptionnelle ou permanente et fonds social collégien) que la Cour des comptes juge « complexes  ». En définitive, déplore-t-elle, « l'ensemble de ces adaptations ont eu pour conséquence de reconstituer le dispositif d'origine sans qu'aucune évaluation ait été entreprise pour en vérifier la pertinence et le bien-fondé  ».

Autre sujet abordé : celui de l'exonération du ticket modérateur pour les affections de longue durée (ALD). Si, à l'origine, ce dispositif était destiné à permettre la prise en charge complète des soins longs et coûteux, il faut, note la Cour, prendre en compte son « vieillissement et son inadaptation  ». Il repose en effet sur une procédure qui ne présente pas toutes les garanties médicales souhaitables et sur des circuits administratifs lourds et coûteux. Aussi, elle propose notamment de faire évoluer le dispositif existant d'un contrôle administratif, fondé sur une liste de maladies exonérantes, vers un contrôle médical lié au coût du traitement. Ainsi, l'exonération pourrait être automatiquement accordée pour la prescription de certains médicaments ou traitements (interféron, radiothérapie) et serait conditionnée par le respect de bonnes pratiques médicales.

La réforme de l'AGED

Le montant des cotisations sociales prises en charge dans le cadre de l'allocation de garde d'enfant à domicile  (AGED) sera limité à 50 %(contre 100 % actuellement) dans la limite d'un plafond de 6 418 F par trimestre pour un enfant de 0 à 3 ans et de 3 209 F par trimestre pour un enfant de 3 à 6 ans.

Ce mode de garde, a expliqué la ministre, était concentré sur un nombre très restreint de familles (66 000, alors que 3 millions de ménages ont au moins un enfant de moins de 6 ans) et, du fait de son coût, était réservé aux ménages les plus aisés. Mais moins de la moitié des familles seront touchées : ce seront surtout celles qui cumulent l'AGED avec la déduction fiscale pour emploi familial (qui va être réduit de moitié, voir ce numéro ) qui seront concernées. Avec ce cumul, a ajouté la ministre de la Solidarité, la collectivité pouvait dépenser près de 80 000 F par an pour une garde à domicile contre 54 000 F pour une garde en crèche collective. Ces réductions de l'AGED et de la déduction d'impôt permettront donc de rétablir « une plus juste répartition de l'aide de la collectivité entre les différents modes de garde ».

L'extension des allocations familiales aux grands enfants

Les conditions d'âge pour l'ouverture du droit aux prestations familiales introduisent une différence entre les familles dont les enfants poursuivent leurs études et les autres. Ainsi, les allocations familiales devraient être étendues en 1998 à tous les enfants âgés de 18 à 19 ans et aux 19-20 ans en 1999. Jusqu'à présent, cette tranche d'âge en bénéficiait sous certaines conditions (études, apprentissage, maladie, handicap). Cette extension va toucher les familles les plus modestes dont les enfants ont arrêté leurs études, sans emploi, ou sans stage de formation.

La politique de santé

Les objectifs de santé publique

UN « IMPÉRATIF DE PARTICIPATION »

En tout premier lieu, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité souhaite « améliorer la santé [en identifiant] au mieux les besoins et [en organisant] au mieux les moyens de prévention comme de soins pour y répondre ». Pour ce faire, il est impératif de faire participer « tout le monde, professionnels de santé, élus, associations et, en définitive, chaque citoyen », a-t-elle indiqué. Les états généraux de la santé qui se réuniront au printemps prochain, et ce jusqu'à l'automne 1998, seront donc l'occasion d'un « vaste débat public autour des objectifs de santé, des droits des patients et de l'organisation du système de soins ». Ses travaux s'appuieront notamment sur les conférences régionales de santé, « dont les moyens seront renforcés ».

LES PRIORITÉS DE LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE

Pour l'année à venir, le gouvernement reprend à son compte les priorités dégagées par la dernière conférence nationale de santé qui s'est tenue au début du mois de juillet (5). Ainsi, la prévention devra être renforcée à l'égard del'alcoolisme et du tabagisme. Une taxe de santé publique sur le tabac, fixée à un taux de 2, 5 %, sera instaurée et devrait rapporter 1, 3 milliard de francs servant à financer des actions de santé publique et à prendre en charge une partie du coût pour l'assurance maladie que génère la consommation de tabac.

De même, la santé des enfants et des adolescents fera l'objet d' « une attention particulière » grâce à la promotion de la santé scolaire vers laquelle certains médecins libéraux pourrait être incités à se reconvertir.

Reprenant, là aussi, l'un des axes dégagés cet été par la conférence nationale de santé, la prévention et le dépistage descancers (et en particulier les cancers du sein et du col de l'utérus pour lesquels sont affectés 300 millions de francs) devraient être améliorés. Autre préoccupation : le renforcement des actions de santé publique et en particulier la lutte contre les maladies transmissibles comme le sida (avec l'annonce de l'actualisation des stratégies antirétrovirales qui devrait être publiée dans les prochaines semaines et le développement de la prise en charge en médecine de ville dès la fin 1997), mais également l'hépatite C, pour laquelle le gouvernement mènera « une politique active d'incitation au dépistage ». La lutte contre la toxicomanie et la politique de réduction des risques en direction des usagers de drogues sera poursuivie dans le cadre d'un plan triennal d'action 1998-2000, les crédits de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie devant « être renforcés » dès l'année 1998.

Par ailleurs, Martine Aubry a annoncé le lancement, en 1998, d'un plan de développement des soins palliatifs et de lutte contre la douleur comportant une information large du public et un renforcement de la formation initiale et continue des médecins.

Enfin, le gouvernement souhaite donner « une nouvelle impulsion à la sécurité sanitaire », notamment par la création de nouveaux organismes de surveillance (institut de veille épidémiologique, agence de sécurité des produits de santé, agence de sécurité des produits alimentaires).

Mise sous condition de ressources des allocations familiales (métropole)(Source : Ministère de l'Emploi et de la Solidarité)

LA PRISE EN CHARGE DES PLUS DÉMUNIS

Autre objectif majeur de la politique de santé du ministère de l'Emploi et de la Solidarité : « réduire les inégalités et prêter une attention particulière aux plus fragiles ». Concrètement, le gouvernement veut faire adopter, en 1998, les dispositions légales permettant la mise en place de l'assurance maladie universelle, ouvrant droit aux prestations en nature à toute personne résidant en France. La ministre envisage, dans le cadre de cette réforme, la prise en charge du ticket modérateur pour les plus démunis.

LES ACTIONS EN FAVEUR DES PERSONNES ÂGÉE ET DES PERSONNES HANDICAPÉES

Enfin, la politique de santé à l'égard des personnes âgées et des personnes handicapées   « sera dotée des crédits permettant le financement des priorités du gouvernement », a annoncé Martine Aubry. Pour les personnes âgées, 7 000 lits de section de cure médicale et 2 000 places de services de soins infirmiers seront financés en application de la loi instaurant la prestation spécifique dépendance (6). Concernant les personnes handicapées, une autorisation de dépenses supplémentaires de 250 millions de francs (contre 100 en 1997) permettra notamment la création de centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP) dans 5 des 23 départements qui en sont dépourvus, la création des premiers « centres de ressources » pour enfants et adultes souffrant de handicaps ou de combinaisons de handicaps rares (sourds aveugles, personnes handicapées porteuses d'une affection somatique grave...) et l'accélération de la création de places en maisons d'accueil spécialisées, en foyers à double tarification « pour résorber plus rapidement le retard mis en évidence par l'amendement Creton ». En outre, le programme de création de places médico-sociales adaptées aux traumatisés crâniens sera poursuivi à hauteur de 50 millions de francs.

Les mesures structurelles de maîtrise des dépenses

La maîtrise des dépenses de santé ne se fera pas au détriment des malades, a assuré la ministre, le gouvernement s'interdisant « quelque mesure de déremboursement » que ce soit. Autrement dit, la couverture sociale des Français devrait être maintenue à son niveau actuel. Ce résultat sera donc atteint par « une politique résolue de maîtrise des dépenses de santé ».

LES OBJECTIFS DE DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE

L'objectif national des dépenses d'assurance maladie  (ONDAM) est ainsi fixé, pour 1998, à 613, 6 milliards de francs, soit une augmentation de 13, 3 milliards par rapport à 1997(+ 2, 23 %).

Les crédits des hôpitaux publics seront portés à 238 milliards (+ 2, 2 %), soit une croissance supérieure à 1997 (+ 1, 25 %). Tandis que l'enveloppe du secteur médico-social augmentera de 3, 15 %. Les soins de ville bénéficieront de 267 milliards de francs, soit une progression de 2, 1 %, un taux identique à celui de 1997. Pour ce dernier secteur, Martine Aubry a exprimé sa volonté de faire évoluer le dispositif de maîtrise médicalisée, « conçu autour des références médicales opposables », pour y intégrer « des références positives et des recommandations de bonne pratique ». En outre, le gouvernement entend développer une politique « vigoureuse » du médicament, notamment en incitant à la prescription de génériques. Enfin, l'industrie pharmaceutique sera également mise à contribution (aménagement de la taxe sur la publicité pharmaceutique...).

LA POLITIQUE DE RESTRUCTURATION HOSPITALIÈRE

« Les agences régionales d'hospitalisation mèneront une politique active de recomposition du tissu hospitalier », a indiqué la ministre confirmant la politique de restructuration hospitalière. Pour faciliter ces évolutions, l'Etat mettra en place un fonds de modernisation hospitalière, doté de 500 millions de francs, dès 1998, destiné à financer les investissements nécessaires à la recomposition. Parallèlement, un fonds de 300 millions de francs financé par la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) facilitera les adaptations sociales liées à ces évolutions. Par ailleurs, le gouvernement a révélé son intention de lancer, dès la fin 1997, un nouveau processus d'élaboration des SROS (schémas régionaux d'organisation sanitaire), clé de voûte de la planification hospitalière.

Des mesures complémentaires

Parmi les autres mesures de prélèvements ou d'économies annoncées par le gouvernement, on retiendra notamment les dispositions suivantes :

L'APUREMENT DE LA DETTE

Le gouvernement a décidé de la reprise de la dette du régime général pour les années 1996, 1997, 1998 à hauteur de 87 milliards de francs. A cet effet la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS)  - contribution non déductible de 0, 5 % sur la quasi-totalité des revenus (7)  - devrait être prolongée de 5 ans, soit de janvier 2009 à janvier 2014. Cet effacement de la dette allégera de 3 milliards de francs le service des intérêts sur les remboursements des emprunts de trésorerie effectués par le régime général.

LA TAXE SUR LES CONTRIBUTIONS DES EMPLOYEURS À LA PRÉVOYANCE COMPLÉMENTAIRE

Fixée actuellement à un taux de 6 %, cette taxe passera à 8 %, ce qui procurera une recette supplémentaire de 300 MF.

Notes

(1)  Le bilan de la commission des comptes est définitif pour l'année 1996 et provisoire pour l'année 1997. Pour l'année 1998, ses évaluations ne tiennent pas compte des mesures de redressement annoncées par Martine Aubry.

(2)  Recherches et prévisions n° 48 de juin 1997.

(3)  Voir ASH n° 2037 du 19-09-97.

(4)  Prochainement disponible au Journal officiel : 26, rue Desaix - 75727 Paris cedex 15.

(5)  Voir ASH n° 2032 du 18-07-97.

(6)  Voir ASH n° 2021 du 2-05-97.

(7)  Voir ASH n° 1961 du 9-02-96.

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