C'est sur fond de contestation syndicale que l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et l'Association des maires de France (AMF) (1) devaient signer, le 17 septembre, pour une durée de trois ans, une convention-cadre ayant pour objet « les modalités et les moyens de mise en œuvre du partenariat entre les communes et l'ANPE ».
Cet accord, qui s'inscrit dans le cadre d'une ordonnance de décembre 1986 autorisant les conventions de placement (2), est ouvert aux municipalités volontaires. Il vise, en premier lieu, à « faciliter les démarches des personnes à la recherche d'un emploi ». A cet effet, l'agence peut fournir gracieusement aux communes qui le souhaitent : un accès aux offres d'emploi par le serveur 36 14 ANPE, un logiciel d'édition des offres d'emploi (via Internet) et des informations sur le marché local du travail, les métiers, la formation et ses différentes prestations. En outre, les maires pourront recevoir gratuitement la liste des demandeurs d'emploi de leur commune, enrichie du métier et de la qualification de ces derniers (sous réserve de la parution du décret nécessaire).
Autre objectif visé : « associer les compétences complémentaires des communes et des agences locales pour construire des parcours d'insertion ou de réinsertion pour certains publics (jeunes, demandeurs d'emploi de longue durée...) ». Un domaine, précise l'accord, dans lequel « la complémentarité des services sociaux de la commune et des services de l'agence est alors déterminante ». Concrètement, l'ANPE « pourra déléguer à des agents de la commune ou des structures liées à la commune (missions locales ou PAIO notamment), préalablement formés et habilités, tout ou partie » de ses services. Il s'agit, d'une part, de l'accompagnement des personnes à la recherche d'un emploi (proposition d'offres d'emploi, aide à la réussite de la recherche d'emploi et mise en œuvre d'un projet d'accès à l'emploi) et, de l'autre, du soutien aux entreprises (aide au recrutement et mise en œuvre des mesures pour l'emploi). Il est prévu trois niveaux de délégation modulables « en fonction du choix de la commune, du contexte local et des possibilités humaines, techniques et financières ». Le premier niveau permet uniquement la délivrance d'informations. Le deuxième autorise la réalisation d'actes professionnels proches de ceux effectués par les conseillers ANPE, « sans accès direct aux systèmes d'information de l'agence mais avec un accès aux offres d'emploi permettant des mises en relation directes ». Quant au troisième, il ouvre, en plus, un accès direct aux systèmes d'information de l'ANPE. Pour les niveaux 2 et 3, il est précisé que les services délégués sont « assurés, sous l'autorité du maire, par des personnes nommément désignées dans la convention locale et habilitées par l'agence au terme d'une formation individualisée ». En outre, les communes et l'agence s'engagent à respecter les principes déontologiques du service public de l'emploi et à évaluer leur partenariat « pour s'assurer que les actions mises en œuvre correspondent bien aux objectifs fixés ».
La CFDT ANPE (3) a été la première à réagir, le 2 septembre, en réclamant la suspension de cet accord qu'elle juge « lourd de menaces pour l'avenir du service public ». En effet, selon elle, « une telle municipalisation rampante placerait les usagers entre les mains d'autorités pour qui les intérêts politiciens, qu'ils soient libéraux voire d'extrême droite, pourraient se trouver fort éloignés des impératifs de service public ». Une crainte partagée par les autres syndicats, notamment FO ANPE (4) qui dénonce les risques de « clientélisme » contenus dans ce projet avec des dérives possibles dans des villes comme Vitrolles, Toulon ou Orange. « Respecteraient-elles l'égalité du droit et de traitement de toutes les personnes ? » s'interroge le syndicat. Même inquiétude à la CFE-CGC ANPE (5) où l'on souligne le danger d'une « sélection partisane » des bénéficiaires des offres d'emploi ainsi que « le risque de services à plusieurs vitesses selon la richesse des communes, du désengagement de l'Etat et d'une cacophonie encore plus grande auprès des employeurs ». Pour les organisations syndicales, c'est à l'Etat d'assurer l'égalité de traitement entre usagers du service public de l'emploi. Celui-ci « ne dispose pas aujourd'hui de moyens suffisants pour accomplir ses missions sur tout le territoire national [...] . C'est à l'Etat d'y remédier », considère notamment la fédération CGT des services publics (6). Laquelle observe, par ailleurs, qu'il est « pour le moins curieux qu'à l'heure où les élus locaux s'inquiètent à juste titre des désengagements croissants de l'Etat de ses missions et du transfert de charges sur les collectivités territoriales, l'AMF ait décidé de conclure un tel protocole ».
(1) AMF : 41, quai d'Orsay - 75343 Paris cedex 07 - Tél. 01 44 18 14 14 - ANPE : 4, rue Galilée - 93198 Noisy-le-Grand cedex - Tél. 01 49 31 74 00.
(2) A ce titre, un certain nombre de communes ont déjà signé une convention de placement ou de collaboration avec l'ANPE.
(3) CFDT ANPE : 43/45, rue de Javel - 75015 Paris - Tél. 01 44 37 00 30.
(4) FO ANPE : 146, rue Montmartre - 75002 Paris - Tél. 01 55 34 35 80.
(5) CFE-CGC ANPE : 45, boulevard Barbès - 75018 Paris - Tél. 01 42 59 23 00.
(6) CGT des services publics : case 547 - 263, rue de Paris - 93515 Montreuil cedex - Tél. 01 48 18 83 74.