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Violences sexuelles : l'Education nationale veut faire preuve de vigilance et de discernement

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« La parole de l'enfant qui a trop longtemps été étouffée doit être entendue et écoutée et sa souffrance prise en compte, car c'est à partir de la sanction du crime ou du délit que peut s'opérer, pour la victime, un lent travail de reconstruction. »

Partant de ce constat, Claude Allègre, ministre de l'Education nationale, et Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, ont adressé aux responsables d'académies une circulaire détaillée sur la conduite à tenir au cas où un élève est victime de violences sexuelles.

Ainsi, quand les faits sont relatés par la victime directe, le fonctionnaire doit informer sans délai le procureur de la République, que l'adulte responsable de violence soit un enseignant ou une personne extérieure. L'agent doit également agir et informer l'inspection académique en cas de signes de souffrance de l'enfant, de témoignages indirects ou de rumeur « même si la situation est infiniment plus délicate dans cette dernière hypothèse ».

En effet, les ministres appellent à la prudence : « A une trop longue période de dénégation de la pédophilie ne doit pas [...] se substituer l'ère du soupçon à l'égard des personnels de l'Education nationale », d'autant plus que l'agresseur sexuel est neuf fois sur dix un membre de la famille proche et dans 10 % des cas une personne ayant autorité sur le mineur, telle qu'un enseignant ou un éducateur. Aussi, « il appartient à la communauté scolaire de redoubler de vigilance en ayant le double souci de la protection de l'enfant et de la présomption d'innocence qui s'attache à la personne mise en cause  ».

Les deux ministres rappellent que les violences sexuelles sont réprimées pénalement. Le cadre juridique général concernant ces infractions s'applique à tous et donc également aux fonctionnaires. Les textes qui définissent et répriment les principales infractions sont précisément analysés. La définition du viol est ainsi reprécisée, comme celle des agressions sexuelles (qui se distinguent du premier par l'absence de pénétration). La circulaire aborde également la question des atteintes sexuelles (attouchements) et de la corruption de mineurs (participation de mineurs à des ébats sexuels, même en tant que spectateurs, diffusion de documents à caractère pornographique), et de l'exploitation à caractère pornographique de l'image d'un mineur (enregistrement d'images de mineurs à caractère pornographique et détention individuelle de telles images).

« De manière générale, notent les deux ministres, la loi impose à chacun de ne pas se taire et d'agir face à un certain nombre de situations. » Ainsi, le code pénal fait obligation à quiconque ayant connaissance d'un crime d'en informer les autorités judiciaires. De même, il appartient à chaque personne ayant eu connaissance de mauvais traitements ou de privations infligés à un mineur de 15 ans d'en informer les autorités judiciaires ou administratives. En outre, la loi sanctionne toute personne qui, pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour elle ou pour un tiers, soit un crime (par exemple un viol) soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne, s'est abstenue volontairement de le faire. La loi stigmatise avec la même sévérité la non-assistance à personne en danger. »

De plus, le code de procédure pénale fait obligation au fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit d'en aviser sans délai le procureur de la République. Il est rappelé que les fonctionnaires tenus au secret professionnel (médecins, infirmières, assistantes sociales) « en sont déliés pour tous les faits de mauvais traitements ou de violences. En outre, les dispositions du code pénal réprimant la non-assistance à personne en péril leur sont toujours opposables. »

Claude Allègre et Ségolène Royal soulignent qu' « il est important de bien comprendre [qu'en saisissant le procureur de la République, l'agent]concerné ne fait que remplir son devoir de fonctionnaire et de citoyen  [...]. Il ne s'agit aucunement d'une délation. En effet, il n'est exigé de lui aucune appréciation personnelle sur le bien-fondé d'une telle accusation. Ce n'est pas son rôle mais celui de la Justice [...]. » Ainsi, il est rappelé que l'enseignant n'a pas à « valider d'une quelconque manière la parole de l'enfant » ou à vérifier, lui-même, les accusations portées, puisque, « à l'issue de la transmission effectuée par le fonctionnaire, le procureur de la République pourra saisir les services de police ou de gendarmerie dont la mission consiste à effectuer tous les actes nécessaires à la manifestation de la vérité (auditions, confrontations, saisies, perquisitions, etc.)  ».

De plus, l'enseignant doit essayer de repérer les signes de souffrance de l'élève pouvant indiquer qu'il a été victime de violences sexuelles (troubles du sommeil, du comportement, de l'alimentation), lui apporter une assistance morale et informer l'inspection d'académie. Dès lors que « les éléments objectifs portés à la connaissance des inspecteurs académiques apparaissent cohérents, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur une quelconque culpabilité de la personne soupçonnée, il convient d'aviser immédiatement le procureur de la République ».

Dans tous les cas, l'Education nationale doit apporter une assistance morale et matérielle à l'enfant victime et à sa famille, en étroite collaboration avec les services compétents (le conseil général et, en particulier, l'Aide sociale à l'enfance) avec lesquels des conventions ont déjà été signées dans le cadre de la loi du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'enfance.

Si la personne mise en cause est un enseignant, il importe de prendre des mesures conservatoires comme la suspension du fonctionnaire avec maintien du traitement. En cas de condamnation par un tribunal, le fonctionnaire peut être définitivement radié des cadres de la fonction publique. Claude Allègre et Ségolène Royal appellent même à une certaine sévérité : « [...] le sentiment d'impunité qui a conduit certains adultes à occuper des professions liées à l'enfance ne saurait perdurer. C'est pourquoi l'autorité disciplinaire ne devra faire preuve d'aucune faiblesse à l'égard de comportements qui sont totalement incompatibles avec l'exercice de la fonction enseignante et de la mission éducative ». Toutefois, « en cas de poursuites pénales, il est préférable d'attendre l'issue du procès pénal pour arrêter les mesures définitives dont l'agent doit faire l'objet », souligne la circulaire. En revanche, si les accusations portées se révèlent être sans fondement ou mensongères, le fonctionnaire concerné doit pouvoir compter sur le soutien de son administration, y compris s'il souhaite poursuivre en justice les auteurs des accusations.

Enfin, les deux ministres indiquent que l'ensemble de ces instructions est applicable aux établissements d'enseignement privé, sous réserve de quelques adaptations.

(Circulaire n° 97-175 du 26 août 1997, B.O.E.N., hors série n° 5 du 4-09-97)

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