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« ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ » EN MOUVEMENT

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Pour ses promoteurs, « Education et Société » constitue un mouvement d'éducation professionnelle autour de la citoyenneté et de la fonction éducative. Son coordonnateur, Bernard Cavat, précise ici l'approche politique et technique d'une initiative née au printemps (1).

« La neutralité du travail éducatif et social est un mythe. Son confinement à l'alternative étriquée de la seule fonction symbolique, accompagné d'un a priori d'inefficacité, ou de sa raison d'être essentielle en tant qu'appareil de contrôle social, n'est plus acceptable. Les professionnels du secteur socio-éducatif revendiquent, aujourd'hui, une légitimité à la critique sociale.

« Ils veulent par un engagement collectif, véritable mouvement politique, se donner les moyens de réflexion et d'action propres à modifier les conditions de leurs interventions auprès des usagers dans le cadre des missions institutionnelles reçues. La question du sens des actions doit être en permanence reposée dans un souci de meilleure prise en considération des personnes les plus en fragilité.

« L'approche éducative face aux responsabilités de la société implique une revendication de démocratie. C'est ce combat démocratique du respect de la place de chacun dans un idéal de liberté, d'égalité et de fraternité, qui peut et qui doit être mené.

« Les travailleurs sociaux, professionnels de l'éducatif et du social, souhaitent promouvoir une approche éducative de la démocratie. Il s'agit là d'une démocratie reconnaissant chaque individu comme acteur politique devant être respecté et entendu dans sa particularité. L'enjeu culturel du respect du mode de socialisation à travers une reconnaissance du libre arbitre de l'autre est d'importance. Encore faut-il que la société investisse les moyens nécessaires à cet accompagnement éducatif vers plus d'autonomie.

« La fonction éducative est indissociable du processus d'humanisation. Il semble important de rappeler la composante primordiale de la visée éducative des missions de prévention au sens large, de protection également  faute de celle-ci, les interventions socio-éducatives actuellement en place risquent de se résumer à des dispositifs de normalisation et de contrôle social. Cette crainte n'est pas à sous-estimer au moment où émergent des commandes sociales pour le moins ambiguës, en termes de confinement des adolescents fauteurs de troubles dont la violence et la délinquance sont mises en avant plus que leurs souffrances, en termes de “couvre-feu” pour les enfants de moins de 12 ans à travers des arrêtés municipaux de conduite au commissariat pour les jeunes traînant dans la rue après minuit.

« A ces ambiguïtés de la commande sociale se rajoutent la “rationalisation” et “l'harmonisation” des interventions socio-éducatives gérées au niveau des collectivités locales. Sous pression économique, l'ensemble des prestations et des interventions individualisées se voit réinterrogé au bénéfice d'actions de prévention plus collectives. Cette orientation au titre d'une complémentarité nécessaire pourrait être positive si elle ne se traduisait pas, dès maintenant, par de véritables no man's lands de rapport humain et d'engagement éducatif : les missions d'accueil et d'orientation confiées aux travailleurs sociaux les amènent à déserter les quartiers et les cages d'escalier, les dispositifs d'insertion se multiplient et se complexifient sans que les besoins d'accompagnement des personnes vers ces dispositifs soient réellement pris en compte.

« Enfin et surtout, qu'en est-il de la capacité de parole et de réaction des usagers face à des actions collectives et à des dispositifs administratifs sur lesquels ils n'ont pas prise ?

« Le droit à l'expression des usagers sur les prestations qui les concernent, leurs avis et leurs évaluations de la pertinence des actions mises en place doivent être respectés. Pour cela, les institutions disposent de moyens spécifiques, dans la réalisation des missions qui leur sont confiées  ces moyens peuvent être valorisés et encore développés dans un souci de “rendu compte” du sens des actions :conseils d'établissement, contradictoire judiciaire, prestations administratives de droit, etc.

« La technicité du travail éducatif et social ne peut s'affranchir de sa composante politique. L'émergence d'un espace potentiel de débat politique permanent entre les différents acteurs sociaux -usagers, professionnels, bénévoles, élus - est une des conditions pour éviter que le fossé ne se creuse entre les droits formels des citoyens et leurs droits concrets.

« L'élaboration d'une loi sur le renforcement de la cohésion sociale et la réforme de la loi de 1975 sont l'occasion de voir développer de grands thèmes de morale sociale et civique.

« Le respect des droits liés à l'exercice des libertés individuelles y est développé. Une prise en charge des personnes, privilégiant leur autonomie et leur insertion dans le respect d'un libre choix et d'un consentement éclairé, est garantie  ainsi que l'accès effectif de tous aux droits individuels et collectifs dans un ensemble impressionnant de domaines. Cela est bien ! Restent aux travailleurs sociaux la responsabilité morale d'une vigilance critique à la concrétisation, auprès des personnes concernées, de ce discours politique et, le cas échéant, le devoir d'interpellation des élus et des institutions.

« Ce devoir d'interpellation dans le cadre d'un débat politique permanent est le moteur du mouvement qui s'organise, aujourd'hui, au sein des professionnels du secteur socio-éducatif. Pour cela, une dynamique de décloisonnement doit s'opérer, permettant réflexions, mises en commun, élaborations entre professionnels de même formation ou de formations différentes, à l'intérieur des institutions et entre institutions. Cette dynamique d'échange repose actuellement sur l'existence d'organismes ou d'associations trop thématiques, leur volonté de fonctionner en réseau doit être encouragée. Les niveaux d'élaboration et d'organisation d'un tel courant de pensée pour le social doivent se multiplier : à l'échelon départemental, dans des rencontres interinstitutionnelles de type public-associatif  à l'échelon régional, dans le cadre de collectifs et de réseaux de professionnels engagés individuellement dans différentes instances  et à l'échelon national, au sein d'un mouvement coordonné et suffisamment organisé pour animer un véritable débat politique et technique, au moyen d'actions diverses en direction des instances politiques, des représentations institutionnelles et des médias...

« La dynamique est en route, le débat peut s'engager... »

Bernard Cavat DIRECTEUR DE SERVICE Coordination du mouvement Education et société. Contacts et réactions : Patrick Reungoat 9, chemin des Basrefoux - 49610 Sainte-Melaine/Aubance.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2017 du 4-04-97 et n° 2033 du 22-08-97.

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