Le garde des Sceaux, Elisabeth Guigou, a présenté, lors du conseil des ministres du 3 septembre, un projet de loi relatif à « la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs ».
Le précédent ministre de la Justice, Jacques Toubon, avait élaboré en début d'année un premier texte qui avait été largement critiqué, notamment par les syndicats de psychiatres (1). Un suivi post-pénal avec obligation de soins à l'issue de la détention était en effet prévu, mais ce texte n'avait pu voir le jour du fait du changement de majorité.
Le texte d'Elisabeth Guigou, qui s'inspire de ce projet, est construit autour de trois axes.
Un statut juridique pour les mineurs victimes d'infractions sexuelles. Il s'agit de mieux protéger les mineurs victimes d'atteintes sexuelles en préservant leurs droits dans les procédures judiciaires et en limitant les éventuels effets traumatisants de ces dernières.
Le délai de prescription des crimes et délits commis contre des mineurs sera allongé : celle-ci ne commencera à courir qu'à compter de la majorité de la victime. En outre, le projet élargit les possibilités de désigner un tuteur ad hoc pour les mineurs victimes en cas de possible conflit d'intérêt avec les personnes poursuivies. Sont également prévues une expertise médico-psychologique systématique ainsi que l'assistance d'une personne susceptible d'apporter au mineur victime de sévices sexuels un soutien moral et psychologique lors de ses auditions. Plus généralement, l'audition et la confrontation du mineur ne seront admises que lorsqu'elles sont strictement nécessaires à la manifestation de la vérité. La possibilité d'enregistrer les auditions de mineurs dès l'enquête pour éviter la multiplication des dépositions traumatisantes devrait faciliter le respect de ce principe.
Par ailleurs, les soins aux victimes de moins de 15 ans seront pris en charge à 100 % par la sécurité sociale.
L'institution d'une mesure de suivi socio-judiciaire. Afin de diminuer les risques de récidive, les personnes poursuivies pour des infractions de nature sexuelle pourront être soumises à une mesure de suivi socio-judiciaire d'une durée maximale de cinq ans pour les délits et dix ans pour les crimes. Ces mesures de surveillance et d'assistance, comportant notamment une injonction de soins (alors que le projet de Jacques Toubon prévoyait une obligation de soins), ne pourront être décidées que si une expertise médicale a établi que la personne était susceptible de faire l'objet de soins. Le suivi socio-judiciaire pourra être imposé par la juridiction de jugement ou par le juge de l'application des peines (JAP). Il devra être adapté à l'état du condamné, qui peut évoluer, particulièrement en cas d'incarcération de longue durée. C'est le JAP qui assurera la mise en œuvre de cette injonction de soins, en liaison avec le milieu médical. Un médecin coordonnateur servira d'intermédiaire entre le médecin traitant et le JAP.
Le condamné pourra en outre être soumis à des interdictions spécifiques, comme de paraître dans des lieux accueillant des mineurs ou d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs.
L'amélioration de la législation concernant les infractions portant atteinte à la dignité de la personne ou mettant en péril des mineurs. Il s'agit essentiellement de créer ou d'étendre les infractions dans les cas suivants :
- applicabilité de la loi française aux crimes ou délits sexuels commis contre des mineurs à l'étranger par des Français ou des personnes résidant habituellement en France
- qualification de circonstance aggravante pour l'utilisation du Minitel ou d'Internet pour entrer en contact avec la victime ou commettre l'infraction
- création d'un délit réprimant les comportements les plus graves d'atteinte à la dignité humaine commis au cours de bizutages. La peine maximale de 50 000 F d'amende et de six mois de prison pourra être aggravée si la victime est d'une vulnérabilité particulière
- répression accrue des délits de provocation d'un mineur à consommer des stupéfiants ou de l'alcool (ou à commettre ces délits) lorsque les faits sont commis à l'intérieur ou aux abords immédiats d'un établissement scolaire.
Enfin, un dispositif de contrôle administratif permettra au ministère de l'Intérieur d'interdire la diffusion aux mineurs de certains documents vidéo et jeux électroniques dont le contenu serait contraire à la dignité de la personne.
(1) Voir ASH n° 2009 du 7-02-97.