Intolérable. Tel est le jugement porté par le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées sur le nombre des mal logés. Lequel avoisine encore les 200 000, bien que les capacités d'hébergement d'urgence ou de logements d'insertion se soient accrues de 36 % depuis 1992. C'est le 2 septembre, en effet, que le Haut Comité présentait son quatrième rapport annuel (1). Il est désormais présidé par Xavier Emmanuelli, ancien secrétaire d'Etat à l'action humanitaire d'urgence dans le gouvernement Juppé en remplacement de Louis Besson devenu secrétaire d'Etat au logement (2).
Le constat est sans appel : malgré la « mobilisation renforcée des élus et des collectivités locales », grâce notamment à la mise en œuvre du plan d'urgence, le rapport note la diminution constante depuis 12 ans de l'effort de la nation pour le logement (aides fiscales incluses) . De 2 % en 1985, la part du PIB consacrée au logement est aujourd'hui inférieure à 1,7 %. C'est ainsi qu'en dépit de la loi du 31 mai 1990 et des mesures souvent très ciblées sur les personnes sans abri, « un nombre important de jeunes, de familles monoparentales, de ménages avec enfants, restent exclus du droit d'habiter un logement adapté à leurs ressources et à leurs besoins ». Il existe donc « des obstacles persistants à la mise en œuvre effective du droit au logement », relève le Haut Comité, citant entre autres l'inadaptation de l'offre de logements pour les personnes défavorisées, la faible efficacité des procédures d'attribution des logements sociaux et l'insuffisante mobilisation du parc privé (2 000 000 de logements vacants en 1995). Ce qui, s'alarme-t-il, conduit à « loger dans des structures d'hébergement d'urgence, à fort encadrement social, des personnes qui ne devraient pas en relever durablement car elles sont aptes à habiter un logement de droit commun ».
La situation est d'autant plus préoccupante que les ménages sont dans une précarité grandissante et que le pouvoir solvabilisateur des aides, malgré leur forte progression budgétaire, reste insuffisant. Pour le Haut Comité, il faut donc rompre le déséquilibre existant entre la pauvreté croissante de ces publics et une offre de logements à des niveaux de loyer de plus en plus élevés du fait de la disparition du parc social de fait et du coût élevé de la construction neuve.
Comment ? Outre la nécessité d'affecter au secteur des moyens supplémentaires, le Haut Comité propose de distinguer, dans la politique d'offre de logement social, les logements à bas loyer destinés aux personnes à faibles ressources et les logements d'insertion pour celles relevant en plus d'un accompagnement social. Par ailleurs, pour accroître l'offre, il importe de maintenir « un effort pluriannuel significatif » de mise sur le marché de logements destinés aux ménages les moins favorisés, qu'il s'agisse de constructions neuves ou d'opérations d'acquisition-amélioration. Avec un rythme « souhaitable » fixé par le Haut Comité à 40 000 par an pour atteindre, en cinq ans, 200 000 logements. Ce qui n'empêche pas ce dernier d'insister sur la nécessaire mobilisation du parc privé, notamment grâce à l'action de l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat pour la rénovation et la remise sur le marché de logements vacants.
Parmi les autres mesures, le Haut Comité propose de mieux connaître l'offre et la demande de logements, de renforcer la prévention des expulsions par des mesures législatives ou de définir « une instance dotée d'un pouvoir de décision et d'exécution » au niveau du bassin d'habitat. Enfin, conclut-il, si l'Etat doit rester « garant de la mise en œuvre du droit au logement », il importe également de définir un droit de recours pour les personnes qui, après un certain délai d'inscription comme demandeurs prioritaires, restent de fait exclues de celui-ci.
(1) Lever les obstacles au logement - Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées : 38, rue Liancourt - 75014 Paris - Tél. 01 43 21 68 33.
(2) Décret du 29 août 1997, J.O. du 30-08-97.