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« CACHER, NIER, CONTRÔLER, RÉPRIMER Les pratiques sécuritaires comme politique de jeunesse »

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Après les arrêtés anti-mendicité l'an dernier, ce sont les couvre-feux pour les moins de 12 ou 13 ans qui ont fleuri cet été dans certaines municipalités. A ces mesures qu'il juge « sécuritaires » , François Chobeaux répond « politique sociale et éducative » .

« Le printemps avait efficacement commencé avec des arrêtés municipaux interdisant aux jeunes de se réunir le soir, afin de ménager la tranquillité des riverains de quelques petites villes bien calmes. »

« L'été a suivi tout aussi efficacement quand quelques maires se sont forgé une célébrité aussi éphémère que contestable en inventant les arrêtés municipaux anti-mômes. Malheur aux moins de 12 ans surpris hors de chez leurs parents en fin de soirée, et honte à ces parents bien évidemment démissionnaires ! C'est qu'il est beaucoup plus facile, et démagogiquement rentable, de cacher ce que l'on ne veut pas gérer plutôt que de mettre en place de véritables politiques locales d'intervention sociale et éducative auprès d'enfants et d'adolescents : embauche de professionnels d'animation, programmes d'animation d'été, accompagnement des familles en difficulté... Quant à la protection des mineurs et à l'attention particulière à apporter aux enfants semblant en dérive, les professionnels d'action sociale n'ont pas attendu ces injonctions pour y être attentifs. Il en est de même de l'action de la police nationale, dont les syndicats ont dû rappeler que la protection des mineurs est une des tâches qu'elle accomplit régulièrement. Et pour revenir à la gestion des questions de jeunesse, nos élus locaux signataires d'arrêtés ne sont pas particulièrement célèbres pour la qualité, l'adaptation et la novation de leurs services municipaux enfance et jeunesse. A chacun les moyens de sa gloire... »

« Autre question d'animation et de jeunes en difficulté, les souffrances des stations balnéaires confrontées à la venue des hordes issues des cités telles qu'elles sont rapportées dans la presse comme chaque année. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir proposé aux maires du littoral du Languedoc-Roussillon et des Charentes de réfléchir bien en amont de l'été à des dispositifs d'accueil et d'animation liés à la venue légitime de ces jeunes. Il s'agissait simplement d'adapter à ces communes d'accueil, l'espace d'un été, les dispositifs connus et efficaces d'animation estivale mis au point dans les cités et les banlieues, et d'y réfléchir à la mise en place de lieux d'accueil multiples et d'effectifs limités, encadrés par des animateurs. Le choix de ces élus a été différent, et ils se sont tournés vers des renforcements des dispositifs de sécurité publique. Au risque de la caricature, l'option choisie est claire : plutôt l'escadron parachutiste et d'intervention de la gendarmerie nationale que des animateurs et des éducateurs compétents intervenant pour faire vivre des programmes globaux d'accueil. »

« Heureusement, les arrêtés anti-mômes ont été suspendus par le Conseil d'Etat. Mais le mal est fait, et la bonne vieille morale publique en sort renforcée : enfin des maires courageux qui ont osé prendre leurs responsabilités face à des parents irresponsables ! »

« Quant aux difficultés des stations balnéaires, tant qu'il leur sera plus simple d'obtenir des renforts de police ou de gendarmerie à la charge de l'Etat, que des moyens financiers pour mettre en place des actions efficaces limitées dans le temps, il y a fort à parier que des programmes d'accueil ne verront pas le jour. »

« Une réelle politique sociale et éducative est toujours moins visible qu'une bonne vieille politique du bâton, et beaucoup moins rentable électoralement tant que l'on brosse l'électeur dans le sens du poil. Mais le très court terme et le simplisme sont-ils de bonnes politiques ? »

François Chobeaux CHARGÉ DE MISSION JEUNESSE CEMEA : 76, boulevard de la Villette - 75019 Paris A publié chez Actes Sud Les nomades du vide.

Des couvre-feux contestés

En ordonnant ou confirmant le sursis à exécution de plusieurs arrêtés visant à interdire la circulation des enfants la nuit, pris au cours de l'été par certaines municipalités, le Conseil d'Etat a mis un point d'arrêt, au moins provisoire, à la polémique provoquée par ces mesures. Le maire de Dreux avait été le premier, le 7 juillet, à prendre un arrêté interdisant la circulation dans les rues de sa ville, entre minuit et 6 heures, aux enfants de moins de 12 ans non accompagnés d'une personne majeure ou ayant autorité sur eux. Instruction était donnée aux services de police de conduire ces jeunes au commissariat pour être remis à leurs parents. Plusieurs municipalités lui avaient aussitôt emboîté le pas, notamment celles de Sorgues  (Vaucluse), Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), Gien  (Loiret), Meyreuil (Bouches-du-Rhône) et Mérindol (Vaucluse). Des mesures qui ont provoqué de nombreuses réactions, parfois assez vives. Ainsi, pour l'Union nationale des associations familiales, si la présence d'enfants dans les rues la nuit « constitue un problème qui mérite une réponse sérieuse », il est à craindre que ces dispositions « soient perçues comme culpabilisatrices, attentatoires aux libertés et pouvant entraîner plus de dommages que de véritables réponses ». De même, au Syndicat national des personnels de l'éducation surveillée-Protection judiciaire de la jeunesse, où l'on se déclare indigné, on constate, « une fois de plus, que ces arrêtés relèvent de l'affichage politique, de l'intolérance, et prennent pour cible les familles les plus démunies ». A noter également les réactions agacées de plusieurs syndicats de policiers. Le Syndicat national des policiers en tenue a ainsi souligné qu'il n'ignorait « ni les règlements, ni les textes concernant la protection des mineurs, ni la conduite à tenir ». Quant à la Centrale unitaire de la police, elle ajoute que ces dispositions « ne réhabiliteront pas les policiers dans les quartiers et villes difficiles ». Même circonspection du côté des responsables politiques. Pour Jean-Paul Delevoye (RPR), président de l'Association des maires de France, ces arrêtés posent ainsi « un vrai problème, probablement avec des réponses insatisfaisantes ». Dans un communiqué commun, Ségolène Royal, ministre déléguée à l'Enseignement scolaire, et Jean-Marie Bockel  (PS), député-maire de Mulhouse, jugent, pour leur part, ce « couvre-feu » pour les enfants de moins de 12 ans « condamnable car la réglementation sur les mineurs en danger existe déjà ». « Si des enfants se trouvent dans la rue la nuit, c'est qu'il y a un problème familial à résoudre et donc un vrai partenariat à mettre en place », expliquent les deux responsables. Quant à Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, « inquiète du recours de plus en plus systématique des maires à leur pouvoir de police », elle plaide pour la mise en place, « en amont », d'actions de concertation entre les services de prévention et d'action sociale et les collectivités territoriales, et éventuellement la justice et la police, « afin de mettre en place une politique de prévention et de prise en charge sociale ». Enfin, interrogé sur RTL le 25 juillet, Lionel Jospin a estimé nécessaire de responsabiliser les familles et de régler plutôt ces questions « avec des éducateurs, avec des travailleurs sociaux, qu'en emmenant des enfants dans les commissariats de police ». De fait, certains professionnels, notamment en prévention spécialisée, tentent d'intervenir depuis déjà un certain temps auprès de ces enfants et de leur famille. Comme, par exemple, l'équipe du Relais 18 qui, dans le nord du XVIIIe arrondissement de Paris, travaille auprès d'un groupe de jeunes enfants (7-13 ans) qui passent le plus clair de leur temps dehors (voir notre reportage dans les ASH n° 1996 du 8-11-96). J.V.

Tribune Libre

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