Alors que l'adoption internationale représente aujourd'hui les deux tiers des adoptions en France, aucune étude empirique récente n'a été faite sur le sujet. D'où l'intérêt de cette recherche effectuée pour le Fonds d'action sociale et le ministère de la Justice, menée sur deux ans (1994-1996) sur la thématique « Familles et jeunes étrangers adoptés, lien de filiation et devenir » (1). Celle-ci offre le mérite d'analyser les comportements et les représentations des adoptants d'enfants venus de l'étranger en les mettant en relation avec l'état actuel du droit. Il s'agit en effet d'éclairer deux questions : l'adaptation des dispositions françaises à l'évolution sociologique récente et celle des « attentes de droit » des adoptants et adoptés.
C'est ainsi qu'à partir d'une enquête auprès de 60 familles adoptives et de dossiers d'archives judiciaires, l'étude s'intéresse aux motivations des postulants. Si celles-ci sont extrêmement diverses selon leurs histoires personnelles, la cause principale de l'adoption plénière reste la stérilité du couple alors que celle de l'adoption simple concerne le désir de « concrétiser juridiquement des liens affectifs » tissés avec l'enfant de son conjoint, d'un autre membre de sa famille ou d'amis. Mais, au-delà des motivations, l'enquête examine la façon dont les adoptants ont vécu les rencontres avec les différents professionnels évaluant leur capacité d'accueil d'un enfant. Selon la personnalité des candidats, ces entretiens sont perçus très différemment : pouvoir exorbitant de l'assistante sociale, sentiment d'être jugé ou d'être trahi dans les propos, rôle du professionnel ressenti comme inquisiteur... Toutefois, les adoptants apprécient ces rencontres « lorsqu'elles ont un effet constructeur pour leur cheminement personnel ». C'est au cours de celles-ci qu'ils émettent leurs vœux sur l'enfant désiré : non seulement son âge, sa santé, mais encore sa nationalité, certains pays (l'Asie, l'Europe et l'Amérique) étant privilégiés. L'adoption d'un enfant du Maghreb ou d'Afrique restant beaucoup plus difficile.
La réforme de 1996 (2) apporte des modifications de la procédure d'agrément. Mais, si les modalités de l'agrément sont similaires pour tous les candidats à l'adoption interne et internationale, « rien n'assure qu'il n'y aura pas d'inégalités de traitement d'un département à l'autre », est-il relevé. Et bon nombre d'adoptants insistent sur la nécessité que le refus d'agrément soit mieux motivé. Certains soulignant l'excessive valeur accordée au cadre matériel des familles au détriment de l'environnement affectif. D'où la nécessité pour les auteurs de l'étude d' « une formation spécifique » pour les professionnels en vue d'une meilleure préparation des candidats à l'adoption.
Si l'agrément permet aux demandeurs de s'adresser à un organisme autorisé pour l'adoption, les candidats peuvent également contacter directement un organisme d'Etat au pays d'origine de l'enfant ou une institution privée. Une « démarche individuelle » qui concerne environ deux tiers des personnes adoptant un enfant né à l'étranger. L'enquête mettant en évidence les trajectoires très diversifiées des candidats dans leurs formes (par organisme autorisé pour l'adoption ou par voie individuelle) mais aussi en fonction du statut de chacun. Ne serait-ce que parce que les postulants handicapés, trop jeunes ou trop âgés sont exclus de certains circuits à l'adoption.
Quant à l'analyse des dossiers des tribunaux, elle montre « un clivage entre les caractéristiques des adoptants plénièrement [plus le fait d'un couple] et celle des adoptants simplement [plus le fait d'un conjoint dans un couple] ». Sur les caractéristiques des adoptés, l'enquête relève un équilibre entre les garçons et les filles avec néanmoins une supériorité pour les secondes en cas d'adoption plénière. Elle confirme en tout cas l'idée que les candidats à l'adoption veulent adopter un enfant « à condition qu'il ne présente pas un handicap physique ». Même si une évolution semble s'amorcer en faveur de l'accueil d'un enfant de plus en plus grand.
La recherche, qui aborde également les difficultés liées aux conflits de lois, évoque aussi « l'espace identitaire » de la famille adoptive. Les adoptants soulignent en effet les problèmes d'intégration, d'éducation et de stigmatisation vécus par leur enfant. « Confrontées en permanence à ces réalités, les familles adoptantes ne veulent ni un statut de super-parents, ni un statut de sous-parents », relèvent les auteurs. Mais il faut sans doute « les aider à intégrer que tout problème rencontré par leur enfant adopté n'est pas toujours lié au fait d'être adopté ». D'ailleurs, les adoptants expriment leur souhait d'avoir des lieux encadrés par des professionnels où parents biologiques et/ou adoptifs échangeraient leurs expériences.
En conclusion, les auteurs se réjouissent que la réforme du 5 juillet 1996 ait inscrit désormais au cœur du dispositif juridique l'adoption internationale. Néanmoins, « de nombreux points restent encore à définir », certaines circulaires étant obsolètes. Et surtout, regrettent les chercheurs, la réforme n'a pas résolu la question du secret des origines.
(1) Réalisée sous la direction de Mme E. Rude-Antoine et publiée dans Migrations Etudes n° 71 - ADRI : 4, rue René-Villermé - 75011 Paris - Tél. 01 40 09 69 19.
(2) Voir ASH n°1987 du 6-09-96.