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Promouvoir un autre regard sur la vieillesse

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Pour améliorer le respect de l'individualité et des choix de vie des personnes âgées, la Fondation de France encourage des solutions qui prennent en compte les soins et l'accompagnement dans la dignité. Mais aussi l'ancrage dans l'environnement et les liens avec l'entourage.

Chez ces gens-là, chantait Jacques Brel en parlant de « l'ancêtre », « on n'écoute même pas ce que ses vieilles mains racontent ». Parce que, familles et professionnels, on est tous peu ou prou « ces gens-là », la Fondation de France s'emploie, depuis plusieurs années, à promouvoir un autre regard sur la vieillesse. Ce qui se traduit par un certain nombre de pratiques susceptibles de répondre, de façon plus adaptée, aux besoins et attentes des personnes âgées, qu'elles vivent à domicile ou en institution. Pour faire connaître ces initiatives françaises ou européennes originales, deux journées de rencontre ont récemment été organisées à Saint-Etienne (1).

« La découverte qu'il y avait des vieux en France est relativement récente », affirme Sylvie Tsyboula, initiatrice des actions personnes âgées de la Fondation de France. C'est en 1962, avec le rapport du Haut Comité de la population et de la famille - le rapport de Pierre Laroque -, qu'a eu lieu cette brutale prise de conscience, dont sont issues la gérontologie et la gériatrie. « On a commencé à compter les vieux, explique Sylvie Tsyboula, à s'apercevoir également que toutes les catégories socio-professionnelles ne vieillissaient pas de la même manière. On a découvert aussi ces hospices où s'entassaient les personnes vieilles et laides. » Dans la foulée, devait souligner en introduction la pétulante quinquagénaire, des pionniers comme Yves Delomier, président de l'Office stéphanois des personnages âgées  (OSPA), se sont mis au travail et n'ont eu de cesse d'innover.

Le retraité : un pont entre les générations

Poursuivant son travail de fond sur le vieillissement, dans une perspective plus socio-culturelle que médico-sociale, l'OSPA a récemment fondé l'Ecole de l'âge, projet pilote soutenu par l'Union européenne. « Comment apprendre à bien vivre son vieillissement, voire à aimer sa vieillesse, dans une société qui considère si peu ou si mal les vieux ? », s'interroge Germaine Chanut, responsable de l'OSPA. Se concevant comme un lieu de solidarité entre tous les âges de la vie, en particulier à l'intérieur de celui que l'on qualifie de « troisième », l'Ecole de l'âge, animée par des retraités bénévoles, vise à aider les individus à apprivoiser leur vieillissement et à jouer un rôle de pivot entre les générations, les retraités étant invités à partager un peu de leur temps avec des personnes très âgées comme avec les plus jeunes. De l'âge de l'école à l'Ecole de l'âge, commente Germaine Chanut, le but est, à chaque étape de sa vie, de se réconcilier avec sa date de naissance en apprenant à vieillir.

Savoir, avec finesse, entendre les besoins des personnes âgées, revient notamment à prendre en compte leur désir de rester, le plus longtemps possible, à leur domicile. Pour y contribuer, l'Association haut-rhinoise d'aide aux personnes âgées a créé, en 1996, un service de garde itinérante de nuit : le Fanal. Destiné aux personnes âgées ou handicapées qui n'ont pas besoin d'une présence nocturne permanente, celui-ci intervient ponctuellement, entre 19 h 00 et 7 h 00, soit à la demande, sur simple appel au téléphone mobile de la garde - qui n'est pas une soignante -, soit de manière préalablement programmée, pour un passage de sécurité. Moyennant un abonnement hebdomadaire ou mensuel - ce dernier est de 290 F, et chaque intervention d'une demi-heure en semaine coûte 67 F -, le Fanal fonctionne actuellement sur trois sites - Mulhouse, Saint-Louis et Colmar, soit 20 communes -, qui disposent chacun d'un véhicule et d'un téléphone.

Vieillir chez soi

Le relais Sépia, ouvert fin 1994 à Descartes, dans le sud de la Touraine, constitue un autre type de structure souple, visant à favoriser le maintien à domicile des personnes du grand âge, particulièrement celles dépendantes. Pour faire face à leurs difficultés et offrir à leur entourage un relais dans leur soutien quotidien, ce centre de ressources propose soit un accompagnement par le biais d'un réseau bénévole et professionnel local, soit un accueil temporaire. Non médicalisé, celui-ci va de quelques jours à quelques semaines, le temps de reconstituer l'autonomie qui permet de rester chez soi ou, si les dépendances sont trop importantes, de préparer une entrée en établissement. Maison où l'on vient et revient avec plaisir - 30 % des personnes accueillies sont des habituées -, le relais Sépia est à la fois un appui pour l'entourage sur le long terme (séjours en alternance) et un lieu qui permet de resocialiser des personnes souffrant souvent d'isolement. « C'est aussi, souligne son promoteur François Chaillou, un moyen de gérer une situation de crise : le séjour est un moment privilégié pour organiser une vie à domicile dans de meilleures conditions ou pour préparer l'entrée en institution. »

Entre le domicile et l'institution, la pratique réglementée par la loi du 10 juillet 1989 de l'accueil familial reste encore relativement méconnue. Suivies par des professionnels - médecin, infirmière, kinésithérapeute, assistante sociale -, les personnes âgées vivent, souvent à plusieurs, dans une famille dont elles partagent le quotidien : présence d'enfants petits ou visite des grands, conversations, épluchage des pommes de terre, etc. « Ici, on est bien, comme chez soi », résume avec bonheur l'une des intervenantes filmées par Carole Roussopoulos pour la Fondation de France (2). Inégalement développée selon les départements, cette formule semble aussi convenir aux familles d'accueil. Pourtant celles-ci vivent dans une relative précarité. Liées par un contrat de gré à gré avec les personnes hébergées - et rémunérées de 180 F à 230 F brut par jour (dont il faut déduire les cotisations sociales de la part correspondant au salaire)  -, elles n'ont en effet pas d'ouverture de droits au chômage ni aux congés payés. Et si elles souhaitent partir en vacances, elles doivent aussi, comme toute famille ayant à sa charge une personne âgée dépendante, trouver à se faire remplacer.

Vieillir comme chez soi

Offrir aux personnes âgées qui ne peuvent rester à leur domicile la possibilité de vieillir « comme chez soi », est aussi l'ambition des petites unités de vie insérées dans la cité. Ainsi, au cœur du village, la maison d'accueil de Saint-Didier-sur-Rochefort, dans la Loire, permet aux anciens de rester au pays, tout en bénéficiant d'un accompagnement adapté. Favorisant les relations avec les familles, qui peuvent venir quand elles le veulent, et avec l'ensemble du village, convié à partager temps d'échange et moments de fête, la maison Saint-Joseph, ouverte en 1991, accueille 17 pensionnaires qui participent, selon leurs possibilités, aux activités quotidiennes : courses, préparation des repas, jardinage, promenades, ateliers divers. Autre exemple d'une meilleure prise en compte de la qualité de vie : la restructuration récente des 200 lits d'un centre hospitalier de long séjour dans la banlieue de Saint-Nazaire. Entre janvier 1995 et mai 1997, celui-ci a éclaté pour se métamorphoser en petites unités de 12 à 15 personnes. Spécifiées par type de dépendances et implantées, pour une partie d'entre elles, non plus sur le site hospitalier mais à proximité des lieux de vie - écoles, marchés, cafés, églises -, ces structures à taille humaine visent à ne pas ajouter la désinsertion sociale à un cortège de handicaps (physiques et/ou psychiques) déjà difficiles à vivre. « Ces vieux dépendants qui viennent nous rappeler que la vie a une fin et que cette fin n'est pas toujours brutale ou digne, ces vieux qu'il faut encore soigner, voudrait-on ne plus les voir ? », se demande le Dr Philippe Leroux, à l'origine de cette initiative. Lequel stigmatise les « ghettos aseptisés » où l'on envoie encore trop souvent les personnes âgées.

Les limites du modèle hospitalier

Pour offrir aux sujets âgés des conditions de vie et de fin de vie respectueuses de leur identité de personne - et pas seulement de corps qu'on lève, qu'on lave et qu'on soigne -, le meilleur moyen est d'essayer de se projeter soi-même dans l'avenir : comment est-ce que j'aimerais vivre dans le même cas ? C'est parce qu'il a su se poser cette question que le psycho-gérontologue néerlandais Niek de Boer a imaginé une unité de vie pour des personnes atteintes de démence sénile. Nourri de la réflexion menée sur les soins palliatifs et le refus de la médicalisation à outrance, celui-ci est convaincu de l'inutilité de faire vivre les personnes âgées démentes dans d'énormes structures hospitalières, « alors que nous, médecins, savons qu'on ne peut pas les guérir ». Le centre Anton Pieckhofje qu'il a ouvert à Haarlem, est constitué de six petites maisons, construites autour d'une cour intérieure. Chacune accueille six personnes, accompagnées de professionnels présents en permanence pour les aider si nécessaire, mais qui vivent ensemble le plus normalement possible. Entourés de leurs meubles et objets familiers, de leurs animaux domestiques, le cas échéant, ces résidents participent au fonctionnement de leur maison (cuisine, courses, ménage) et les familles peuvent partager activement leur quotidien. Qualité de vie meilleure et qualité de soins au moins aussi bonne qu'en clinique psycho-gériatrique pour des coûts légèrement inférieurs. Une évaluation scientifique, menée par l'université d'Amsterdam, conclut à l'intérêt d'un tel projet qui a d'ores et déjà commencé à faire école aux Pays-Bas.

Plus qu'à un changement d'échelle en termes de nombre de résidents accueillis, c'est à un véritable changement de philosophie qu'en appelle Niek de Boer. Délaissant la médicalisation pour se centrer sur la vie, ce nouveau modèle est actuellement promu au niveau européen par un réseau créé en octobre 1995, à l'initiative du médecin néerlandais et de Marie-Jo Guisset, responsable du programme personnes âgées de la Fondation de France. Compte tenu du nombre important de personnes âgées atteintes d'une démence de type Alzheimer, le « TTS Group »  - Training, Teaching and Support (Formation, Enseignement et Soutien)  -, animé par des professionnels et des chercheurs anglais, espagnols, danois, néerlandais et français, a élaboré un programme destiné à toucher un public aussi large que possible : familles, professionnels et bénévoles, intervenant au domicile ou en institution  (2). Considérant la personne qui souffre de démence comme un sujet vivant en relation avec d'autres et ayant un rôle à jouer dans sa propre prise en charge, le programme expérimental TTS s'est fixé pour objectif de définir des « bonnes pratiques » destinées à faire évoluer l'accompagnement des personnes atteintes de démence. La philosophie du groupe TTS illustre bien l'éthique actuellement défendue par un certain nombre d'innovateurs. Comme aime à le souligner Yves Delomier, avec les personnes âgées, « nous devons être fins dans l'intelligence de leur passé, chaleureux et délicats dans notre approche de leur personne, vigoureux dans la défense de leurs libertés, éventuellement brutaux dans la lutte pour des conditions de vie qui répondent à leurs besoins ».

Caroline Helfter

Notes

(1)   « Nouveau regard sur la vieillesse », les 12 et 13 juin, rencontres proposées, en collaboration avec l'Office stéphanois des personnes âgées, par la Fondation de France : 40, rue Hoche - 75008 Paris - Tél. 01 44 21 31 31.

(2)  L'accueil familial : vieillir comme chez soi - Vidéocassette VHS couleur de 16 mn (1996)  disponible à la Fondation de France - 300 F (+ frais de port).

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