L'Assemblée nationale a voté la confiance au gouvernement de Lionel Jospin, jeudi 19 juin, par 297 voix contre 252. Dans sa déclaration de politique générale, au cours de laquelle il a égrené 45 mesures, le Premier ministre a proposé aux Français un « nouveau pacte républicain » et un « pacte de développement et de solidarité ». Si la première partie de son discours consacrée au pacte républicain « fondé sur le retour aux sources de notre République » et la« modernisation de notre démocratie » a séduit et convaincu, la seconde partie concernant la politique économique est apparue beaucoup plus vague du fait des contraintes budgétaires. Aussi, le chef du gouvernement a-t-il renvoyé à l'automne l'annonce de la plupart de ses choix économiques et sociaux. Pour l'heure, il attend de connaître les résultats de l'audit que lui remettront, le 21 juillet, Philippe Nasse (secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale) et Jacques Bonnet (conseiller à la Cour des comptes). Et ce n'est qu'à l'automne que le gouvernement présentera au Parlement - dont la rentrée sera anticipée en septembre - un collectif budgétaire. Mais « les premières indications laissent penser que la situation des finances publiques est sérieuse », a indiqué Lionel Jospin. « La voie est étroite » et il « faudra du temps et de la persévérance » pour réussir face à des « problèmes et des situations très difficiles »,a-t-il averti. Prudemment, le Premier ministre inscrit donc son action sur la durée de la législature tout en se voulant fidèle à ses engagements :« Il n'y aura ni pause, ni recul, ni reniement. »
« Le retour de la priorité à l'éducation, abandonnée depuis 4 ans, est une priorité nationale », a déclaré Lionel Jospin qui entend ainsi faire de cette question l'un des axes forts de son action.
« L'école est le berceau de la République. Outre sa mission d'instruction, elle doit assurer l'apprentissage du civisme », a-t-il d'abord rappelé, énonçant les « valeurs républicaines » pour lesquelles il faut« dès l'enfance, faire naître et vivre durablement un profond sentiment d'attachement » : laïcité, respect de la chose publique, adhésion à une citoyenneté active et responsable, ensemble indissociable de droits et de devoirs. A cet effet, des mesures seront prises pour que soient « enseignées et pratiquées non seulement l'instruction civique mais aussi la morale civique ». C'est aussi dans cet esprit, et afin de faire participer les jeunes (en particulier des« quartiers ») à la vie démocratique, que « l'inscriptionde chaque citoyen sur les listes électorales sera rendue automatique l'année de sa majorité ».
Par ailleurs, afin d'assurer l'égalité entre établissements scolaires, le locataire de Matignon a annoncé que des « moyens supplémentaires » seraient mobilisés dès la prochaine rentrée scolaire pour les zones d'éducation prioritaire. « Il faut donner plus de moyens lorsque la tâche est plus difficile, encadrer davantage lorsque la contrainte sociale est plus grande », a-t-il expliqué. En outre, s'est engagé Lionel Jospin, « l'Etat assumera toutes ses responsabilités pour qu'aucun enfant ne soit plus - pour des raisons financières - exclu de cantine scolaire ». Quant aux« situations les plus difficiles créées par les fermetures de classe », des instructions sont données pour qu'elles soient réexaminées dès la rentrée. Un inventaire, département par département, sera réalisé, a indiqué Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, surtout concernant les collèges et les lycées. Par ailleurs, celle-ci a préconisé un renforcement de la médecine scolaire.
Enfin, pour l'université, la mise en place d'un« plan social étudiant permettra à tous de travailler dans des conditions matérielles convenables ». Si le ministre de l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie n'a pas fixé le calendrier de mise en œuvre de ce plan, il a toutefois précisé qu'il n'excluait pas une augmentation sensible des bourses, l'an prochain.
En présentant ses principaux objectifs, le 24 juin, Claude Allègre a insisté notamment sur la nécessité de lier davantage formation initiale et formation continue. « Mon grand projet, s'est-il exclamé, c'est que chacun puisse toute sa vie continuer d'évoluer et de progresser. » Enfin, il a plaidé pour que la science ne devienne pas un moyen de sélection : « La citoyenneté, c'est aussi que le savoir ne fabrique pas des ghettos intellectuels. » « L'école de Jules Ferry est périmée, a-t-il affirmé :On ne peut plus considérer qu'il y a d'un côté, l'école où l'on apprend tout, définitivement, puis la vie où l'on applique des connaissances. »
Recevant les organisations syndicales représentatives, Claude Allègre et Ségolène Royal ont annoncé, le 23 juin, la constitution de cinq groupes de travail paritaires afin de préparer la rentrée et les mesures d'urgence. Les thèmes retenus sont : le plan jeune et sa place dans le dispositif de lutte contre la violence les rythmes éducatifs, les programmes et les nouvelles technologies les personnels administratifs et techniques le développement de la recherche et de la technologie le statut social étudiant.
En abordant l'immigration, dès les premières minutes de son discours, le Premier ministre a voulu montrer qu'il entendait en faire un symbole de sa politique. « Rien n'est plus étranger à la France que le discours xénophobe et raciste », a-t-il notamment affirmé, indiquant que « la France doit définir une politique d'immigration ferme et digne sans renier ses valeurs, sans compromettre son équilibre social ». C'est ainsi qu'il a exprimé son intention de rétablir le droit du sol (qui permet d'acquérir la nationalité par la naissance sur le territoire français) « consubstantiel à la nation française », sans donner toutefois plus de précision.
Par ailleurs, confirmant en cela ses promesses de campagne, il a annoncé « un réexamen d'ensemble » de la législation sur la nationalité, le droit des étrangers et l'immigration, « législation rendue complexe et parfois incohérente par trop de modifications successives ». Car la République doit accueillir ses hôtes « selon ses lois, qui doivent être claires et précises », a-t-il souligné. Une mission interministérielle, réunissant des représentants des ministères de l'Intérieur, de l'Emploi et de la Solidarité et de la Justice, pilotée par Patrick Weil, directeur de recherches au CNRS, devra ainsi présenter ses conclusions d'ici à 2 mois, en vue de la préparation d'un projet de loi à la prochaine session parlementaire. Auparavant, comme le Premier ministre l'avait déjà annoncé le 2 juin (1), une circulaire a été adressée le 25 juin aux préfets afin de définir les conditions de régularisation de certains étrangers en situation irrégulière (voir ce numéro).
Néanmoins, si « une politique d'intégration républicaine, déterminée et généreuse, propre à recueillir l'assentiment de nos concitoyens » doit être mise en œuvre, Lionel Jospin a tenu à préciser que l'immigration irrégulière et le travail clandestin « qui n'est pas le seul fait des étrangers », doivent être combattus sans défaillance.
Parmi les nombreux sujets de préoccupation du garde des Sceaux, la détention provisoire (1). Interrogée par le journal Le Monde (du 24 juin), Elisabeth Guigou a ainsi souligné qu'il fallait réfléchir à la possibilité de confier la décision du placement en détention provisoire à « une collégialité et/ou de faire en sorte que le juge qui instruit ne soit pas celui qui met en détention ». Néanmoins, aucune nouvelle réforme ne sera menée sans concertation, a-t-elle précisé aussitôt. La ministre a ajouté qu'elle comptait reprendre certains chantiers engagés par le gouvernement précédent. A ce titre, elle souhaite que le texte sur la réforme de la cour d'assises, dont certaines dispositions (motivation des décisions et âge des jurés) doivent être revues, soit voté avant la fin de l'année. Quant au projet de loi « renforçant la prévention et la répression des atteintes sexuelles contre les mineurs et des infractions portant atteintes à la dignité de la personne » qui avait soulevé de vives critiques de la part de certains psychiatres (2), s'il contient de« bonnes mesures »,« l'obligation de traitement pose problème », a reconnu Elisabeth Guigou. Laquelle a évoqué aussi le problème des délais de prescription dans les affaires de violences sexuelles sur mineurs.
Par ailleurs, le garde des Sceaux a exprimé son intention d'améliorer « l'équilibre entre les procédures judiciaires proprement dites et les démarches de médiation permettant une solution rapide » des conflits. Enfin, elle a affirmé que le gouvernement tiendra l'engagement du Parti socialiste decréation d'un contrat d'union civileréclamé notamment par les mouvements homosexuels (3).
« La justice doit être indépendante et impartiale », a déclaré Lionel Jospin, réaffirmant que le Conseil supérieur de la magistrature « doit assurer à la carrière des magistrats du parquet les mêmes garanties qu'à celles des juges du siège ». De même, sans attendre la remise des conclusions de la commission Truche, prévue pour la mi-juillet (4), il a assuré, concernant le rôle du garde des Sceaux, que« dès aujourd'hui », celui-ci ne donnera plus aucune instruction « de nature à dévier le cours de la justice »concernant des affaires individuelles. Quant aux projets de nomination de magistrats du parquet qui recueilleraient un avis défavorable du Conseil supérieur de la magistrature,« ils ne seront pas maintenus par le gouvernement ». Les procureurs généraux et les procureurs seront ainsi« comptables devant les citoyens » de la responsabilité d'un exercice« équitable et non partisan de l'action publique ».
Autre objectif du Premier ministre :l'égalité des citoyens devant la justice. Dans ce but, il entend « adapter la carte et l'organisation judiciaires en favorisant la proximité, faciliter l'accès des citoyens à la justice et leur accueil dans les tribunaux, et rechercher la simplification et l'accélération des procédures ». Autant d'objectifs pour lesquels de nouveaux moyens « seront dégagés » a-t-il indiqué, sans toutefois donner davantage de détails.
« L'insécurité menace d'abord les plus faibles, notamment les personnes âgées et les plus démunis d'entre nous », a martelé Lionel Jospin, insistant, en premier lieu, sur la nécessité d'assurer la sécurité des enfants, notamment à l'école« où la situation s'est dégradée de manière inacceptable ces dernières années ». Un « plan spécial contre la violence » dans les établissements scolaires sera d'ailleurs mis en œuvre à la rentrée de septembre. « On ne peut accepter une société dans laquelle il y aurait d'un côté des quartiers protégés et de l'autre des zones de non-droit », a-t-il ajouté, par ailleurs, annonçant le renfort, pour la police nationale, de 35 000 « emplois de proximité ». Une mesure directement issue du rapport sur la sécurité nationale, élaboré en février dernier par le Parti socialiste. Dans ce document, il était prévu que ces emplois de proximité s'inscrivent « dans le cadre de contrats locaux de sécurité passés avec les maires ».
Lionel Jospin a fixé comme priorité de l'action gouvernementale l'emploi, misant sur « le retour à une croissance durable » et également « un modèle de développement plus solidaire ». Ce qui n'exclut pas, néanmoins, la nécessité d'une action volontariste de création d'emplois. Celle-ci constituant « à la fois, une exigence immédiate et une œuvre de longue haleine ». Pour parvenir à cet objectif, le Premier ministre compte sur son programme de « 700 000 jeunes », la réduction négociée du temps de travail et l'aide à la cessation d'activité. Tandis que l'autre volet de son action porte sur la limitation des suppressions d'emplois dans le secteur privé et public. Si ces orientations sont conformes à ses engagements de campagne électorale, Lionel Jospin est néanmoins resté très flou sur le détail des mesures. Par exemple, sur la question de l'égalité professionnelle hommes-femmes, il s'est contenté d'affirmer, dans une formule extrêmement vague, que « le mouvement sera repris ».
Lionel Jospin s'est adressé, le 24 juin, aux préfets de régions et de départements« en tant que dépositaires de l'autorité de l'Etat et garants des lois »pour leur présenter les axes de la politique qu'ils auront la « charge d'expliquer et de mettre en œuvre ».
L'Etat doit être « impartial ». Aussi, le chef du gouvernement attend-il que le contrôle de la légalité des actes des collectivités territoriales et le contrôle budgétaire soient exercés « sans faiblesse quel que soit l'élu en cause ».
Estimant que l'Etat doit être « accessible au citoyen », il demande aux préfets de porter une « attention personnelle à l'accueil du public dans sa diversité et à rechercher les moyens de mieux répondre sur ce point à l'attente de nos concitoyens, qui est grande ». Lionel Jospin entend que l'Etat soit réformé « parce que le monde et la société changent, parce que de nouvelles technologies apparaissent, parce que les administrations ne peuvent échapper, comme toutes les organisations, à la recherche de la plus grande efficacité au moindre coût ».
Le Premier ministre a affirmé que les exigences de« proximité, rapidité, adaptation, rendent nécessaires la déconcentration administrative ». Aussi, le« mouvement engagé doit se poursuivre », a-t-il prévenu en expliquant que « la globalisation de certains crédits, la reconnaissance d'une compétence de droit commun des préfets pour les décisions individuelles vont dans la bonne direction ». Si de« nombreux textes » ont conforté le rôle des représentants de l'Etat dans la gestion de l'administration territoriale de l'Etat, le chef du gouvernement n'exclut pas que soient prises de nouvelles dispositions, si nécessaires. Il demande néanmoins aux préfets « de faire d'abord en sorte que celles qui existent soient pleinement appliquées ».
S'il a évoqué comme « priorité absolue » l'emploi des jeunes, Lionel Jospin ne s'est guère étendu sur ce chapitre, pourtant un sujet central de sa campagne. Pour mener à bien le programme de « 700 000 jeunes » qu'il avait annoncé, il a ainsi indiqué, sans autres précisions, que la ministre de l'Emploi et de la Solidarité devrait, dès les prochains jours, en liaison avec les autres ministères concernés, recenser les activités et les emplois à développer. Il s'agit, selon Martine Aubry, à partir de la création de 350 000 emplois jeunes dans le public et 350 000 dans le privé sur 5 ans, de « faire émerger des nouveaux métiers » liés « aux services aux personnes, à l'environnement, à la qualité de vie » (accompagnement scolaire des enfants en difficulté, agents d'ambiance pour la sécurité...). L'objectif, précise-t-elle, étant d'éviter de refaire « des contrats emploi-solidarité nouvelle formule » pour répondre à des besoins non couverts parce que non solvables par de vrais emplois payés au SMIC. Concrètement, des appels d'offres locaux très décentralisés devraient être ouverts aux collectivités locales, aux associations et au secteur privé.
Autre volet majeur du programme gouvernemental, la réduction du temps de travail sans perte de salaire annonce le retour de l'Etat dans la politique sociale. C'est ainsi que les syndicats et le patronat doivent se retrouver, en septembre, pour « établir un cadre général et débattre de tous les aspects de ce processus », lors d'une conférence nationale sur les salaires, l'emploi et le temps de travail. Le Premier ministre ayant pris soin de préciser qu'un « travail préparatoire approfondi » serait conduit, dès cet été, avec les partenaires sociaux. Il s'agit d'aboutir, à l'issue de cette conférence, à une loi-cadre ramenant la durée légale du travail à 35 heures « avant la fin de la législature », limitant les recours abusifs aux heures supplémentaires et favorisant « le temps partiel choisi ». Loi qui devrait ensuite servir de base aux négociations dans les différentes branches professionnelles et les entreprises. Lionel Jospin a ajouté que l'Etat pourrait apporter son appui, « notamment financier », aux entreprises de main-d'œuvre et à celles qui concluent « des accords innovants ».
Pour favoriser l'insertion des jeunes, Lionel Jospin a également l'intention d'étendre le dispositif des préretraites contre embauches (ARPE) mis en œuvre à titre expérimental dans le privé. Ce système, initié en 1995, qui permet des départs en préretraite pour les salariés de moins de 60 ans ayant cotisé 40 ans ou plus, en échange de l'embauche de jeunes, expire fin 1998 (5). Le Premier ministre, qui souhaite le pérenniser et l'étendre aux salariés dès 40 ans de cotisation (sans condition d'âge) et aux chômeurs, a indiqué que l'Etat ouvrirait « très vite » une négociation avec les organisations syndicales et patronales « pour élargir les possibilités existantes ».
La démocratie ne doit pas s'arrêter « aux portes de l'entreprise », a également martelé le Premier ministre. Aussi, laréforme du droit du licenciement économiquesera-t-elle également l'un des grands chantiers de Martine Aubry. C'est ainsi que celle-ci est chargée, dans la perspective de l'élaboration d'un projet de loi, de réexaminer la législation afin de protéger les salariés d'une précarité excessive mais aussi de lever « les incertitudes juridiques pour les entreprises ». « Le plan social ne doit être qu'une solution de dernier recours, envisagée au terme d'une véritable négociation », a ainsi expliqué Lionel Jospin. Lequel s'est néanmoins gardé de revenir sur son engagement de rétablir l'autorisation administrative de licenciement pris pendant la campagne.
S'agissant de la fonction publique, le chef du gouvernement a fait part de son intention de mettre fin à la politique de suppression des emplois entamée par son prédécesseur. Tout en exprimant son attachement au service public et au sens de la responsabilité de ses fonctionnaires, « meilleurs gages de la réussite de la réforme de l'Etat ».
« La solidarité doit s'exercer au bénéfice de tous sans exception. Une loi contre les exclusions sociales sera présentée à cette fin au Parlement », a annoncé, sans autres précisions, le nouveau Premier ministre. Qu'y aura-t-il dans ce texte ? « Il est encore trop tôt pour le dire », explique-t-on au ministère de l'Emploi et de la Solidarité, en charge du dossier. On insiste cependant sur le fait qu'il s'agit de prendre en compte« toutes » les exclusions. Et on indique que les associations seront consultées dans le cadre d'une « large concertation » dont le calendrier n'a, toutefois, pas encore été arrêté. Quant au défunt projet de loi de renforcement de la cohésion sociale, on rappelle que si« personne ne pouvait contester les principes annoncés », il avait fait l'objet de nombreuses critiques, notamment sur les moyens prévus pour sa mise en œuvre.
Le volet « protection sociale » a fait l'objet d'annonce de plusieurs mesures aussi bien en ce qui concerne les prestations familiales que l'assurance maladie ou encore la vieillesse. Si le Premier ministre est resté flou sur le devenir du plan Juppé, il a créé la surprise en annonçant la mise sous condition de ressources des allocations familiales.
Lionel Jospin a annoncé une revalorisation du SMIC de 4 % au 1er juillet. Le SMIC est donc porté de 6 406, 79 F brut à 6 663, 67 F (voir ce numéro). Pour prévenir la déception de certains syndicats et du Parti communiste, qui souhaitaient une hausse plus élevée, il a expliqué que« compte tenu de la hausse des prix nettement inférieure à 1 %, ceci représente la plus forte progression du pouvoir d'achat depuis 15 ans ».
Afin de « rendre plus juste et plus efficace notre système d'aide aux familles et d'en réserver le bénéfice à celles qui en ont effectivement besoin », les allocations familiales (6) seront placées sous condition de ressources. Aussi, elles ne seront plus versées aux familles disposant d'un revenu supérieur à 25 000 F par mois.
Selon la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, ce montant sera applicable aux familles comptant un ou deux enfants. A partir du troisième enfant, des aménagements seront réalisés sous la forme vraisemblablement d'une majoration du plafond par enfant à charge. En deçà de 25 000 F, « il y aura un ou deux paliers pour limiter les effets de seuil ». Enfin, notons que cette mesure n'est pas d'application immédiate. Pour entrer effectivement en vigueur, cette réforme nécessitera une modification législative.
Nature des ressources prises en compte ? Revenus bruts ou revenus nets ? Nombre de familles concernées ?Coût de la mesure ? Autant de questions auxquelles Martine Aubry a tenté de répondre depuis le début de la semaine. En effet, suite au tollé suscité par cette annonce, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a commencé la concertation avec les syndicats et les associations familiales. « Les discussions en cours laissent entendre qu'environ 7 %, 8 %, 9 % ne toucheront plus les allocations familiales », a-t-elle déclaré, le 24 juin, sans toutefois donner davantage d'indications.
L'allocation de rentrée scolaire (ARS), réservée aux familles disposant de ressources inférieures à certains plafonds, sera majorée à la prochaine rentrée pour atteindre1 600 F. Notons que c'est la troisième année que l'ARS (d'un montant de 420 F) est majorée. En 1995, son montant avait été porté à 1 500 F puis ramené à 1 000 F l'année dernière.
Cette mesure qui coûtera, selon le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, entre 4 et 5 milliards de francs sera prise intégralement en charge par l'Etat, a annoncé la ministre de l'Emploi et la Solidarité. Au ministère de l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie, on précise que 2, 9 millions de familles sont concernées pour 5, 5 millions d'élèves.
L'égalité devant la santé doit être « garantie », a insisté le Premier ministre, poursuivant : « Que des citoyens ne puissent se soigner correctement est inacceptable. Un meilleur remboursement des soins, d'abord pour les personnes en difficulté, doit être recherché. » Aussi a-t-il annoncé que l'assurance maladie universelle, qui ouvre un droit pour tous à une couverture, sans condition de travail, mise en chantier par son prédécesseur (7),« sera mise en place ».
Si Lionel Jospin juge la maîtrise des dépenses de santé « indispensable », il entend cependant, pour l'avenir, « faire évoluer le cadre actuel ». Il renvoie donc à des « états généraux de la santé qui se tiendront au début de l'année prochaine » pour« redéfinir les objectifs et les moyens permettant à tous les acteurs du système de santé de mieux remplir leurs missions ». Le gouvernement réfléchit à une refonte d'ensemble du secteur, « loin d'une vision comptable et financière de la sécurité sociale mais basée sur l'état de santé de la population », a complété la ministre de l'Emploi et de la Solidarité. Ces états généraux seront donc l'occasion d'une remise à plat du plan Juppé, a expliqué Martine Aubry, qui le juge « comptable, injuste et sans cohérence ». Ce plan « n'a donné aucun résultat », a-t-elle affirmé. « Le premier état des lieux est bien pire que ce l'on pensait trouver. Nous réfléchissons à un vrai plan pour la sécurité sociale. » Pour nourrir sa réflexion, elle disposera du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, laquelle se tiendra fin juin. Pour l'heure, le déficit cumulé du régime général de la sécurité sociale atteint officiellement, pour les années 1996-1997, 90 milliards de francs. Enfin, rappelons que fin juin, se déroulera, à Lille, la conférence nationale de la santé.
Au chapitre de la santé toujours, le Premier ministre entend également privilégier la sécurité sanitaire et la santé publique. Pour ce faire, une agence de sécurité sanitaire sera mise en place avant la fin de l'année, a-t-il précisé.
« Pour favoriser l'emploi et la justice sociale », Lionel Jospin entend« transférer progressivement les cotisations salariales d'assurance maladie sur une contribution sociale élargie à l'ensemble des revenus, y compris financiers ». Le chef du gouvernement n'a pas précisé le calendrier d'application de cette mesure déjà amorcée dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale adoptée sous le gouvernement Juppé (8). Selon Martine Aubry, le transfert s'étalera sur 3 ou 4 ans.
Il a, par ailleurs, affirmé qu'il souhaitait stabiliser les prélèvements obligatoires et, « si la croissance le permet », les diminuer, et que la baisse de la TVA était mise à l'étude.
Les dispositions de la loi Thomas du 25 mars 1997 instituant les plans d'épargne retraite (2) « qui peuvent porter atteinte aux régimes par répartition seront remises en cause ». Le Premier ministre a estimé qu'au moment où « la montée du chômage, l'évolution de la démographie fragilisent nos systèmes de répartition », il convient de« les consolider en concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux ».
Ainsi, la loi Thomas devrait être révisée et non abrogée, comme Lionel Jospin l'avait déclaré lors de la campagne. La « remise en cause » devrait porter notamment sur les dispositions qui permettent aux employeurs d'être exonérés de charges sociales sur leur abondement aux plans d'épargne retraite. Une disposition, largement critiquée à l'époque, notamment par les partenaires sociaux qui craignaient que l'exonération ne porte atteinte aux augmentations de salaires, et donc prive de ressources les régimes de retraite complémentaire.
Lors du congrès de l'Union nationale des organismes HLM qui s'est tenu à Lille, du 17 au 20 juin (8), Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, a indiqué que le gouvernement allait élaborer en concertation avec ce secteur « un véritable plan de travail », afin que le logement locatif social puisse « retrouver la place prioritaire qu'il a perdue ces dernières années ». Jean-Claude Gayssot, ministre de l'Equipement, des Transports et du Logement, a souligné la nécessité de « réduire les tendances aux ségrégations, aux concentrations excessives, aux quartiers réservés » en favorisant « la mixité sociale ». Et il a affirmé la volonté du gouvernement de lier politique du logement et politique urbaine. Jugeant par ailleurs que l'expulsion était « la pire des solutions », il a évoqué les sujets qui doivent être traités « avec une attention particulière ». Parmi ceux-ci, les difficultés liées aux copropriétés dégradées, la résorption de l'habitat insalubre et la vacance de logements dont le nombre est estimé à près de 2 millions.
Au titre de l'appui à la création d'emplois et d'activités, du renforcement de la solidarité nationale et du soutien des plus fragiles, le Premier ministre a annoncé la revalorisation des aides au logement, un programme de réhabilitation d'un million de logements et la réforme de la taxation sur le supplément de loyer de solidarité.
Le Premier ministre a indiqué que le« barème de l'aide personnalisée au logement » sera« actualisé et revalorisé » au 1er juillet prochain sans toutefois révéler le pourcentage d'augmentation. En fait, cette majoration concerne l'ensemble des aides personnelles au logement (aide personnalisée au logement (9) et allocations de logement), indique-t-on au cabinet du secrétaire d'Etat au logement. Coût de cette mesure : 2, 5 milliards de francs en année pleine, soit 1, 9 milliard pour la« réactualisation » et 600 millions au titre du« rattrapage ».
Un million de logements seront réhabilités sur les 5 ans de la législature. Pour cette année, des crédits seront affectés à la réhabilitation de 100 000 supplémentaires, dont la moitié dans le parc HLM, a affirmé Lionel Jospin.
La taxation du surloyer de solidarité sera « réexaminée », a annoncé le Premier ministre. Cette taxe annuelle, instituée depuis le 1er janvier 1996 par la loi de finances pour 1996, est à la charge des bailleurs de logements sociaux dont les locataires ont des ressources qui excèdent de 40 % au moins le plafond de ressources HLM (et paient à ce titre le surloyer de solidarité institué par la loi du 4 mars 1996) (10). •
(1) Dont la dernière réforme date de la loi du 30 décembre 1996 - Voir ASH n° 2016 du 28-03-97.
(2) Voir ASH n° 2009 du 7-02-97.
(3) Voir ASH n° 2028 du 20-06-97.
(4) Voir ASH n° 2007 du 24-01-97.
(5) Voir ASH n° 2003 du 27-12-96.
(6) Attribuées à partir du deuxième enfant (675 F mensuels pour 2 enfants, 1 539 F pour 3 enfants...).
(7) Voir ASH n° 1950 du 24-11-95.
(8) Voir ASH n° 2028 du 20-06-97 - Unfohlm : 14, rue Lord-Byron - 75384 Paris cedex 08 - Tél. 01 40 75 78 00.
(9) Rappelons que depuis le 1er avril dernier, un seul barème est applicable à l'ensemble des locataires des logements conventionnés du secteur public et privé. Voir ASH n° 2022-2023 du 16-05-97. L'étude de cette réforme fera l'objet d'une présentation détaillée dans les ASH dès que les montants du nouveau barème de l'APL seront connus.
(10) Voir ASH n° 2010 du 14-02-97.