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Les Yvelines se mobilisent

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L'insertion professionnelle des travailleurs handicapés est d'abord l'affaire des acteurs locaux. Depuis 1995, les départements s'engagent en signant des plans départementaux d'insertion des travailleurs handicapés. Le dernier en date vient d'être conclu dans les Yvelines.

Pour favoriser l'accès au marché du travail et le maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés, l'ensemble des acteurs des Yvelines - préfecture, conseil général, ANPE, équipe de préparation et de suite au reclassement (EPSR), Agefiph, union patronale - est mobilisé dans le cadre du plan départemental d'insertion des travailleurs handicapés (PDITH). Signé le 21 avril dernier, ce dispositif a été baptisé Acthyve 78 :Accompagnement des travailleurs handicapés des Yvelines vers l'emploi (1). Coordonnée par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP), cette politique de partenariat local s'inscrit dans le prolongement du dispositif régional DEFI H, mis en place dès 1990 en Ile-de-France, et dont la départementalisation a commencé en 1995, à la demande des pouvoirs publics. Objectif : rapprocher les différents acteurs de l'insertion et de l'emploi afin d'optimiser l'accompagnement des travailleurs handicapés sur le marché du travail.

Acthyve 78 s'articule autour de quatre axes d'actions lancés simultanément : l'information et l'orientation en amont de l'insertion, l'accès des travailleurs handicapés à des formations de droit commun, la sensibilisation des entreprises du département à l'embauche de handicapés et le maintien dans l'emploi des salariés victimes d'accidents du travail. Au total, l'ensemble de ces actions devrait contribuer à l'insertion sociale et professionnelle des quelque 1 500 demandeurs d'emploi handicapés enregistrés dans le département.

Le volet information-orientation repose notamment sur l'identification d'un référent - ANPE ou EPSR - pour chaque personne ayant fait une première demande de reconnaissance en tant que « travailleur handicapé » auprès de la Cotorep. Un entretien leur est proposé afin de faire le point sur leur projet professionnel et sur leurs compétences :800 personnes devraient ainsi bénéficier de ce suivi individualisé en 1997. « Il s'agit de faire le point sur la nature du handicap et sur ce qui est possible ou non, compte tenu de ce handicap », explique-t-on à l'ANPE. « Ces entretiens nous permettent d'avoir une vision plus précise de la situation du travailleur handicapé par rapport à l'emploi », ajoute Colette Ravaux, directrice de l'EPSR Rebond IHY (Insertion handicapés Yvelines)   (2) et référent dans le cadre du PDITH. « Ça n'est pas le handicap qui intéresse l'entreprise, ajoute-t-elle, mais les compétences du futur salarié. »

A l'issue de l'entretien, un « contrat d'engagement réciproque de parcours vers l'emploi » est signé par le référent et le travailleur handicapé qui s'engagent ainsi à tout mettre en œuvre pour optimiser les chances de ce dernier à trouver du travail.

Les parcours d'insertion ainsi mis en place comportent, pour la plupart, un volet formation. Depuis un an, trois « plates-formes de formation » ont été créées afin d'apporter, sur un même lieu, l'ensemble des réponses dont le demandeur d'emploi, handicapé ou non, peut avoir besoin dans sa phase de recherche d'emploi. Les modules proposés sur ces plates-formes portent principalement sur la mobilisation de projet, la resocialisation, l'alphabétisation et les techniques de recherche d'emploi. Là encore, les parcours sont individualisés, grâce à un bilan de compétences effectué en amont par les organismes présents sur les plates-formes.

Former autrement, recruter autrement

Acthyve 78 entend toutefois accroître l'accès des travailleurs handicapés à ces plates-formes. Car l'ambition des acteurs départementaux est bien de parvenir à élargir l'offre de formation proposée aux travailleurs handicapés en rendant accessibles, à ces derniers, les formations de droit commun. Actuellement, seuls 5 % à 6 % des bénéficiaires de prestations de formation au sein des plates-formes sont, en effet, des travailleurs handicapés. « Les formations spécifiques existantes dissocient trop les handicapés des autres, alors qu'ils se confrontent les uns aux autres sur le marché du travail  nous souhaitons qu'il n'y ait plus de ghetto », explique Stéphanie Laurentin, coordonnatrice du plan départemental à la DDTEFP. Un objectif qui suppose toutefois que les organismes de formation adaptent leurs cursus et leurs structures aux différents types de handicaps. Il semble d'ailleurs qu'ils en aient pris conscience : « De plus en plus, les prestataires de formation sollicitent des appuis techniques car ils ne sont pas toujours capables de définir un projet professionnel qui tienne compte du handicap », affirme Stéphanie Laurentin. En élargissant l'éventail de leur offre, les organismes répondront en outre mieux aux exigences des employeurs susceptibles d'embaucher des travailleurs handicapés.

Un volet important du plan départemental porte précisément sur la sensibilisation des entreprises afin de « démystifier l'image du handicap et de valoriser les compétences professionnelles » des handicapés. Deux chargés de mission ont ainsi été recrutés et placés auprès de l'Union patronale des Yvelines pour sensibiliser 1 000 entreprises dans le département, d'ici à la fin de l'année. Les entreprises qui ne remplissent pas leur obligation d'emploi et préfèrent verser leur cotisation à l'Agefiph seront démarchées en priorité. « Il faut leur expliquer le handicap et insister sur le fait que celui-ci ne nuit pas aux compétences du salarié, dès lors que le poste est adapté, insiste Stéphanie Laurentin. Notre objectif est de faire en sorte que les employeurs pensent désormais aux travailleurs handicapés quand un poste se libère. »

Changer d'état d'esprit

Les chargés de mission informeront également les entreprises des aides, primes et exonérations dont elles peuvent bénéficier en embauchant un handicapé. Mais pas question de faire de l'aspect « aubaine financière » le moteur de la démarche de sensibilisation, même si l'écueil est difficile à éviter. « On peut craindre que certains employeurs voient là le moyen d'embaucher une main-d'œuvre peu chère et ne reconnaissent pas le handicapé pour sa valeur et ses compétences », estime Jean-Marc Le Méhauté, pharmacien à Houdan. « Il faut faire changer l'état d'esprit des employeurs qui ont encore trop tendance à marginaliser les travailleurs handicapés », affirme-t-il.

Depuis près d'un an, ce dernier emploie à temps partiel Yann Moatti, un travailleur handicapé en fauteuil roulant, pour assurer les tâches administratives et comptables. A 28 ans, au chômage depuis plus de trois ans, ce dernier s'est, en effet, vu proposer le poste lorsqu'il s'est créé, en août 1996. « Titulaire d'un bac bureautique et comptable, Yann avait les compétences requises et je l'ai embauché en fonction de cela, peu importait qu'il soit handicapé ou non », raconte Jean-Marc Le Méhauté.

Et des exemples d'insertion réussie, il y en a déjà beaucoup dans les Yvelines, y compris dans des secteurs d'activité moins prédisposés que le paramédical. Le supermarché Atac, de Verneuil-sur-Seine, et le magasin Leroy Merlin, de Buchelay, ont ainsi tous deux embauché un travailleur handicapé, respectivement employé de libre-service chargé de la mise en rayon, pour l'un, et chargé de l'entretien et de la commercialisation des plantes, pour l'autre. Dans les deux cas, l'entreprise considère le travailleur handicapé comme un salarié comme un autre. « L'embauche d'un salarié handicapé constitue un réel apport pour l'entreprise et remet en cause la vision que l'on a du handicap », affirme Daniel Mathon, directeur du magasin Atac, de Verneuil. Tandis que chez Leroy Merlin, les possibilités d'emploi de travailleurs handicapés sont systématiquement étudiées lorsqu'un poste est à pourvoir.

Maintien dans l'emploi :anticiper les problèmes

Reste que les préjugés, la peur et une dose de méconnaissance vis-à-vis du handicap freinent encore nombre d'employeurs qui préfèrent recruter dans le vivier des millions de chômeurs sans handicap... apparent. Une solution de facilité qui prévaut également lorsqu'un salarié est victime d'un accident du travail et se retrouve handicapé. Plutôt que d'envisager une reconversion ou un aménagement de poste, les entreprises préfèrent souvent licencier le salarié pour inaptitude et le remplacer. Pour limiter ces licenciements, Acthyve 78 prévoit de développer des actions favorisant le maintien dans l'emploi. Un travail est notamment mené avec les médecins-conseil de la CPAM et de la CRAMIF ainsi qu'avec les médecins du travail, afin d'identifier, lors de l'arrêt de travail consécutif à l'accident, les problèmes qui vont se poser et les anticiper. « C'est à ce moment qu'il faut étudier les diverses solutions avec l'entreprise et le salarié : un autre poste dans l'entreprise, assorti d'une formation, un aménagement de poste avec un ergonome ou un mi-temps thérapeutique », explique Stéphanie Laurentin.

Les Yvelines jouissent, en la matière, de l'expérience de la cellule Handicap prévention maintien dans l'emploi  (HPME), créée depuis un an dans le nord-ouest du département - le Mantois et la vallée de la Seine - où le taux de licenciement est important. Cette cellule d'intervention rapide, unique en Ile-de-France, est dotée d'un médecin du travail ergonome, d'un spécialiste du reclassement et d'une juriste chargée d'information. Elle contribue à la sensibilisation des chefs d'entreprise, des salariés et des médecins de ville qui ne sont pas toujours conscients des conséquences que peuvent avoir les accidents du travail sur l'emploi. La cellule HPME intervient, en outre, directement en entreprise où elle favorise le maintien dans l'emploi en étudiant toutes les possibilités.

« L'important, c'est d'aller vite : une PME de 12 personnes ne peut pas se payer quelqu'un pendant deux mois en attendant une solution », explique le docteur Alain Jabès, le médecin ergonome de la cellule HPME. Et ce qui doit aller vite, précise-t-il, « c'est la prise en charge du problème et la mise en réseau des protagonistes du maintien afin de faire rapidement baisser l'anxiété du chef d'entreprise. D'autant que l'on sait vite si le maintien dans l'emploi est possible ou non ». Dans la plupart des cas, le seul fait de donner des conseils à l'employeur pour l'aider à aménager le poste suffit à le rassurer. La majorité d'entre eux ignorent en effet qu'ils peuvent bénéficier d'aides financières importantes : la prime au maintien de l'Agefiph, le contrat de rééducation de la sécurité sociale ainsi que des abattements de charges sociales. Depuis un an, HPME a ainsi suivi 220 dossiers de maintien dans l'emploi et seuls 16 d'entre eux ont donné lieu à une externalisation : reconversion du salarié dans une autre activité ou licenciement.

Forts de ces résultats, les partenaires locaux entendent aujourd'hui étendre cette démarche à l'ensemble du département, grâce à l'apport méthodologique de la cellule existante. « Nous voulons créer un véritable réseau pour une prise en charge cohérente et une culture commune du maintien au plan départemental, explique le docteur Alain Jabès qui ajoute : beaucoup de'chapelles" performantes s'occupent du maintien dans l'emploi dans leur coin mais il n'y a pas d'approche transversale. » Au-delà du département, cette démarche commence par ailleurs à intéresser d'autres acteurs : un groupe de travail interrégional a ainsi été constitué pour mener une réflexion sur les freins et les conditions de réussite du maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés. Des échanges sur ce thème sont même prévus au niveau européen afin de comparer les pratiques propres à chaque pays et d'aboutir à une définition juridique, aujourd'hui inexistante, du maintien dans l'emploi.

Virginie Besson

Notes

(1)  Acthyve 78/DDTEFP : 34, av. du Centre - Montigny-le-Bretonneux - 78182 Saint-Quentin-en-Yvelines cedex - Tél. 01 39 44 11 39.

(2)  Rebond IHY (EPSR de droit privé)  : 37, bd Devaux - 78300 Poissy - Tél. 01 30 65 90 97 - Antenne Sud : 13, place Germaine-Tailleferre - 78180 Montigny-le-Bretonneux - Tél.  01 30 57 58 51.

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