Comment le problème du VIH et du sida est-il perçu par les migrants arabo-musulmans ? C'est cette délicate question qu'a examinée Arcat sida dans l'enquête qualitative rendue publique, le 19 juin (1). Ce qui vient ainsi combler un vide sur un sujet très peu investi par la recherche. La prévention chez les migrants pâtit de l'opposition entre une approche universaliste, refusant d'envisager la création de ghettos, et une approche communautariste, constate le Dr Kémal Chérabi, directeur des affaires sociales d'Arcat sida et coordonnateur de l'étude. Néanmoins, il est dangereux de « se cantonner à une réponse formelle réaffirmant de façon incantatoire le droit d'accès aux services publics pour tous ». La culture arabo-musulmane a ses propres référents dont il faut tenir compte. C'est ainsi que « le déni, les tabous et le fatalisme » constituent le système de réaction sociale du milieu arabo-musulman face au sida. La lecture de la maladie se faisant souvent « à travers les notions de licite/illicite, pureté/impureté, propre/malpropre, moral/immoral ». Ainsi, l'utilisation du préservatif, pour les résidents en foyer, semble renvoyer à une incitation à la débauche ou à l'adultère, tandis que les homosexuels, toxicomanes ou prostituées sont désignés comme « les seuls propagateurs de l'épidémie ». Néanmoins, pas question de se cantonner à une approche exclusivement culturelle, précise le coordonnateur, invitant également à tenir compte des conditions de vie socio-économiques souvent précaires, du mauvais accès aux soins, de l'éloignement... Dans certaines situations complexes, la prise en compte du risque devient ainsi « extrêmement difficile, voire improbable ».
« Les voies classiques de prévention, trop souvent basées sur l'information générale, pragmatique et porteuse d'une certaine morale » ont montré leurs limites, conclut Arcat sida. Laquelle insiste sur la nécessité de « rénover » les approches de prévention en « posant le principe d'une véritable association et participation des populations concernées ». Notamment en ayant recours aux médiateurs existants : des leaders (religieux, sociaux, culturels...) ou personnes ressources (professionnels de la santé ou sociaux ayant une fonction au sein d'une structure reconnue). Lesquels devraient être formés et travailleraient en liaison avec les structures existantes.
(1) Financée par la DGS, l'étude a été réalisée à partir de 90 entretiens menés en Ile-de-France et à Marseille. Rapport publié en juillet par Arcat sida : 94/102, rue de Buzenval - 75020 Paris - Tél. 01 44 93 29 29.