Après l'assassinat d'Isabelle Villez en août 1995 (1), les délégués à la tutelle de l'association Ariane, implantée dans le Nord (2), paient à nouveau un lourd tribut à l'accompagnement tutélaire avec l'agression, le 11 juin, de deux éducatrices spécialisées. Au cours d'une permanence qu'elles effectuaient à la délégation Capelle/Dunkerque, elles ont en effet été grièvement blessées, à l'arme blanche, par un majeur protégé à qui elles venaient de refuser une somme en argent liquide. Elles ont dû être hospitalisées mais, fort heureusement, leurs jours ne sont pas en danger. Quant à l'agresseur, il a été interpellé.
Pour les salariés de l'association, cette nouvelle affaire est d'autant plus traumatisante qu'un certain nombre de mesures avaient été prises, depuis 1995, afin d'améliorer leur sécurité : interdiction d'assurer seul une permanence, renforcement de l'encadrement de terrain... « Des choses ont été faites mais il faudrait aller plus loin, par exemple avec l'installation d'interphones ou la mise en place de locaux d'accueil plus adaptés », souligne Benoît Hennion, délégué à la tutelle à Roubaix et syndiqué à la CFDT Santé-sociaux. Reste que, pour lui comme pour ses collègues, c'est l'organisation même de la tutelle qui souffre de graves dysfonctionnements, notamment avec la « sortie massive » de malades mentaux des hôpitaux psychiatriques sans qu'un accompagnement adapté prenne le relais. « Résultat : nous sommes confrontés à certaines personnes absolument ingérables qui sont renvoyées d'une association à l'autre », constate Benoît Hennion. Autre difficulté : l'insuffisance du prix de journée des mesures de tutelle qui entraîne un lourd surcroît de travail. « Nous en sommes à 47 mesures pour un délégué », indique-t-on au sein d'Ariane.
« La violence n'est surtout pas une fatalité », veulent cependant croire les salariés et les organisations syndicales qui se sont mobilisés, le 17 juin, lors d'une journée d'action et de réflexion, appuyée par la direction de l'association. « Nous n'acceptons plus au nom de prétendues économies de risquer notre vie. Il faut financer l'accompagnement tutélaire à sa juste mesure. Nos vies ne doivent pas être bradées sur l'autel des économies », ont-ils protesté en se rendant à la préfecture du Nord. Reçus par un représentant du préfet et par la directrice des affaires sanitaires et sociales, ils ont obtenu l'assurance que leurs demandes seraient relayées au niveau national. Par ailleurs, il a été proposé de relancer le groupe de travail qui avait déjà fonctionné après le décès d'Isabelle Villez. Pourraient y être représentés les salariés et les employeurs du secteur de l'accompagnement tutélaire, les juges, les psychiatres, les responsables hospitaliers et les pouvoirs publics.
(1) Voir ASH n° 1938 du 1-09-95 et n° 1967 du 22-03-96.
(2) Association Ariane : 14, avenue Robert-Schumann - BP 74 - 59370 Mons-en-Barœul - Tél. 03 20 43 23 30.