Comment accueillir et, surtout, héberger les personnes sans abri lorsqu'elles sont accompagnées par un animal, le plus souvent un chien (ce qui est le cas de 3 % à 6 % d'entre elles) ? C'est pour répondre à cette question soulevée à maintes reprises ces dernières années, notamment par les responsables des structures d'hébergement d'urgence, que Xavier Emmanuelli, alors secrétaire d'Etat à l'action humanitaire d'urgence, avait chargé, fin avril, Jean-Pierre Roger, directeur d'une boutique solidarité de l'association Emmaüs, de dresser « un état des lieux critique » des réponses existantes et de réfléchir à la façon de les améliorer (1). Un document bouclé en un temps record, juste avant le changement de gouvernement, et suivi d'une lettre de la direction de l'action sociale aux préfets (2). Principal constat : pour une personne sans abri, la présence d'un animal constitue, à la fois, un « soutien évident » et un « facteur pénalisant » . En effet, écrit le rapporteur, « par la responsabilisation et l'encadrement quotidien qu'il exige et par la reconnaissance en retour qu'il offre, il représente un moyen de structuration non négligeable ». Compagnon de galère, objet d'amour et d'identification, le chien permet, en outre, de se protéger contre un monde hostile et d'entrer plus facilement en communication avec les autres. Revers de la médaille, l'animal est aussi un véritable frein à l'hébergement et à l'insertion. « Il est impossible de séparer le chien de son maître. Avoir un chien, c'est un prétexte pour refuser une démarche d'insertion », observe Jean-Pierre Roger.
Ainsi, constatant que les sans-abri refusent généralement toute aide s'ils n'ont pas la certitude que leur animal sera également pris en charge, un certain nombre de structures, déjà ouvertes ou en cours de réalisation, testent actuellement diverses solutions afin de pouvoir accueillir cette population : lieux d'accueil de jour adaptés, hébergements de nuit avec chenil, chambres individuelles, garde des animaux durant plusieurs jours dans des abris du type SPA... Parallèlement, d'autres associations se consacrent, parfois dans le cadre d'un travail de rue, à l'amélioration du suivi sanitaire et du comportement des animaux. Quelques-unes même se veulent ambitieuses. C'est le cas, notamment, de l'association Loup y es-tu ?, créée en 1995, à Paris, qui a conçu un projet spécifique en partant du postulat qu'une restauration du lien social « qui respecte et s'appuie sur cette relation homme-animal » est possible.
Reste que pour de nombreux professionnels, il est « inacceptable » de réfléchir à l'accueil des chiens sans donner la priorité à l'accueil des personnes, accompagnées ou non d'un animal. « Cessons de créer un monde à part pour des personnes que l'on met à l'écart, dans des solutions à part », s'agace-t-on ainsi à la FNARS. L'un des membres du Comité national de l'accueil des personnes en difficulté, cité par Jean-Pierre Roger, ne rappelait-il pas également, en mars dernier, qu'on « ne saurait admettre qu'une personne sans abri puisse être accueillie dans de meilleures conditions pour la seule raison qu'elle arrive avec un animal » ?
(1) Réponses à apporter aux personnes sans abri accompagnées d'animaux - Jean-Pierre Roger.
(2) Voir ce numéro.