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Pour une prise en charge globale des malades

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Depuis 1991, les urgences des hôpitaux sont incités à se doter d'un service social à part entière. Il intervient, lui aussi, dans l'urgence, pour mettre en place une alternative à l'hospitalisation. L'exemple de Grenoble.

Christine Crotti est assistante sociale au service des urgences du centre hospitalier universitaire de Grenoble depuis janvier 1993 (1). C'est à cette date que l'hôpital - qui emploie 6 700 salariés et dispose de 2 100 lits - se dote d'un véritable service d'accueil des urgences ou SAU : il s'agit là non pas simplement d'un lieu d'information et d'orientation, mais d'un service d'urgence à part entière, doté de 27 lits d'hospitalisation, comprenant un service de médecine, un service-porte et un service de chirurgie. Auxquels il faut ajouter le centre d'accueil des urgences psychiatriques de l'agglomération grenobloise. « Le professeur Guignier, chef de service, s'est appuyé sur le rapport Steg, relatif à la restructuration des urgences, pour demander un SAU, précise Christine Crotti. Il a tout de suite souhaité qu'une assistante sociale rejoigne l'équipe des médecins et des infirmières. » Jusque-là, en effet, une assistante sociale passait tous les matins aux urgences avant de rejoindre son propre service. Or, selon elle, la tâche à accomplir nécessitait au moins un mi-temps. Aujourd'hui, deux assistantes sociales font partie intégrante du service : Christine Crotti, à plein temps, et Elizabeth Berrhuel, à mi-temps, qui intervient dans le cadre de l'accueil des populations démunies. Le service social fonctionne du lundi au vendredi, de 8 h 00 à 20 h 00, ainsi que le samedi matin.

L'accueil des plus démunis

« L'implantation d'un service social au cœur des urgences favorise l'émergence d'une sensibilité sociale chez tous les membres de l'équipe. De plus, auparavant, l'assistante sociale n'avait pas le temps d'aller au-devant des problèmes », souligne Elizabeth Berrhuel. Or, cette sensibilité sociale est une nécessité, les urgences relevant aussi bien du médical que du social. Certes, 7 % des entrées sont des urgences vitales et 30 % à 40 % des pathologies lourdes, mais les populations démunies -sans domicile fixe, jeunes désocialisés, personnes âgées isolées - passent de plus en plus souvent aux urgences. C'est parfois leur seul recours. Or, une fois le diagnostic médical posé, le problème social reste entier. « Notre travail ressemble à celui des assistantes sociales en polyvalence de secteur, il est extrêmement diversifié, explique Christine Crotti. Nous nous occupons, entre autres, de l'ouverture des droits sociaux pour les plus démunis. » Une tâche facilitée par la convention CHU-DDASS, qui assure une première consultation médicale et des médicaments gratuits, à charge pour les assistantes sociales de régulariser la situation afin que les personnes concernées soient ensuite couvertes par la sécurité sociale. Pour ce faire, elles passent par l'aide médicale Etat  (AME) qui permet une ouverture de droits en moins de 15 jours. « Pour l'AME, nous envoyons la personne au centre communal d'action sociale   (CCAS), explique Christine Crotti. Nous pourrions le faire nous-mêmes, mais les patients ne repassent pas à l'hôpital pour récupérer leurs papiers. C'est un peu compliqué. » D'autant que, par définition, les assistantes sociales travaillent dans l'urgence. La solution, dans l'idéal, doit donc être adaptée et mise en œuvre rapidement. C'est vrai pour les SDF comme pour les autres. « Nous recevons également des personnes âgées isolées. A la suite de l'hospitalisation, elles ne peuvent rentrer chez elles et elles n'ont jamais prévu d'alternative, explique Elizabeth Berrhuel. Nous devons alors les orienter, en concertation avec les médecins, vers une unité de moyen ou de long séjour. Là aussi, tout doit aller très vite. »

De meilleures relations avec l'hôpital

Ici, plus que partout ailleurs, un réel travail en réseau s'impose. Le service social des urgences est en lien constant avec tous les acteurs sociaux de l'Isère :Médecins du monde, assistantes sociales en polyvalence de secteur, service social des personnes âgées de la ville de Grenoble, CCAS, assistante sociale hospitalière, unités de long et moyen séjour... « Nous nous connaissons tous, nous avons l'habitude de nous téléphoner pour échanger des informations sur l'avancement des dossiers, ce qui facilite les choses. Il arrive que le service social des personnes âgées nous prévienne de l'arrivée de l'une d'entre elles aux urgences. Nous sommes averties avant les médecins. De plus, ici, tout est informatisé :nous pouvons retrouver le dossier d'un patient ayant déjà subi une hospitalisation, nous savons par quel réseau social il est passé. D'ailleurs, les relations entre l'hôpital et les partenaires extérieurs se sont nettement améliorées car l'information circule vraiment. »

En fait, les assistantes sociales gèrent des situations de crise en permanence, même si celles-ci sont variables en intensité : il peut s'agir d'organiser la garde des enfants à la suite de l'hospitalisation d'une mère de famille seule, ou bien de la recherche d'un hébergement pour une femme battue. « Nous informons sans arrêt les gens sur leurs droits, les structures qui peuvent les recevoir. La personne doit impérativement ressortir de chez nous avec un bilan et des informations », explique Christine Crotti.

Les médecins satisfaits

Autre spécificité des urgences par rapport à un service hospitalier ordinaire : les familles se manifestent, alors que ce n'est pas nécessairement le cas lors d'une hospitalisation classique. « Nous les recevons longuement, nous pouvons faire le tour de toutes les questions qui se posent et, là aussi, nous pouvons donner des informations, envisager toutes sortes de solutions. »

Les médecins y trouvent également leur compte puisqu'ils peuvent se recentrer sur leur mission. D'autant qu'une intervention sociale lancée à temps peut éviter de nouvelles hospitalisations. « L'hôpital est là pour soigner les gens, rappelle le docteur Mingat, praticien hospitalier. Nous ne pouvons pas nous permettre de garder une personne uniquement parce qu'elle est en proie à des difficultés sociales et personnelles. Il faut donc aussi traiter l'aspect social, en cherchant des solutions de prise en charge adaptées. Cela dit, les assistantes sociales nous demandent parfois de maintenir une hospitalisation, le temps de trouver un hébergement. »

En effet, s'il leur faut réagir vite, les assistantes sociales ne trouvent pas toujours la solution idéale. De plus, le travail en urgence comporte ses propres limites :Christine Crotti et Elizabeth Berrhuel n'assurent pas de suivi des patients à proprement parler. « Nous sommes réellement efficaces dans l'alternative à l'hospitalisation, précisent-elles. Là, nous faisons les papiers, nous savons que la personne est hébergée. Nous effectuons une prise en charge sociale précoce, nous gardons de moins en moins les gens sous prétexte qu'il n'y a pas d'autres solutions. En revanche, pour les SDF, nous ne cessons de leur répéter la même chose, de leur fournir toujours les mêmes informations, mais ils ne désirent pas être pris en charge. Et puis il y a des cas extrêmement complexes et douloureux, des personnes que nous laissons repartir en sachant que nous n'avons pas pu faire grand-chose. »

Etre assistante sociale dans un service d'urgence, c'est évidemment beaucoup de stress. Mais c'est aussi, selon Elizabeth Berrhuel, qui travaille par ailleurs dans un service recevant des malades atteints de sida, une manière d'échapper à une certaine forme de souffrance et aux lourdeurs administratives.

Anne Ulpat

MARIE DARLEY : « OBTENIR LA RECONNAISSANCE DU TRAVAIL SOCIAL AUX URGENCES »

ASH : En 1994, les assistantes sociales des services d'urgence ont décidé de créer une commission au sein de la Société francophone des urgences médicales  (SFUM). Dans quel objectif ? M. D.  : La SFUM est constituée de médecins, et son action tourne autour du développement, de l'organisation et de l'enseignement des urgences. Nous avons effectivement décidé de créer une commission en son sein plutôt que de fonder une société nouvelle. Aux urgences, nous travaillons en équipe avec les médecins, il nous semblait donc logique de lancer une réflexion sur notre métier en lien avec nos partenaires habituels. Grâce à cette commission, nous souhaitons obtenir la reconnaissance du travail social comme l'une des composantes de la prise en charge globale du malade, et par là même la reconnaissance de notre fonction d'assistante sociale. ASH : Assistante sociale aux urgences, est-ce un nouveau métier ? M. D.  : Non, il y a toujours eu des assistantes sociales qui passaient au service des urgences, à la demande des médecins ou des infirmières. Mais la circulaire Steg du 14 mai 1991 sur l'amélioration de l'accueil des services d'urgence a permis la création de postes à part entière de travailleurs sociaux, qui font partie de l'équipe. Cette circulaire définit précisément notre mission : établir un contact d'aide personnelle ou psychologique avec le patient ou son entourage, et participer à la mise en œuvre de la suite à donner au traitement médical, organiser le retour à domicile de la personne ou l'orienter vers une autre structure, et ce en concertation avec l'équipe soignante. ASH : En quoi votre travail diffère-t-il de celui des assistantes sociales hospitalières ? M. D.  : Il n'y a pas énormément de différences. Concrètement, les assistantes sociales hospitalières, comme les assistantes sociales au service des urgences, analysent la situation sociale, économique et familiale du patient, puis le réorientent vers des structures de moyen ou de long séjour, ou organisent le retour à domicile. Au niveau local, chacune travaille en réseau, avec les collègues de secteur par exemple, pour mettre en place la meilleure solution pour le patient. ASH : Il n'y a donc aucune spécificité aux urgences ? M. D.  : Si, tout d'abord parce que l'assistante sociale travaille constamment aux urgences, ce qui est capital. Auparavant, l'assistante sociale hospitalière ne faisait que passer, lorsqu'on avait besoin d'elle, elle traitait les problèmes par à-coups, ce qui n'était guère satisfaisant. De plus, les urgences reçoivent des personnes qui ne nécessitent pas forcément une hospitalisation, ou dont l'hospitalisation ne règle pas tout. Lorsqu'un SDF se fait une entorse, la réponse médicale ne suffit pas. Les assistantes sociales sont là pour trouver des structures d'accueil, pour alerter d'autres services sociaux afin qu'ils prennent le relais. Enfin, aux urgences, les assistantes sociales participent à la prise de décision. L'analyse de la situation sociale et le diagnostic médical se font au même moment. C'est en cela que l'on peut parler de prise en charge globale, médico-sociale. Les urgences reçoivent des populations comme des marginaux ou des personnes âgées désocialisées, et l'hôpital seul ne sait pas faire face. Propos recueillis par A. U. Marie Darley est présidente de la commission des assistantes sociales de la Société francophone des urgences médicales. SFUM - Commission des assistantes sociales : Service de médecine d'urgence - Hôpital général - BP 1519. 21033 Dijon cedex -Tél. 03 80 29 37 24 -Fax : 03 80 29 38 07.

Notes

(1)  Service social - SAU : CHU de Grenoble - 38043 Grenoble cedex 09 -Tél. 04 76 76 87 03.

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