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Les sortants de prison prisonniers de l'exclusion

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« Il est difficile de dire si l'exclusion précède la prison ou si elle en est le produit. Sans doute les deux. Ce qui est certain, c'est que la grande majorité des sortants de prison, en particulier les jeunes, se retrouvent rapidement, après leur libération, dans une situation atrocement banale d'exclus », écrit Danielle Huèges dans son rapport sur les sortants de prison et l'exclusion sociale, remis en février à Jacques Toubon et Xavier Emmanuelli, et dont les ASH révèlent le contenu (1). La directrice des Haltes des amis de la rue boucle ainsi son passage, en tant que chargée de mission, au secrétariat à l'action humanitaire d'urgence, sur un thème qui lui tient particulièrement à cœur. « J'ai connu la prison pendant quatre ans, jusqu'en 1991 », rappelle-t-elle. C'était d'ailleurs, en partie, pour cette raison que Xavier Emmanuelli avait fait appel à elle, il y a deux ans, afin de réfléchir à la situation des sortants de prison. Une mission qu'elle avait dû différer pour s'occuper en urgence, au cours de l'été 1995, du problème des arrêtés anti-mendicité. D'où le retard pris par ce rapport qui risque ainsi de rester en panne alors qu'il était prévu d'organiser, dans la foulée, des groupes de travail afin de creuser ses propositions. Déçue, Danielle Huèges ne baisse cependant pas les bras. « J'espère que le nouveau gouvernement poursuivra ce travail. De toute façon, je continuerai à me battre pour que l'on n'oublie pas les sortants de prison », explique-t-elle, calme mais déterminée.

Première observation : la prison accueille de plus en plus d'exclus. Ainsi, avant même d'être emprisonnés, la plupart des détenus présentent une situation précaire à l'égard de l'emploi, un niveau de formation faible et des conditions d'existence aléatoires, certains publics (les étrangers, les jeunes et les femmes) cumulant souvent plusieurs de ces handicaps. Deuxième point : la prison produit un fort effet de désocialisation. Une enquête menée du 3 au 9 juin 1996, auprès de 1 200 sortants de prison de la région parisienne, montre qu'environ le quart d'entre eux n'avait plus aucune attache familiale ou amicale. Troisième constat : le passage en prison favorise le basculement dans la précarité. On compte 48 % de demandeurs d'emploi à l'entrée en détention contre 59 % à la sortie (2). Quant à la libération, elle s'effectue souvent dans des conditions très difficiles. 50 % des détenus disposent de moins de 350 F à leur libération et 17 % de moins de 50 F. De même, un sortant sur huit n'est pas sûr d'avoir un hébergement au moment de la levée d'écrou. Résultat, constate Danielle Huèges, parmi les personnes accueillies dans les lieux d'accueil d'urgence, on compte aujourd'hui de plus en plus d'anciens détenus. Pour certains, poursuit-elle, la prison devient même une forme d'abri où ils s'arrangent pour revenir. Certes, reconnaît-elle, il existe un certain nombre de dispositifs de préparation à la sortie. Mais ceux-ci restent assez limités, notamment en raison d'un service socio-éducatif « en sous-effectif chronique » et du surencombrement des prisons. Et le problème est particulièrement aigu dans les maisons d'arrêt où sont emprisonnés les détenus condamnés à des courtes peines (en France, la moitié des détenus restent en prison moins de quatre mois) ou placés en détention préventive. « Dans de telles conditions d'urgence, explique le rapporteur , il n'est donc plus possible d'envisager le traitement individuel de la sortie. Il convient alors d'envisager un traitement plus systématique de flux qui fasse intervenir essentiellement des dispositifs de prise en charge extérieurs à l'administration pénitentiaire. »

Aussi, Danielle Huèges formule-t-elle dix propositions axées autour de deux idées fortes : le « renforcement des procédures de concertation » et « une meilleure prise en compte des situations d'urgence ». Pour elle, il s'agit, avant tout, de systématiser la contractualisation entre les différents organismes concernés (administration pénitentiaire, ANPE, Assedic, DIIJ...) au moyen d'accords locaux d'objectifs. Elle recommande également la création d'observatoires départementaux de la population pénale et l'inscription des sortants de prison dans les plans départementaux d'hébergement d'urgence. Par ailleurs, elle juge nécessaire de faire participer les associations de contrôle judiciaire au fonctionnement des dispositifs de préparation à la sortie. Enfin, elle propose d'améliorer les procédures d'accès au RMI au moment de la libération, d'assurer une délivrance gratuite des pièces administratives indispensables aux sortants de prison et de délivrer à ces derniers une information minimale sur les démarches qu'ils ont à accomplir et sur les dispositifs d'aide et de réinsertion existants.

Notes

(1)  Rapport réalisé en collaboration avec le bureau de l'insertion sociale et de la participation communautaire de l'administration pénitentiaire. Les Haltes des amis de la rue : 5, rue Guillaumot - 75012 Paris - Tél. 01 53 33 01 33.

(2)  Voir aussi le rapport Pauvreté en prison d'Anne-Marie Marchetti - ASH n° 1964 du 01-03-96.

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