Après avoir abordé l'itinéraire d'un enfant placé, dans un premier roman, Pierre fils de rien (voir ASH nº 1990 du 27-09-96), Bertrand Dubreuil nous introduit ici dans l'univers singulier de la surdité. Il nous conte l'histoire de Pascal et de Laure dont « la vie a basculé » brutalement depuis « l'inconcevable » : la révélation de l'incapacité de leur fille Sarah à entendre. Et, par le biais de cette fiction, il nous entraîne dans la violence des sentiments, les errements et les incertitudes de tout parent entendant face à la surdité de leur enfant. Entre la détermination de Laure à agir avec sa fille comme avec une enfant ordinaire pour lui permettre de communiquer oralement et l'attirance de Pascal par le langage gestuel, le couple est traversé de courants contradictoires, au nom pourtant de la même quête de bonheur pour Sarah. Mais outre ces tensions, qui renvoient au clivage traditionnel entre communication orale et langue des signes, ce roman met en évidence la complexité des choix au quotidien. Car, au-delà des prises de position parfois idéologiques, l'éducation d'un enfant s'enracine d'abord dans une histoire singulière, obligeant souvent à de difficiles compromis. C'est cette réalité que nous rappelle, ici, avec justesse, Bertrand Dubreuil. De même qu'il met en évidence, malgré les affrontements de ses proches, la capacité de Sarah à communiquer et à affirmer son identité.
La déchirure - Bertrand Dubreuil - Ed. L'Harmattan - 110 F.