Ouvrant le débat sur le projet de loi de renforcement de la cohésion sociale, le 15 avril, à l'Assemblée nationale, le Premier ministre, Alain Juppé, a affirmé que ce texte « abandonne les vieilles logiques » en refusant la « solidarité passive, réduite à l'aide financière », au profit d'une « approche différente et exigeante, celle de la prévention et de l'insertion ». « Il n'y a pas de fatalité de l'exclusion », a martelé Alain Juppé, plaidant pour « une démarche transversale, continue et dynamique ».
Répondant aux détracteurs du projet, notamment les socialistes qui reprochent au projet de « faire financer la misère par la pauvreté », le Premier ministre s'est défendu avec vigueur : le « projet de loi refuse d'ériger la pauvreté en statut, comme le réclament les zélateurs de l'assistance, qui ne voient de solutions que dans la multiplication des allocations ».
Après les discours non dénués d'accès de lyrisme des ministres, la présidente d'ATD-Quart Monde, Geneviève Anthonioz-De Gaulle, a su, le temps de son intervention, faire cesser le clivage droite-gauche et retenir l'attention de la centaine de députés présents qui l'ont d'ailleurs applaudie à plusieurs reprises. S'exprimant en tant que rapporteur de l'avis du Conseil économique et social - ce qui est exceptionnel -, celle-ci, dans un registre beaucoup plus sobre que les politiques, a estimé que ce débat marquait « le début d'une voie nouvelle pour notre démocratie ». « La France se doit de donner l'exemple », a-t-elle poursuivi, d'autant que « de plus en plus de personnes et de familles rejoignent la grande exclusion ».
« L'immense attente de justice et de fraternité des plus pauvres rejoint notre attente à tous, il faut oser aller plus loin, en particulier dans le recours à la solidarité nationale », a affirmé la nièce du Général de Gaulle. Les principes qui seront votés « deviendront incontournables » et « l'octroi de moyens humains et financiers devra suivre », a-t-elle ajouté, relayant ainsi la déception des associations de solidarité.
Celles-ci, regroupées au sein du collectif Alerte, déplorent en effet qu'une partie du financement de la loi provienne de redéploiements budgétaires. Si, à la veille de la discussion, elles pouvaient se satisfaire d'avoir inspiré un grand nombre d'amendements portant notamment sur l'emploi, la prévention des expulsions et l'accès aux soins, les associations restaient néanmoins critiques, regrettant à nouveau les lacunes du texte en matière de soins médicaux et l'absence d'implication dans le projet des ministères de l'Education nationale et de la Culture. Et surtout, elles demeuraient vigilantes, Jacques Barrot ayant annoncé qu'un « tri » sévère serait opéré parmi les amendements.
Plus radicaux, les mouvements de sans-abri, chômeurs et autres « sans-droits » ont, après avoir occupé symboliquement le château de Versailles le 13 avril, manifesté le 15 avril devant l'Assemblée nationale pour demander « l'abolition de l'exclusion » et réclamer « la mise au placard de la loi ».
Après une bataille de procédure menée par l'opposition, les députés ont entamé, mercredi, l'examen du texte et des 600 amendements qui l'accompagnent. Ils devraient poursuivre leurs travaux jusqu'au 21 avril.