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Entre passé et futur recomposés

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Le métier d'AMP souffre encore d'une image confuse et dévalorisée. Les défis à relever doivent être l'occasion de réaffirmer la spécificité de cette profession.

« Le métier d'aide médico-psychologique n'est pas un métier au rabais. » « Il y a une véritable richesse d'une profession. » L'insistance de Jean-Pierre Gourmelon, président de l'Association pour les formations aux professions éducatives et sociales  (AFPE), sonnait, lors de la journée célébrant les 25 ans des aides médico-psychologiques (AMP) à Saint-Brieuc, comme une incantation (1). Preuve qu'aujourd'hui encore, la reconnaissance ne va pas de soi.

Pourtant, les colloques (2) et les rapports qui se multiplient autour de l'anniversaire de cette profession permettent de mesurer le chemin parcouru depuis 1972. Aujourd'hui les AMP sont environ 13 500 et leur nombre a presque doublé depuis 1986. Le métier a connu un développement important à la mesure de celui des institutions pour handicapés : ouverture d'IME et d'IMP dans les années 70, puis extension du secteur adulte dans les années 80 (foyers d'hébergement pour les handicapés travaillant en CAT, foyers de vie, MAS...). Ce « qui a d'ailleurs correspondu très nettement à l'arrivée des hommes dans la profession », remarque Anne-Marie Briand, chef de département à l'AFPE. Même si les AMP restent à 80 % des femmes, selon l'enquête publiée en 1995 par Promofaf (3).

Des évolutions...

Les fonctions ont évolué à mesure que les AMP étaient amenées à travailler avec des adultes et des personnes âgées. Les trois textes officiels (1972, 1984, 1992) qui encadrent la profession ont d'ailleurs élargi son champ de compétence. En 1972, l'AMP, qui « seconde l'éducateur », effectue un « maternage thérapeutique », essentiellement auprès de personnes handicapées physiques  en 1984, elle « participe à l'équipe [...] soigne et prend soin » et peut exercer en hôpital psychiatrique  enfin, en 1992, elle « participe à l'accompagnement des personnes handicapées ou des personnes âgées dépendantes au sein d'équipes pluri-professionnelles et sous la responsabilité d'un travailleur social ou paramédical » et peut, dès lors, travailler en maison de retraite. Cette mutation touche également la conception du métier : on n'attend plus seulement de l'AMP des qualités de « spontanéité, de contact » et de « dévouement » (selon les termes du texte de 1972), mais aussi une « capacité à un engagement relationnel » et « une présence éducative ».

Par ailleurs, l'identité professionnelle s'est également construite par le biais de la formation théorique en cours d'emploi débouchant sur le certificat d'aptitude aux fonctions d'AMP (CAFAMP). Et ses apports sont loin d'être négligeables, comme le souligne Michèle Rioallon, AMP depuis 19 ans et exerçant en IME : « J'y ai acquis de la méthode mais aussi des outils pour prendre de la distance et pour formuler les questions soulevées par les problèmes quotidiens. J'y ai fait l'apprentissage du fait que l'AMP peut induire de l'inconfort. »

On ne saurait nier qu'un référentiel professionnel existe bel et bien aujourd'hui. « Il y a une identité et une spécificité de l'AMP autour des notions d'accompagnement, de présence, d'aide et de soin. C'est un service humain dont nous avons fait un véritable métier », affirme Jean-Pierre Gourmelon. Et, même s'il est parfois source de confusions, le positionnement des AMP à la frontière du médical, du psychologique et de l'éducatif est ce qui semble le mieux définir la profession. C'est en effet sur la notion d'action globale envers la personne que les AMP se retrouvent : aider dans les tâches et les soins quotidiens  mais aussi autonomiser, assurer un suivi individuel et pouvoir l'intégrer et en rendre compte au sein d'un projet d'équipe, observer et animer, être capable d'empathie mais aussi de prise de distance.

... mais une reconnaissance encore fragile

Il n'empêche que si la définition du métier est acquise en théorie, sur le terrain subsistent de nombreuses inquiétudes. En effet, les controverses, qui ont accompagné la mise en place du CAFAMP en 1972, ont laissé leur trace. Accusées de créer un diplôme de sous-éducateur, les formations d'AMP se voyaient reprocher de disqualifier le travail social. En outre, l'image des AMP, aujourd'hui comme hier, souffre comme d'autres professions « de l'unique valorisation des qualités conceptuelles », déplore Jean-Pierre Gourmelon. D'autant que certaines pratiques institutionnelles fragilisent également l'identité professionnelle : « J'ai créé des postes d'AMP plutôt que d'éducateurs... la raison financière n'y était pas complètement étrangère », reconnaît un directeur d'IME. Enfin, faut-il souligner la multiplication des contrats précaires de type CES ou CIE.

Autre reproche : les institutions cantonnent encore trop souvent les professionnelles dans un rôle traditionnel ou n'utilisent pas leurs compétences spécifiques. « Nous avons beaucoup de mal à faire notre place en tant qu'AMP, car dans notre établissement tout le monde fait tout », déclare ainsi une AMP exerçant en maison de retraite. Ce problème de reconnaissance ne facilite guère le positionnement des intervenantes face aux professions qu'elles côtoient. Sachant que le discours de certains employeurs est lui-même extrêmement ambigu. « S'il y avait des éducateurs spécialisés dans mon établissement, éducateurs et AMP auraient la même fiche de poste », explique ainsi un directeur de foyer de vie, souhaitant probablement exprimer sa confiance dans les compétences des AMP. Mais le salaire, lui... ne suivrait sûrement pas (4).

Quoi qu'il en soit, tous ces propos, qui tendent à noyer la spécificité du métier, freinent la construction de l'identité professionnelle. Et ils nient une réalité : celle de la hiérarchie des salaires et celle de la hiérarchie des fonctions qui existe dans les organigrammes des institutions. Dès lors, comment réclamer en même temps que soit facilitée la promotion des AMP vers le métier d'éducateur ?

Des compétences nouvelles

Bon nombre de défis restent donc à relever. Au-delà des passerelles à renforcer entre professions du social, il s'agit, selon Jean-Pierre Gourmelon, de « redéfinir sans cesse le contenu de métier et le contenu d'intervention ».

Le champ d'intervention des AMP s'étant considérablement élargi, se font jour des besoins nouveaux en termes de compétences. Ainsi, Alain Planson, gestionnaire d'une MAS composée de petits logements individuels, souligne avoir besoin d'AMP « qui sortent du registre de l'éducatif pour'être à disposition " ». L'embauche de plus en plus fréquente en maison de retraite nécessite également des connaissances approfondies en gériatrie et en soins, mais aussi la capacité d'assumer un accompagnement de fin de vie. Les AMP doivent, par ailleurs, s'attendre à une prise de responsabilités accrue dans des équipes qui comptent de moins en moins d'éducateurs. Enfin, la profession doit relever le défi que pose le développement du bénévolat dans les emplois de proximité et l'aide à domicile. Or, les textes limitent l'extension du champ professionnel des AMP. « Peut-être faudra-t-il les changer si les besoins changent », avance Jean-Pierre Gourmelon. Quant à l'avenir ? Pour Alain Planson, c'est « rémunérer les AMP à domicile et les y former ». C'est aussi, « pourquoi pas, suggère Jean-Pierre Gourmelon, un tronc commun de formation des métiers de proximité suivi d'une spécialisation ».

Il n'en reste pas moins qu'au quotidien, rappelle Joseph Rouzel, psychanalyste et formateur à l'IRTS de Montpellier, les AMP sont confrontés au corps, à la mort et aux angoisses que génèrent « l'étrange et le familier » chez l'autre. D'où la nécessité de mettre en place des espaces d'expression « en préventif et non seulement en curatif », précise-t-il. Mais cette prise de parole « doit aussi » s'effectuer « dans les colloques et les jurys de formation. Les AMP doivent intervenir eux-mêmes et ne pas laisser parler les seuls éducateurs », ajoute Franck Amice, AMP au foyer Ker-Spi de Plérin. Après 25 ans d'existence, c'est bien cette parole qui devrait donner sa maturité à la profession.

Valérie Larmignat

PROFILS ET TRAJECTOIRES

Soucieux de « connaître les conditions d'exercice des professionnels AMP en vue d'ajuster et de développer les formations actuellement mises en place », l'Institut de formation psychopédagogique permanente (IFPP) de Strasbourg a commandé une étude au Centre d'études et de recherches sur l'intervention sociale (université de sciences humaines de Strasbourg) sur Les profils et trajectoires des aides médico-psychologiques   (5). Celle-ci devrait être présentée les 26 et 27 mai prochains, aux premières assises régionales des AMP d'Alsace. A l'encontre d'une idée reçue tenace, l'enquête révèle que seules 5 % des AMP interrogées « se sont inscrites à cette formation parce qu'elles ont échoué aux épreuves de sélection de moniteur-éducateur ou d'éducateur spécialisé ». On ne devient donc pas AMP par dépit ou par défaut. Cependant, la première motivation à passer le diplôme est qu'il peut favoriser une progression de carrière. Les AMP réclament une formation initiale plus longue et plus fournie et, pour les deux tiers, elles suivent des stages en formation continue. Les employeurs, dans l'ensemble satisfaits des apports de la formation (qualité d'observation, méthodologie), pointent des lacunes : écriture, compétence en gériatrie et en soins médicaux. S'intéressant aux pratiques et aux représentations du métier, l'étude révèle un hiatus. Alors que l'accompagnement individuel est, pour les AMP interrogées, l'activité qui correspond le mieux à l'image qu'elles se font de leur profession, ce sont les soins du corps qui les occupent le plus souvent. Les situations professionnelles sont cependant variées : du rôle traditionnel (proche de l'aide-soignante) à l'AMP coordinateur ou référent (encore rare). AMP et employeurs s'accordent autour des mots clés de suivi personnalisé, d'animation, de soin, d'accompagnement, dessinant ainsi « les contours d'une polyvalence originale et cohérente ». Comment comprendre alors la difficulté des AMP à se positionner par rapport aux autres professions ? 63 %pensent en effet que « rien ne les distingue des éducateurs ». Les auteurs expliquent que « l'attitude des employeurs qui insistent sur la nécessaire polyvalence et/ou l'absence de différence entre les activités des AMP et celles des aides- soignantes remet en question ou limite la construction professionnelle des AMP ». Embauchées il y a 20 ans essentiellement dans des établissements pour enfants, 60 % des AMP interrogées exercent actuellement dans des structures pour adultes handicapés. Et, si 70 % déclarent ne pas vouloir changer de poste, 55 % ont le projet de s'inscrire en formation qualifiante. Usure professionnelle ? Image dévalorisée du métier ? Il faudrait, estiment les chercheurs, pouvoir « négocier l'ouverture sur des compétences limitrophes » pour répondre aux attentes des employeurs.

Notes

(1)   « L'AFPE fête les aides médico-psychologiques », 14 mars 1997 - AFPE : Route de Callac - 29600 Morlaix - Tél. 02 98 62 35 35.

(2)   « Ve assises du social. Après 25 ans d'existence : être AMP ou l'art d'accompagner la vie avec les personnes dépendantes », 4 avril 1997 - IRTS de Bretagne : 2, avenue du Bois-Labbé - BP 1639 - 35016 Rennes cedex - Tél. 02 99 59 41 41. Et en mai à Strasbourg (voir encadré page suivante).

(3)  Les aides médico-psychologiques en 1994 - Une monographie professionnelle - Voir ASH n° 1946 du 27-10-95.

(4)  Selon l'enquête de Promofaf, le salaire d'un AMP en 1994 était de 7 500 F en début de carrière et plafonnait autour de 9 500 F.

(5)  Ses résultats doivent cependant être lus avec précaution : seules 148 AMP ont renvoyé leur questionnaire. CERIS - Déc. 1996 - Disponible à l'IFPP de Strasbourg : 5, rue Saint-Léon - 67082 Strasbourg cedex - Tél. 03 88 36 36 30 - 43 F.

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