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Création des plans d'épargne retraite

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En permettant aux entreprises de créer des plans d'épargne retraite, la loi du 25 mars institue un troisième étage de retraite, par capitalisation. 14 millions de salariés du secteur privé sont susceptibles d'être concernés par ce nouveau dispositif dont la mise en œuvre ne sera effective qu'après parution des décrets et arrêtés d'application, attendue pour la fin juin.

Le régime de retraite est basé sur le principe de répartition : les actifs assurant le paiement non de leurs retraites, mais de celles des retraités actuels. Il comportait jusqu'ici deux étages, le régime de base et les régimes complémentaires (ARRCO et AGIRC), financés par des cotisations obligatoires, tous deux gérés au niveau national par les partenaires sociaux.

La loi du 25 mars 1997 ajoute un troisième « étage » à cette construction, fondé cette fois sur le principe decapitalisation à partir de cotisationsfacultatives. Fonctionnant de manière sensiblement identique à l'assurance vie, les salariés pourront ainsi accumuler des droits à pension auprès d'organismes privés qui leur reverseront ensuite, sous la forme d'un capital ou d'une rente, les sommes ainsi épargnées, augmentées éventuellement d'intérêts.

Mais la loi du 25 mars n'a pas seulement pour objectif« d'apporter une réponse à la dégradation du rendement des retraites par répartition grâce à la constitution d'une épargne surcomplémentaire ». Elle vise aussi, comme le signale Jean-Pierre Thomas, député rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, à «  renforcer les fonds propres des entreprises françaises, en particulier des PME, et les aider dans leur développement et dans leurs investissements ».

Touchant à des thèmes sensibles - les revenus des personnes âgées et le financement des entreprises -, la préparation de la loi a été laborieuse et longue. Différentes propositions de loi ont, en effet, été déposées depuis 1993 sur ce thème par plusieurs parlementaires : le sénateur Philippe Marini le 19 février 1993, les députés Charles Millon et Jean-Pierre Thomas le 18 novembre 1993 et même Jacques Barrot, alors simple député, le 2 mars 1994 (1). De son côté, le gouvernement avait lui-même annoncé, à plusieurs reprises, le dépôt d'un projet de loi, non suivi d'effets (2). Reprenant à la fois les propositions Millon-Thomas et Barrot, le texte examiné par le Parlement a suscité nombre de critiques et de débats, notamment de la part des syndicats et des régimes de retraite, général ou complémentaires (3). Enfin, il a été soumis, par plusieurs sénateurs du groupe socialiste, au Conseil constitutionnel.

Dans sa décision rendue le 20 mars 1997, le Conseil a néanmoins jugé ce texte conforme à la Constitution. A l'appui de sa position, il note que, par son « caractère facultatif », le système mis en place ne « modifie pas les droits et obligations du régime général d'assurance vieillesse de la sécurité sociale et des régimes complémentaires ». Ainsi, il ne porte pas atteinte aux droits garantis par la Constitution pour les personnes dans l'incapacité de travailler « d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». Le Conseil estimant par ailleurs « qu'aucune règle constitutionnelle ne garantit un principe dit de l'équité entre les générations ».

La mise en œuvre de ce nouveau régime de retraite ne peut cependant être immédiate. La loi du 25 mars 1997 ne dresse, en effet, qu'un cadre général à la mise en place des plans d'épargne retraite par les entreprises. Certes les conditions d'adhésion des salariés, le régime social et fiscal des versements et les modalités de gestion de ces plans sont fixés. Mais nombre de ces règles doivent encore être complétées par plusieurstextes réglementaires qui devraient intervenir, a promis le ministre de l'Economie et des Finances, Jean Arthuis,d'ici à la fin juin.

Mise en place des plans d'épargne retraite

Les plans d'épargne retraite peuvent être souscrits par un ou plusieurs employeurs ou par un groupement d'employeurs au profit de leurs salariés.

MODALITÉS DE SOUSCRIPTION

Cette souscription peut résulter :

• soit d'un accord collectif conclu au sein de l'entreprise ou d'un accord de branche, professionnel ou interprofessionnel, conclu à un échelon local, régional ou national, conformément aux conditions de droit commun de la négociation collective. L'accord peut être signé avec les délégués syndicaux ou, dans des conditions dérogatoires prévues par accord de branche, avec les représentants du personnel ou un salarié désigné spécifiquement à cet effet (4). Il ne nécessite toutefois pas d'être étendu par arrêté ministériel et peut comporter des dispositions moins favorables que celles prévues dans un accord conclu à un échelon supérieur, contrairement à l'interdiction de principe qui prévaut en droit du travail 

• soit d'une décision unilatérale de l'employeur ou d'un groupement d'employeurs, en cas d'impossibilité de conclure un accord collectif ou de le conclure dans un délai de 6 mois à compter du début de la négociation. Cette décision est constatée dans un écrit remis à chaque salarié.

Dans les deux cas, les plans d'épargne retraite doivent être proposés à l'ensemble des salariés de l'entreprise ou, en cas d'accord de branche, professionnel ou interprofessionnel, à tous les salariés compris dans le champ d'application professionnel et/ou territorial concerné. Les conditions d'adhésion peuvent différer d'une catégorie de salariés à l'autre mais elles doivent être définies de façon identique pour des catégories homogènes de salariés.

De façon à formaliser cette souscription, un contrat est signé entre l'employeur, ou le groupement d'employeurs, et les organismes gérant les fonds d'épargne retraite.

SALARIÉS CONCERNÉS

Conditions générales

Peut adhérer à un plan d'épargne retraite tout salarié lié par un contrat de travail de droit privé et relevant :

• du régime d'assurance vieillesse de base (général ou agricole)  

• et d'un régime de retraite complémentaire obligatoire (type ARRCO ou AGIRC).

Les Français installés à l'étranger peuvent adhérer à un fonds de pension existant même s'ils ne relèvent pas d'un régime de retraite complémentaire.

Cas particuliers

Les salariés d'une entreprise dans laquelle ne sont pas proposés de plans d'épargne retraite, un an après la promulgation de la loi (soit au 26 mars 1998), ni au titre d'un accord collectif d'entreprise, professionnel ou interprofessionnel, ni au titre d'une décision unilatérale de leur employeur ou d'un groupement d'employeurs, peuvent demander, à titre individuel, leur adhésion à un plan d'épargne retraite existant.

Si, postérieurement à cette adhésion, un plan d'épargne retraite est proposé dans leur entreprise, ils peuvent demander que les droits qu'ils ont acquis soient transférés intégralement et sans pénalité sur ce plan. Un décret fixera les conditions d'application de ces dispositions.

INFORMATION DES ADHÉRENTS

Le souscripteur d'un plan d'épargne retraite (l'employeur ou le groupement d'employeurs) est tenu de remettre aux salariés adhérents une notice établie par le fonds qui définit :

• les garanties et leurs modalités d'entrée en vigueur 

• les formalités à accomplir lors de la liquidation de la rente viagère ou, le cas échéant, du versement unique.

Le souscripteur doit également informer l'adhérent par écrit des modifications qu'il est prévu d'apporter à ses droits et obligations lors de toute modification du contenu ou des conditions de gestion du plan d'épargne retraite. La preuve de la remise de cette notice et de ces informations incombe au souscripteur.

En outre, le fonds d'épargne retraite doit indiquer chaque année aux adhérents le montant des droits acquis, par leurs versements et par l'éventuel abondement de leur employeur. Cette somme est dénommée « provision mathématique représentative ».

MODALITÉS DE VERSEMENT

Les versements du salarié sont facultatifs. Peut s'y ajouter un versement complémentaire de l'employeur. Cet abondement est limité chaque année à 4 fois les versementseffectués par le salarié.

Les versements du salarié et l'abondement de l'employeur peuvent être suspendus ou repris sans pénalité. Les conditions sont fixées par les accords collectifs ayant mis en place les plans d'épargne retraite ou, à défaut, par décret.

TRANSFERT DES DROITS ACQUIS

Transfert collectif en cas de changement de fonds d'épargne retraite

L'accord collectif, ou la décision unilatérale de l'employeur, doit prévoir une clause déterminant dans quelles conditions et selon quelle périodicité le choix de ce fonds peut être réexaminé. Cette périodicité ne peut excéder5 ans.

Lorsque l'employeur ou le groupement d'employeurs décide de changer de fonds d'épargne retraite, la contre-valeur des actifs qui y sont déposés - par le salarié et, éventuellement, par lui-même -est intégralement transférée, sans pénalité, vers le nouveau fonds d'épargne retraite dans un délai et selon des modalités qui seront fixés par décret.

Transfert individuel en cas de changement dans la situation du travailleur

En cas de rupture du contrat de travail, le salarié a le choix entre demander le maintien de ses droits acquis au titre de son plan d'épargne retraite ou leur transfert intégral, sans pénalité, sur un autre plan ou contrat d'assurance de groupe (s'il devient travailleur indépendant) dont les prestations sont liées à la cessation d'activité professionnelle.

En l'absence de rupture de son contrat de travail, le salarié peut demander à changer de plan d'épargne retraite à l'expiration d'undélai de 10 ans à compter de son adhésion. Cette demande ne peut être renouvelée qu'une fois.

Prestations versées

Le plan d'épargne retraite ouvre droit, à la date de la cessation définitive d'activité, et au plus tôt à 60 ans, au paiement d'unerente viagère.

A cette date, l'adhérent peut également obtenir unversement unique (sortie en capital) limité à 20 % de la « provision mathématique du plan » (ensemble des sommes versées sur le plan) et à 75 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 123 480 F actuellement.

Si le montant annuel de la rente est inférieur à une valeur fixée par arrêté du ministre de l'Economie, elle est liquidée en totalité sous la forme d'un versement unique.

Enfin, le salarié peut aussi demander que tout ou partie de la rente soit versée, après sondécès, à ses enfants mineurs, incapables ou invalides ou à son conjoint survivant.

Régime social et fiscal de l'épargne retraite

Les versements d'épargne retraite sont, dans une large mesure, exonérés de la plupart des impôts et cotisations sociales. Il faut cependant distinguer le régime fiscal et social des versements d'épargne de celui de la pension.

RÉGIME APPLICABLE AUX VERSEMENTS

Régime fiscal des versements

Les versements des salariés et les contributions supplémentaires de l'employeur sontexonérés d'impôt si leur montant annuel ne dépasse pas, soit 5 % de la rémunération brute du salarié, soit 20 % du plafond annuel de sécurité sociale (32 928 F en 1997). Au-delà, l'excédent est ajouté à la rémunération imposable.

Cependant, il est possible d'utiliser, au cours d'une des 3 années suivantes, le montant de l'enveloppe non imposable non utilisée lors d'une année, pour effectuer des versements complémentaires.

Exemple : en 1997, le salarié a versé 4 000 F, son employeur 16 000 F (le maximum autorisé), soit 20 000 F au total. En 1998, 1999 ou 2000, les versements cumulés du salarié et de l'employeur pourront, en franchise d'impôt, dépasser de 12 928 F le plafond non imposable (20 % du plafond annuel de la sécurité sociale - total des dépôts effectués).

Ces dispositions devront être complétées par un décret précisant notamment les obligations de déclaration du salarié et de son employeur.

Régime social de l'abondement de l'employeur

L'abondement de l'employeur est soumis à la CSG et à la CRDS sur la base de 95 % du versement complémentaire.

Il est exonéré des cotisations d'assurance sociale, d'accidents du travail et d'allocations familialesdans les mêmes conditions que les contributions de retraite complémentaire, c'est-à-dire si le total des contributions concernées reste inférieur à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale (139 944 F en 1997).

Il est exonéré de cotisations Assedic, AGIRC et ARRCO, sauf si les partenaires sociaux en décident autrement.

RÉGIME FISCAL ET SOCIAL DES PENSIONS

D'un point de vue fiscal, les pensions servies au titre des plans d'épargne retraite, ainsi que les sommes retirées de ces plans, sont soumises, dans les mêmes conditions que les autres pensions de retraite, à l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire après déduction des abattements de 10 % et 20 %.

Le montant supplémentaire d'impôt peut aussi être déterminé par une formule de quotient. Il est alors calculé en ajoutant au revenu net imposable, non la totalité de la somme perçue, mais seulement un quart du montant net perçu et en multipliant par 4 la cotisation d'impôt supplémentaire ainsi obtenue (cette formule permettant d'éviter le passage d'une tranche d'imposition à l'autre par le seul fait du versement de la pension d'épargne retraite).

D'un point de vue social, l'épargne retraite devrait être soumise, selon Jean-Pierre Thomas, aux mêmes cotisations sociales (assurance maladie, CSG, CRDS) que les autres pensions de retraite (5).

Gestion des plans d'épargne retraite

Les plans d'épargne retraite sont gérésà l'extérieur de l'entreprise par des fonds d'épargne retraite. Nous ne reprenons ici que les dispositions d'ordre général, la loi encadrant également, parfois de façon détaillée, les différentes techniques financières pouvant être utilisées.

ORGANISMES GESTIONNAIRES

Les fonds d'épargne retraite sont des personnes morales qui ont pour objet exclusif la gestion de plans d'épargne retraite qui doivent donc être extérieurs à l'entreprise.

Ces fonds doivent être impérativement constitués sous une forme juridiqueprécise : société anonyme d'assurance, société d'assurance mutuelle, institution de prévoyance, organisme mutualiste régi par le code de la mutualité.

Les fonds doivent être agréés par un arrêté ministériel et ne peuvent déléguer la gestion des actifs qu'à une entreprise d'investissement, agréée et contrôlée par la commission des opérations de bourse. Mais cette délégation n'étant pas obligatoire, les fonds d'épargne retraite pourront donc effectuer eux-mêmes les placements.

Ils sont soumis au contrôle commun de la commission de contrôle des assurances et de la commission de contrôle des institutions de retraite complémentaire.

RÈGLES DE GESTION DES FONDS

Plusieurs obligations déontologiques pèsent sur les gestionnaires des fonds pour préserver les intérêts de leurs adhérents. Ils doivent notamment « s'abstenir de toute initiative qui aurait pour objet ou pour effet de privilégier leurs intérêts propres au détriment des intérêts des adhérents du fonds » et conserver leur autonomie de gestion afin de « faire prévaloir, dans tous les cas, l'intérêt des adhérents ».

Les fonds d'épargne retraite ne peuvent s'engager à servir des prestations définies. Ils ne pourront donc garantir des taux fixes de rémunération soit en fonction du salaire, soit en fonction des cotisations versées. Cette disposition tend à favoriser le placement en titres de capital « plus rentables » à longue échéance que le placement des actifs en obligations, et« à éviter que les fonds d'épargne retraite ne deviennent une sorte d'assurance vie à très long terme » (Rap. Sén. n° 190, Marini).

• 

Contrôle de l'épargne retraite au niveau de l'entreprise

Dès la mise en place d'un plan d'épargne retraite, le souscripteur (l'employeur ou le groupement d'employeurs) doit mettre en place un comité de surveillance, composé au moins pour moitié dereprésentants élus par les adhérents du plan.

Ce comité peut comprendre également des personnalités non salariées de l'entreprise mais compétentes en matière de protection sociale ou de gestion financière et n'ayant aucun lien de subordination ou d'intérêt avec les fonds d'épargne retraite.
Le comité de surveillance a un rôle non négligeable pour définir les orientations de la gestion. Aucune modification du contrat instituant le plan ne peut être prise sans qu'il en soit informé. Il émet, deux fois par an, un avis sur la gestion du plan et, le cas échéant, sur la gestion du fonds. Il peut interroger les dirigeants du fonds sur une ou plusieurs opérations de gestion et, à défaut de réponse, demander en justice la désignation d'experts. Il peut également réclamer aux commissaires aux comptes et aux actuaires des fonds, auprès desquels les plans sont souscrits, tout renseignement sur l'activité et la situation financière des fonds. Le secret professionnel est alors levé.

Notes

(1)  Voir ASH n° 1869 du 3-03-94.

(2)  Voir ASH n° 1857 du 10-12-93.

(3)  Voir notamment ASH n° 2000 du 6-12-96 du 13-12-96.

(4)  Voir ASH n° 1997 du 15-11-96.

(5)  Voir ASH n° 2004 du 3-01-97.

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