Recevoir la newsletter

La réforme de la détention provisoire

Article réservé aux abonnés

La loi du 30 décembre 1996, dont la plupart des dispositions entrent en vigueur le 31 mars, renforce le caractère exceptionnel de la détention provisoire et en réduit la durée. Objectif principal : diminuer les mises en détention, encore trop nombreuses.

Depuis la loi du 17 juillet 1970, qui a substitué la détention provisoire à la détention préventive, et celle du 9 juillet 1984, qui a exigé un débat contradictoire avant toute décision de placement en détention provisoire, nombre de réformes sont intervenues pour modifier les dispositions du code de procédure pénale (CPP) relatives à la détention provisoire, la dernière en date étant celle du 24 août 1993 (1).

Si, pour Jacques Toubon, le dispositif actuel « a abouti dans son ensemble à un équilibre relativement satisfaisant, en restituant au juge d'instruction la responsabilité d'ordonner une détention provisoire, sous le double contrôle de la chambre d'accusation et de son président, par l'institution du “référé-liberté” », il demeure toutefois « perfectible ». Aussi, « sans bouleverser les règles régissant la détention provisoire »  - ce sera l'objet d'une prochaine réforme globale de la procédure pénale suite au rapport de Michèle-Laure Rassat (2)  -, plusieurs modifications législatives ont toutefois paru nécessaires « pour renforcer l'équilibre qui doit exister entre la protection des libertés individuelles et les nécessités des investigations du juge d'instruction » (J. O. Sén. [C. R.]n° 48 du 30-05-96).

Directement inspirée du rapport du sénateur de l'Isère, Guy Cabanel, Pour une meilleure prévention de la récidive   (3), la loi du 30 décembre 1996 relative à la détention provisoire et aux perquisitions de nuit en matière de terrorisme, neuvième réforme en 13 ans, modifie donc certaines des dispositions du code de procédure pénale en vue de diminuer le nombre de placements en détention provisoire « encore trop élevé » (voir encadré) et surtout d'éviter les mises en détention injustifiées. Afin que le recours à la détention avant jugement, notamment au cours de l'instruction préparatoire, demeure effectivement l'exception, la loi définit plus précisément la notion d'ordre public, réduit la durée des détentions et améliore l'indemnisation des détentions injustifiées. Elle vise également à «  renforcer l'efficacité  » du référé-liberté et inscrit le principe du recours au bracelet électronique comme substitut à la détention provisoire (voir encadré). Elle comporte enfin un certain nombre de mesures qui concernent la procédure d'instruction dans son ensemble.

Ces dispositions, qui s'appliquent également dans les territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte, entrent en vigueur le 31 mars 1997, à l'exception de celles concernant la durée des détentions en matière correctionnelle, dont l'application a été reportée au 1er juillet 1997. Quant aux dispositions relatives aux perquisitions de nuit en matière de terrorisme, elles sont effectives depuis le 3 janvier dernier.

Textes applicables

• Loi n° 96-1235 du 30 décembre 1996, J. O. du 1-01-97.

• Décret n° 97-180 du 28 février 1997, J. O. du 2-03-97.

• Circulaire crim. 97/4/F1 du 4 février 1997, à paraître au B. O. (perquisitions de nuit en matière de terrorisme).

• Circulaire crim. 97/08/F1 du 3 mars 1997, à paraître au B. O. (détention provisoire).

Placement ou maintien en détention provisoire

C'est en vertu du principe de la présomption d'innocence, énoncé à l'article IX de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, que le code de procédure pénale fait du maintien en liberté de la personne soupçonnée d'avoir commis un crime ou un délit la règle, et de sa mise en détention provisoire l'exception. Aussi, la détention provisoire ne peut-elle être prononcée qu'à raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté et, en tout état de cause, à titre exceptionnel, le contrôle judiciaire devant lui être préféré chaque fois que les circonstances de l'affaire le permettent (art. 137 CPP).

Dans sa rédaction actuelle, l'article 144 du code de procédure pénale subordonne le placement en détention provisoire, aussi bien en matière correctionnelle que criminelle, à la condition que la peine encourue soit égale ou supérieure à 2 ans d'emprisonnement (un an en cas de flagrant délit) et que les obligations susceptibles d'être imposées par le contrôle judiciaire soient insuffisantes pour répondre aux nécessités de l'instruction ou aux exigences de sûreté précitées. Deux autres conditions, tenant au motif de l'incarcération, doivent également être remplies :

• la détention provisoire est l'unique moyen de conserver les preuves ou les indices matériels ou d'empêcher soit une pression sur les témoins ou les victimes, soit une concertation frauduleuse entre personnes mises en examen et complices 

• elle est nécessaire pour protéger la personne concernée, pour garantir son maintien à la disposition de la justice, pour mettre fin à l'infraction ou en prévenir le renouvellement, ou pour préserver l'ordre public du trouble causé par l'infraction.

Peut également être placé en détention provisoire, celui qui se sera volontairement soustrait aux obligations du contrôle judiciaire.

Se mettant en conformité avec l'article 137 du code de procédure pénale, la loi du 30 décembre 1996 rappelle le « caractère exceptionnel » de la détention provisoire et modifie en conséquence l'article 144 du CPP.

Le caractère exceptionnel du placement en détention provisoire

Afin de limiter le nombre des placements en détention provisoire, la loi du 30 décembre 1996 définit de façon plus restrictive la notion de trouble à l'ordre public, exige de motiver l'insuffisance du contrôle judiciaire et rend obligatoire la prise de réquisitions écrites et motivées par le parquet.

DÉFINITION DU TROUBLE À L'ORDRE PUBLIC

Tout en conservant le critère du trouble à l'ordre public parmi les motifs pouvant justifier le placement d'une personne en détention provisoire, la loi en précise les contours, parfois considérés comme «  imprécis » et donc «  source d'abus » (Rap. Sén. n° 374, Othily). Ces modifications, qui s'appliquent à l'ensemble des détentions provisoires, ont des conséquences particulières en ce qui concerne la détention des mineurs de 16 ans faisant l'objet de pour-suites criminelles.

Principe

Désormais, la loi met en évidence le fait que le critère du trouble à l'ordre public est, comme le souligne l'exposé des motifs, « un motif de mise en détention provisoire qui ne peut être placé sur le même plan que les autres critères de détention prévus par l'article 144 du CPP ».

Ainsi, la mise en détention provisoire, fondée sur le motif d'atteinte à l'ordre public, est soumise, à compter du 31 mars, à deux conditions cumulatives  :

• l'infraction a provoqué un trouble « exceptionnel et persistant » à l'ordre public en raison de sa gravité, des circonstances de sa commission ou de l'importance du préjudice qu'elle a causé. Le caractère persistant du trouble exige que le juge apprécie son existence éventuelle au moment où il prend sa décision, et non au moment où les faits ont été commis. Cette nouvelle définition du critère du trouble à l'ordre public est étendue au maintien en détention provisoire lors du renvoi devant le tribunal correctionnel 

• la détention de l'auteur des faits estl'unique moyen de mettre fin à ce trouble.

« Plus contraignante que la rédaction antérieure », aux termes de laquelle il suffisait que la détention soit « nécessaire pour préserver l'ordre public du trouble causé par l'infraction », «  celle issue de la loi du 30 décembre semble mieux à même de prévenir le risque d'un usage abusif », souligne Philippe Houillon, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale : «  Un simple trouble à l'ordre public ne suffira plus à justifier une mise en détention provisoire, pas plus que le caractère exceptionnel du trouble à l'ordre public, à supposer qu'il soit établi, s'il y avait d'autres moyens d'y mettre fin que l'incarcération de l'auteur des faits » (Rap. A. N. n° 2916, Houillon). »

A noter  : la loi modifie accessoirement la définition des critères autres que celui lié à l'ordre public, là aussi dans le sens d'une plus grande rigueur. Ainsi, la personne mise en examen ne peut être placée en détention provisoire que si cette incarcération est « l'unique moyen  » de la protéger, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement. Le juge ne pourra donc plus la justifier par le fait que la détention provisoire était simplement « nécessaire ».

Conséquences en matière de détention provisoire des mineurs

Le quatrième alinéa de l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, qui prévoit la prolongation au-delà de 6 mois de la détention provisoire d'un mineur de 16 ans poursuivi pour crime, n'a pas été modifié par la loi du 30 décembre. Cette disposition continue donc de renvoyer aux deux premiers critères posés par l'article 144 du CPP pour prolonger la détention (unique moyen de conserver les preuves ou d'empêcher une pression, protection de la personne concernée...).

La loi du 30 décembre ayant fait du trouble à l'ordre public un troisième critère distinct, la détention d'un mineur de 16 ans ne peut donc plus être prolongée en matière criminelle au-delà de 6 mois par une ordonnance faisant référence au trouble à l'ordre public. Seuls les autres motifs d'incarcération peuvent être pris en compte, indique une circulaire du ministère de la Justice du 3 mars dernier.

EXIGENCE D'UNE MOTIVATION CARACTÉRISANT L'INSUFFISANCE DU CONTRÔLE JUDICIAIRE

Actuellement, l'ordonnance de placement en détention provisoire doit énoncer les considérations de droit et de fait constituant le fondement de la décision, par référence aux seules conditions posées par l'article 144 du CPP (peine encourue, caractère insuffisant du contrôle judiciaire, motif de l'incarcération). La Cour de cassation a interprété strictement cette règle en considérant que la loi n'imposait pas au juge d'instruction de préciser dans son ordonnance en quoi les obligations du contrôle judiciaire lui paraissaient insuffisantes.

Revenant sur cette jurisprudence, la loi prévoit qu'à compter du 31 mars, les ordonnances motivées de placement en détention provisoire et les ordonnances de prolongation doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait justifiant non seulement la détention par référence aux dispositions de l'article 144 du CPP, mais également « le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire ».

En revanche, cette nouvelle exigence ne concerne pas les ordonnances refusant une demande de mise en liberté, ni celles prescrivant le maintien en détention lors du règlement de l'information, précise l'administration.

Qui sont les détenus « prévenus »  ?

En vertu de l'article D. 50 du code de procédure pénale, tous les détenus qui sont sous le coup de poursuites pénales et qui n'ont pas fait l'objet d'une condamnation définitive sont des « prévenus ». Dans cette catégorie, figurent les détenus incarcérés en vertu d'une décision d'un juge d'instruction, les détenus en attente de passer devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises ainsi que les personnes condamnées qui ont formé une opposition, un appel ou se sont pourvues en cassation.
En moyenne, sur 10 détenus actuellement incarcérés en France, 6 sont condamnés et 4 sont « détenus provisoires », c'est-à-dire non définitivement jugés. Ilssont aujourd'hui près de 22 000 et restent en moyenne 4 mois en prison en qualité de prévenus. La tendance, depuis le 1er janvier 1994, est de nouveau à l'augmentation de leur nombre. Enfin, environ 3 000 détenus provisoires bénéficient chaque année (lorsqu'ils comparaissent devant les tribunaux ou en fin d'instruction) de relaxes, d'acquittements, d'ordonnances de non-lieu ou de peines d'emprisonnement assorties d'un sursis.

(Source : Observatoire international des prisons, 1996)

RÉQUISITIONS ÉCRITES ET MOTIVÉES DU MINISTÈRE PUBLIC

Parallèlement, les réquisitions du procureur de la République tendant au placement ou au maintien en détention provisoire doivent désormais être écrites et motivées. Une disposition déjà prévue par le code de procédure pénale pour les décisions du juge d'instruction ordonnant la détention provisoire. Cette exigence, qui vient pour partie consacrer la pratique judiciaire, « rendra toutefois nécessaire, à chaque fois que le parquet ouvrira une information contre une ou plusieurs personnes dénommées dont il demandera le placement en détention, de joindre au réquisitoire introductif des réquisitions écrites et motivées pour chacune des personnes dont la détention est sollicitée », précise la circulaire du 3 mars dernier.

La durée du placement en détention provisoire

DURÉE RAISONNABLE DE LA DÉTENTION PROVISOIRE

Consacrant expressément dans notre droit interne la notion de « délai raisonnable » des articles 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, la loi inscrit ce principe dans le code de procédure pénale.

Désormais donc, la détention provisoire ne peut excéder une « durée raisonnable » qui doit être appréciée « au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ».

Le juge d'instruction doit ordonner la mise en liberté immédiate de la personne dès que les conditions du recours à la détention provisoire ne sont plus remplies ou que la détention excède une durée raisonnable.

PROLONGATION DE LA DÉTENTION PROVISOIRE

En matière correctionnelle

La durée de la détention provisoire en matière correctionnelle ne peut excéder 4 mois. Sa prolongation est toutefois autorisée dans des conditions qui tiennent compte de la gravité du délit commis et des éventuelles condamnations antérieures de la personne mise en examen.

Régime actuel

La peine encourue est inférieure ou égale à 5 ans

Dans cette hypothèse et si la personne n'a jamais été condamnée ou n'a pas été condamnée, pour crime ou délit, à une peine supérieure à un an, la détention provisoire ne peut être prolongée qu'une seule fois et pour une durée n'excédant pas 2 mois. Sa durée totale est donc de 6 mois maximum.

Lorsque la personne a déjà été condamnée antérieurement, pour crime ou délit, à une peine supérieure à un an, la détention provisoire peut actuellement faire l'objet de prolongations successives de 4 mois chacune au maximum, à la condition que la durée totale n'excède pas un an. Au-delà, le juge d'instruction peut prolonger la détention « à titre exceptionnel » pour une durée maximale de 4 mois par ordonnance motivée rendue après débat contradictoire. Cette décision peut être renouvelée selon la même procédure autant de fois qu'il le juge nécessaire (à chaque fois pour 4 mois au maximum), à la condition que sadurée totale n'excède pas 2 ans.

La peine encourue est supérieure à 5 ans

Il n'est pas tenu compte du passé judiciaire de la personne mise en examen. La détention provisoire peut être prolongée chaque fois pour 4 mois au maximum à la condition que sa durée totale n'excède pas un an. Au-delà, le juge d'instruction peut pareillement décider des prolongations exceptionnelles de 4 mois chacune au maximum en prenant, après un débat contradictoire, une ordonnance motivée. Mais ici, contrairement au cas précédent, la durée de la détention provisoire n'est pas limitée

A compter du 1er juillet 1997

Réduction de la durée maximale de la détention provisoire

A compter du 1er juillet 1997, la durée maximale de principe de la détention provisoire, lorsque la peine encourue est inférieure ou égale à 5 ans et que la personne a déjà été condamnée pour crime ou délit à une peine supérieure à un an, sera ramenée d'un an à 8 mois (soit 4 mois de durée initiale plus une prolongation de 4 mois). Au-delà de ce délai, une seule prolongation exceptionnelle de 4 mois sera autorisée.

En conséquence, la loi avance au 8e mois (soit à la 2e prolongation) l'obligation pour le juge d'instruction de procéder à un débat contradictoire en matière correctionnelle (alors qu'actuellement ce débat n'intervient qu'après un an, lors de la 3e prolongation). Cette modification est notamment justifiée par le fait qu'à partir de 8 mois de détention apparaît l'exigence d'une motivation renforcée , explique l'administration.

Bien que n'étant applicable qu'à partir du 1er juillet 1997, cette modification nécessitera, selon le ministère de la Justice, dans les procédures pour lesquelles la détention provisoire atteindra une durée de 8 mois dans les premiers jours de juillet (c'est-à-dire lorsque la détention a commencé début novembre 1996), d'organiser un débat contradictoire quelques jours avant le 1er juillet, afin de permettre d'ordonner la prolongation de ces détentions dans les conditions exigées par la loi.

Institution de nouveaux délais « butoir »

A compter du 1er juillet 1997, la durée maximum de la détention provisoire sera fixée à un an (contre 2 actuellement) pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à 5 ans, lorsque la personne a déjà été condamnée, et à 2 ans pour les délits punis de plus de 5 ans mais de moins de 10 ans d'emprisonnement (alors qu'aujourd'hui il n'existe aucun délai « butoir » dans cette hypothèse). A cette date donc, existeront trois délais « butoir » en matière correctionnelle (6 mois, un an et 2 ans), seuls les délits punis de 10 ans d'emprisonnement ne faisant pas l'objet de telles limitations, sous réserve toutefois de la notion de « durée raisonnable ».

En matière criminelle

La durée maximale de la détention provisoire en matière criminelle est fixée à un an. Jusqu'ici, la loi autorisait la prolongation de cette mesure pour une durée ne pouvant excéder un an, par décision motivée du juge d'instruction rendue après un débat contradictoire. Cette décision pouvait être renouvelée selon la même procédure sans limite dans le temps.

Sans modifier la durée initiale de la détention provisoire, qui reste fixée à un an maximum, la loi apporte deux modifications à ce dispositif. D'une part, reprenant la proposition du rapport Cabanel, elle réduit de un an à 6 mois la durée maximale de chaque prolongation, celle-ci pouvant toujours être renouvelée sans limite de temps. Seule s'applique la notion de « durée raisonnable » . D'autre part, elle précise que le renouvellement de la décision prolongeant la détention au-delà d'un an devra respecter la disposition prévoyant l'exigence d'une motivation particulière (voir ci-dessous).

Ces modifications s'appliquent à compter du 31 mars à l'ensemble des prolongations ordonnées en matière criminelle depuis moins de 6 mois, dont la durée se voit ramenée à 6 mois. Ainsi, dans les 6 mois de l'entrée en vigueur de la réforme, toutes les détentions criminelles auxquelles il ne sera pas mis fin devront faire l'objet d'une prolongation à l'issue d'un débat contradictoire, ce débat étant l'occasion de faire le point sur l'état de la procédure au regard des nouvelles dispositions relatives à la durée raisonnable des détentions, note l'administration.

En conséquence, dans certaines procédures pour lesquelles, du fait de l'application immédiate des nouvelles dispositions, la prolongation expirera dans la semaine du 31 mars, le renouvellement devra être ordonné au cours d'un débat contradictoire effectué avant cette date.

Exigence d'une motivation particulière des décisions de prolongation de la détention provisoire

Confirmant la pratique, la loi pose en principe l'exigence d'une motivation particulière pour les décisions ordonnant la prolongation, ou rejetant les demandes de mise en liberté, d'une détention dont la durée excède 8 mois en matière délictueuse ou un an en matière criminelle. Le magistrat instructeur devrait ainsi fournir « les indications particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure  ».

Concrètement, le juge donne soit une date prévisible d'achèvement, soit une estimation du nombre de semaines, de mois ou, dans des circonstances très exceptionnelles, d'années pendant lesquelles il envisage de poursuivre ses investigations, explique la circulaire du 3 mars. Cette précision n'est qu'indicative et « rien n'interdira au juge d'instruction, en cas d'élément nouveau ou même s'il a mal estimé ce délai, de poursuivre son information plus longtemps que prévu en maintenant, si nécessaire, la personne en détention provisoire ».

Mais le juge n'est pas tenu d'indiquer la nature des investigations auxquelles il a l'intention de procéder lorsque cette indication risquerait d'entraver leur accomplissement. Il convient en effet, selon l'administration, que « les exigences posées par la loi n'aient pas pour conséquence, dans certains dossiers complexes comme en matière de terrorisme ou de grand banditisme, d'obliger le juge à dévoiler à l'avance les méthodes qu'il compte utiliser pour parvenir à la manifestation de la vérité (comme, par exemple, l'utilisation d'écoutes téléphoniques)  ».

Perquisitions de nuit en matière de terrorisme

La loi du 30 décembre 1996 définit les conditions dans lesquelles il peut être procédé à des perquisitions nocturnes en matière de terrorisme. Ces dispositions sont applicables depuis le 3 janvier dernier.
Ainsi, aux termes du nouvel article 706-24-1 du code de procédure pénale, les visites, perquisitions et saisies ne peuvent être effectuées en dehors des heures légales (avant 6 heures et après 21 heures) pour la recherche et la constatation des actes de terrorisme qui constituent un crime ou un délit puni d'au moins 10 ans d'emprisonnement « qu'en cas d'urgence et si les nécessités de l'instruction l'exigent  ». Autrement dit, une perquisition de nuit « ne peut être réalisée que s'il paraît impossible d'attendre le lendemain pour y procéder », précise une circulaire du ministère de la Justice du 4 février 1997
Les perquisitions de nuit ne peuvent intervenir que dans trois cas limitativement énumérés :

• lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit flagrant. Est ici visée l'hypothèse dans laquelle l'information a été ouverte aussitôt après la commission des faits, à la suite d'une très brève enquête de flagrance, la notion de flagrance pouvant alors continuer d'être prise en compte pendant les premiers jours de l'instruction 

• lorsqu'il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels, c'est-à-dire, selon l'administration, dans des situations qui, même si elles ne correspondent pas nécessairement à l'hypothèse dans laquelle risque de se commettre, en flagrance, le délit de destruction de preuves, s'y apparentent toutefois largement 

• lorsqu'il apparaît que les personnes se trouvant dans les locaux à perquisitionnerse préparent à commettre de nouveaux actes de terrorisme.
A peine de nullité, ces perquisitions doivent être autorisées par une ordonnance motivée du juge d'instruction, prise à la suite d'une commission rogatoire. Elle doit indiquer la nature de l'infraction dont la preuve est recherchée, ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les perquisitions doivent être accomplies. Elle doit également comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement de la décision par référence aux trois cas précités. L'ordonnance doit être notifiée, par tout moyen, au procureur de la République. Même si la loi ne l'exige pas, l'administration souhaite que cette information du parquet puisse intervenir dès avant le commencement de la perquisition.
L'ordonnance du juge d'instruction prescrivant la perquisition de nuit n'est pas susceptible d'appel.

(Article 16 de la loi du 30 décembre 1996 et circulaire crim. 97/4/F1 du 4 février 1997, à paraître au B. O.)

L'indemnisation des détentions injustifiées

Les conditions de l'indemnisation d'une détention provisoire ayant abouti à un non-lieu, une relaxe ou un acquittement sont modifiées.

Désormais, il n'est plus exigé que la détention ait causé un préjudice « manifestement anormal et d'une particulière gravité » pour ouvrir droit à indemnisation, la simple démonstration de l'existence d'un préjudice étant suffisante. Une décision adoptée, selon l'administration, afin de rendre plus facile l'octroi de dommages et intérêts par la commission d'indemnisation.

La procédure de « référé-liberté »

La procédure dite du « référé-liberté » a été instituée par la loi du 24 août 1993 (4) pour prémunir les personnes mises en examen contre les détentions abusives. Elle permet aux intéressés ou au procureur de la République, en cas d'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire, de demander au président de la chambre d'accusation une suspension des effets de l'ordonnance jusqu'à ce que la chambre d'accusation se prononce sur le fond de l'appel.

Afin de rendre plus efficace cette procédure, peu appliquée en pratique (397 demandes en 1994, dont environ 6 % ayant effectivement donné lieu à une remise en liberté), la loi modifie sensiblement sa nature, même si le référé-liberté conserve ses traits essentiels.

En effet, le référé-liberté reste associé à l'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire et il doit, comme auparavant, à peine d'irrecevabilité, être formulé en même temps que l'appel, et à condition que celui-ci soit interjeté au plus tard le jour suivant le placement en détention. De même, le référé-liberté demeure porté devant le président de la chambre d'accusation ou, en cas d'empêchement, le magistrat qui le remplace. Et la décision du président de la chambre d'accusation, qui doit toujours intervenir dans les 3 jours ouvrables, n'a pas à être motivée et n'est pas susceptible de recours.

ÉLARGISSEMENT DES POUVOIRS DU PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION

Le président de la chambre d'accusation voit ses pouvoirs élargis puisqu'il est désormais chargé d'examiner l'appel immédiatement, sans attendre l'audience de la chambre d'accusation. En outre, la loi lui donne le pouvoir d'ordonner un contrôle judiciaire, «  lui permettant ainsi de sortir de l'alternative mise en liberté/maintien en détention en l'autorisant à prononcer une mesure immédiate » (Rap. Sén. n° 374, Othily).

En pratique, trois situations peuvent donc se présenter :

• le président de la chambre d'accusationn'estime pas devoir infirmer l'ordonnance de placement en détention (soit qu'il considère que les conditions prévues par la loi sont remplies, soit qu'il préfère que la question soit examinée ultérieurement et de façon collégiale par la chambre d'accusation)  : il doit alors renvoyer l'examen de l'appel à la chambre d'accusation, qui devra statuer dans les 15 ou 20 jours de l'appel initial 

• le président de la chambre d'accusationestime que la détention n'est pas justifiée au regard des conditions prévues par l'article 144 du CPP  : il infirme l'ordonnance du juge d'instruction et ordonne la mise en liberté de la personne mise en examen. Mise en liberté qui ne sera plus, précise l'administration, subordonnée au « caractère manifestement infondé » de la détention, mais pourra intervenir si celle-ci n'est pas justifiée au regard des conditions prévues par la loi 

• le président de la chambre d'accusationestime que la détention n'est pas justifiée mais qu'un contrôle judiciaire est nécessaire  :il rend une ordonnance infirmant la décision du juge d'instruction et ordonnant le placement sous contrôle judiciaire de la personne, tout en précisant les obligations de ce contrôle. Cette ordonnance n'est pas susceptible de recours, et si la personne estime certaines obligations excessives, il lui appartient de demander une modification de son contrôle judiciaire devant le juge d'instruction.

DÉBAT CONTRADICTOIRE ENTRE L'AVOCAT ET LE MINISTÈRE PUBLIC

L'avocat de la personne mise en examen peut désormais, s'il le demande, s'exprimer oralement, au cours d'un débat contradictoire auquel est convié le ministère public, devant le président de la chambre d'accusation. La loi n'impose pas que soit établi un procès-verbal de ce débat contradictoire dont la tenue éventuelle peut être simplement mentionnée dans l'ordonnance du président de la chambre d'accusation.

C'est à l'avocat de la personne placée en détention de faire connaître par tout moyen, au président de la chambre d'accusation, qu'il entend présenter des observations orales. « Il sera en pratique souhaitable », indique l'administration, « même si la loi ne le précise pas, que cette demande soit faite au moment où l'appel est interjeté avec référé-liberté ». En effet, si le président a connaissance de cette demande après qu'il ait statué sur le référé-liberté, le débat ne pourra avoir lieu.

Autres dispositions

La loi du 30 décembre comporte également un certain nombre de dispositions qui dépassent le cadre de la seule détention provisoire et concerne la procédure d'instruction dans son ensemble.

La communication aux parties des copies du dossier d'instruction

Jusqu'à présent, seul l'avocat pouvait obtenir des copies du dossier d'instruction et les examiner avec son client pour les besoins de la défense de celui-ci, mais ces copies ne lui étaient délivrées que pour son usage exclusif et devaient demeurer couvertes par le secret de l'instruction.

L'avocat a désormais la possibilité de remettre à son client (personne mise en examen ou partie civile) une reproduction des pièces ou actes de procédure qui lui sont délivrés, sauf si le juge d'instruction s'y oppose. Il doit au préalable avoir informé son client de l'interdiction de transmettre ces documents à des tiers et recueilli son attestation écrite.

DROIT D'OPPOSITION DU JUGE D'INSTRUCTION

Si la loi ne prévoit pas un régime d'autorisation expresse et préalable du juge d'instruction, elle lui donne toutefois la possibilité de s'opposer à la remise d'une reproduction des pièces à une partie.

Les motifs de refus sont limitativement énumérés par la loi. Le juge d'instruction doit en effet rendre une ordonnance « spécialement motivée au regard des risques de pression sur les victimes, les personnes mises en examen, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la procédure ». La notion de pression ne doit toutefois pas être entendue dans un sens étroit, et elle englobe également les risques de représailles, indique pour sa part l'administration.

Le défaut de réponse du juge d'instruction dans le délai de 5 jours permet à l'avocat de communiquer à son client la reproduction des pièces et actes dont il avait fourni la liste.

En cas de refus, qu'il soit total ou partiel, la décision du juge peut être déférée devant le président de la chambre d'accusation, qui doit également statuer, par décision écrite et motivée non susceptible de recours, dans les 5 jours ouvrables. A défaut de réponse dans ce délai, l'avocat peut remettre les reproductions à son client.

A noter  : la circulaire du 3 mars dernier fixe précisément les règles de transmission des pièces et actes selon que le client de l'avocat est la personne détenue ou une partie civile.

INTERDICTION DE TRANSMETTRE LES DOCUMENTS À DES TIERS

La copie remise par le juge à l'avocat ou la reproduction remise par l'avocat à son client ne peuvent être transmises à des tiers, quels qu'ils soient. Seules les copies des rapports d'expertise peuvent être communiquées par les parties ou leurs avocats à des tiers et à la condition que cette transmission soit effectuée pour les besoins de la défense.

La personne mise en examen ou la partie civile qui ne respecterait pas l'interdiction de transmettre les copies à des tiers s'expose à une amende de 25 000 F.

La saisine de la chambre d'accusation pour défaut d'actes d'instruction

Afin d'accélérer le cours de la justice, lepouvoir de saisine de la chambre d'accusation pour défaut d'actes d'instruction, jusqu'ici réservé à son président, estétendu aux parties à l'instruction, lorsque 4 mois se sont écoulés depuis la date du dernier acte d'instruction nécessaire à la manifestation de la vérité.

Le délai de 4 mois est ramené à 2 mois si la personne mise en examen est en détention provisoire. La chambre d'accusation pourra alors soit procéder elle-même à l'instruction, soit renvoyer le dossier à un juge d'instruction afin de poursuivre l'information. Si, dans les 2 mois suivant le renvoi du dossier au juge d'instruction initialement saisi, aucun acte d'instruction n'a été accompli, la chambre d'accusation peut être à nouveau saisie dans les mêmes conditions. Ce délai est ramené à un mois au profit de la personne mise en examen lorsque celle-ci est placée en détention provisoire. La chambre d'accusation doit alors soit procéder elle-même à l'instruction, soit renvoyer le dossier à un autre juge d'instruction.

Le contrôle du fonctionnement des cabinets d'instruction

Afin de donner sa pleine efficacité au contrôle du fonctionnement des cabinets d'instruction du ressort de la cour d'appel par les présidents de chambre d'accusation, ces derniers sont désormais chargés de vérifier les conditions du placement et du maintien en détention provisoire. • 

Vers le placement sous surveillance électronique ?

En août 1995, le sénateur Guy Cabanel avait remis au Premier ministre un rapport intitulé Pour une meilleure prévention de la récidive   (5). Ce rapport envisageait notamment la possibilité d'utiliser un système de vidéosurveillance électronique comme « alternative à l'incarcération ».
En 1996, cette possibilité a pris la forme d'amendements au projet de loi relatif à la détention provisoire, le placement sous surveillance électronique étant conçu comme un substitut à la détention provisoire. Si cette innovation - qui consiste à surveiller à distance un individu, grâce à un « bracelet électronique » relié à un ordinateur central - a été jugée « opportune » par les députés, elle a néanmoins été reportée, « sa traduction législative étant quelque peu précipitée ».
Aussi, les dispositions relatives à la surveillance électronique, telles qu'elles figuraient dans le projet de loi, ont-elles été supprimées. Néanmoins, le principe du recours au bracelet électronique comme substitut à la détention est inscrit dans l'article 15 de la loi du 30 décembre dernier. Il constitue un nouvel objectif de la loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice, qui vise notamment à « mettre en œuvre une nouvelle politique pénale »   (6).
Faisant écho aux débats parlementaires au cours desquels certains ont estimé que le placement sous surveillance électronique paraissait plus approprié pour l'exécution d'une courte peine ou la phase finale d'une peine plus longue, le sénateur Guy Cabanel a présenté une proposition de loi en ce sens. Adoptée au Sénat le 22 octobre 1996 et examinée par l'Assemblée nationale le 25 mars dernier, elle vise les personnes condamnées à moins d'un an de prison ou n'ayant plus qu'un an à accomplir (7). Un texte qui permettrait, selon son rapporteur, Georges Othily, de diminuer la population carcérale et de réduire les coûts de prise en charge des condamnés tout en favorisant la réinsertion, en « évitant le traumatisme de l'incarcération pour une brève période » et en « permettant une préparation progressive à la libération » pour les détenus en fin de peine.

Notes

(1)  Voir ASH n° 1870 du 10-03-94.

(2)  Voir ASH n° 2009 du 7-02-97.

(3)  Voir ASH n° 1944 du 13-10-95.

(4)  Voir ASH n° 1870 du 10-03-94.

(5)  Voir ASH n° 1944 du 13-10-95.

(6)  Voir ASH n° 1922 du 14-04-95.

(7)  Voir ASH n° 1995 du 1-11-96.

LES POLITIQUES SOCIALES

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur