A la suite du courrier d'Henri Mialocq qui soulignait la complexité de la solidarité fraternelle (1), Pierre Verdier, directeur général de La vie au grand air (2), interroge : « Pourquoi tant d'indignation ? Pourquoi opposer liens fraternels et identité personnelle ? Pourquoi rejeter “le groupe fraternel” au nom de “l'identité filiale” ? Les enfants “séparés” recherchent souvent avec plus d'intensité ceux qu'ils appellent “leurs compagnons d'infortune” que leurs propres parents dont ils pensent avoir été abandonnés. Comme si la valeur monarchiste de la filiation cédait le pas devant la vertu républicaine de fraternité.
« Non, la loi relative au maintien des liens entre frères et sœurs n'est pas pernicieuse. Elle nous paraît au contraire très équilibrée (voir l'article de Mme Riomet, Journal du droit des jeunes, janvier 1997) :
le principe, c'est le maintien des liens. C'est un principe général qui ne s'applique pas seulement “dans les cas où l'autorité parentale viendrait à se diviser” (d'où sa place aux articles 371 du code civil et non dans le chapitre sur le divorce ou l'assistance éducative)
c'est un droit de l'enfant, mais non une obligation, encore moins une “responsabilité”
mais son application n'est pas absolue, il peut y être dérogé si “l'intérêt” de l'enfant (et non pas nécessairement sa demande) commande une autre solution
en cas de difficulté - et celles soulignées par l'article sont réelles -, le juge statuera.
« Nous avons connu des dizaines et des dizaines d'enfants qui ont appris un jour, à leur majorité, à 30 ans, à 50 ans, quand on leur permettait d'accéder à “leur dossier”, qu'ils avaient un frère ou une sœur. On leur disait : “On t'a pas dit que tu avais une sœur ? On aurait pu te le dire. ” [...]
« Aussi, nous sommes de ceux qui ont entendu avec satisfaction la demande tellement humaine et tellement évidente des élèves de CM2 participant au premier Parlement des enfants, d'où est issue cette loi : “C'est tellement dur quand on perd ses parents, qu'au moins on reste ensemble !” C'était évident pour les enfants, mais il a fallu une loi pour le dire aux adultes. »
(1) Voir ASH n° 2008 du 31-01-97.
(2) Fondation La vie au grand air : 40, rue Liancourt - 75014 Paris - Tél. 01 43 22 74 73.