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Pourquoi siéger au conseil d'administration ?

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Dans quelle mesure la présence des représentants des associations au sein des conseils d'administration des hôpitaux permettra-t-elle une meilleure prise en compte de l'usager ?

Tout un symbole ! Ainsi pourrait se résumer l'opinion des personnes impliquées par l'entrée des usagers aux conseils d'administration des hôpitaux depuis le décret du 30 octobre 1996 pris dans le cadre de la réforme hospitalière (1). « Ces conseils sont plutôt des tampons pour des budgets hospitaliers débattus dans d'autres instances  et il est rare qu'une voix puisse remettre en cause le budget », précise Timothy Greacen, responsable des permanences hospitalières de Aides Ile-de-France. « Ce qui est intéressant, c'est le pouvoir de suggestion de cette présence : les membres du conseil d'administration auront le devoir d'écouter les recommandations émises par ces usagers », précise-t-il. Les associations d'usagers de l'hôpital auraient d'ailleurs mauvaise grâce à discréditer ce décret qu'elles ont sollicité. « La présence d'administrateurs représentant les malades relève effectivement de l'ordre du symbole mais c'est très important. C'est la concrétisation juridique de la part qu'on entend donner au malade dans la construction des éléments de la gestion de la structure. Au-delà, cet élément juridique crée une dynamique », étaye Patrick Gohet, directeur général de l'Union nationale des associations de parents et d'enfants inadaptés. Un avis partagé et développé par Guy Vallet, directeur général du CHU de Rouen : « C'est pour moi la reconnaissance que l'hôpital est avant tout un service public. »

Le citoyen-malade

Ce décret n'est pas perçu comme un bouleversement mais comme facteur de changement. Un changement en droite ligne de l'évolution de la représentation de la maladie et de son inscription dans la vie sociale. « Aujourd'hui, le patient est passé au statut de consommateur exigeant. Le médecin est un agent de la sécurité sociale, et le malade se prend en charge lui-même. Notamment dans le cas de maladies chroniques, de longue durée ou évolutives  ces personnes sont placées dans un processus de soins où elles ont la nécessité de participer à leur traitement et doivent avoir un savoir-faire - comme pour le diabète. Résultat, la relation avec le médecin prend une tournure égalitaire », analyse Henri-Jacques Stiker, anthropologue, chargé de conférences à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. « La menace de la maladie et la demande de réduction (du handicap) se font sociales. C'est la santé qui passe au premier plan et non la maladie », conclut-il. Un phénomène révélé par l'implication croissante d'associations de malades, de personnes handicapées autour de l'hôpital (2).

Dans ce contexte, l'application du décret prévoyant l'entrée des « usagers » aux conseils d'administration d'hôpitaux pose d'emblée la question de la représentativité. Qu'est-ce qu'un usager ? Qui sera chargé de les représenter ? Les associations familiales, de malades, de consommateurs, de personnes handicapées ? Quels seront les critères ?Le poids économique, le nombre d'adhérents, la couverture nationale... ? Autant d'interrogations soulevées par les associations. Certaines émettent des réserves d'ordre éthique : pas d'associations dirigées par des médecins, gestionnaires de structures médico-sociales ou impliquées dans le financement de recherches. « Les directeurs d'hôpitaux ont tendance à rechercher un contre-pouvoir par rapport à celui des médecins pour contrebalancer l'aspect technique du soin. Et les usagers ont besoin d'être neutres. C'est pourquoi j'insiste sur la différence à faire entre les associations contrôlées par des médecins et les autres », argumente Timothy Greacen. C'est sans doute pour cela que certains médecins redoutent déjà le « terrorisme associatif »   ! « Les gens qui font des séjours longs ou répétés observent la façon dont un hôpital fonctionne, le dialogue s'instaure avec le praticien  ils sont donc à même de participer au fonctionnement de l'instance en charge de la gestion de l'hôpital », avance pour sa part Patrick Gohet. Les associations sont conscientes des risques induits par des querelles de chapelle. Et si, ici et là, des rumeurs sur les tractations d'untel ou d'untel remontent, malgré tout les organisations prônent le dialogue interassociatif comme préalable indispensable pour éviter que leur participation au conseil d'administration ne devienne un gadget, voire un boomerang. Des comités de coordination sont en cours de constitution.

Le malade réformateur social

Comment les associations d'usagers utiliseront-elles leurs voix ? Les associations nommées (3) devront « faire la mesure entre l'objet de la participation au conseil d'administration et l'action'en dehors ",et assurer la cohérence entre toutes les catégories de malades », prévient Guy Vallet. Le directeur de l'hôpital aura la responsabilité d'y veiller, ajoute-t-il. De leur côté, les responsables associatifs se défendent de vouloir désorganiser la gestion de l'hôpital ou la bouleverser de façon irraisonnée. Leur présence, insistent-ils, vise à faire valoir les droits des usagers. Par exemple en veillant à ce que la charte des droits du patient hospitalisé ne soit en rupture de stock à l'accueil de l'hôpital !

Traitement de la douleur, accueil, accès des soins aux plus démunis, approche globale du malade, préparation de la sortie, hospitalisations à domicile, accompagnement à la fin de vie, écoute et information médicale des patients et de la famille, annonce du handicap, gestion des conflits médicaux... Tel est le premier éventail des motifs de plainte des usagers de l'hôpital. A propos de l'annonce du handicap, l'Association française contre les myopathies (AFM), lassée du manque d'intérêt des médecins pour ce problème, a décidé d'agir sur la formation (4). Elle parie sur l'effet boule de neige de la prise de conscience des répercussions sociales de cette « révélation » aux familles. « La dépression réactionnelle à l'annonce d'un handicap est inévitable. Mais si l'annonce est faite correctement, au moins elle peut être accompagnée via le service social ou une association », insiste Pierrick Penicaud, technicien d'insertion à l'AFM.

Le dialogue devra dépasser les murs du conseil d'administration afin qu'associations de malades et hôpitaux puissent « découvrir les moyens à mettre en œuvre pour renforcer les complémentarités et rendre cohérentes les prises en charge sanitaires et sociales, notamment dans le cadre de réseaux construits à partir de l'hôpital avec des associations », estime le Groupe de recherche et d'applications hospitalières (5), fervent partisan de la « tradition humaniste et du rôle social de l'hôpital ». « Pour mener à bien les dispositions de la loi relative à l'hôpital accomplissant des missions médico-sociales, il y a nécessité d'une reconversion de certains moyens au sein de l'hôpital. Il faut que les organisations représentatives des usagers soient associées à la conception et la mise en œuvre de ces transformations, c'est un enjeu considérable pour renforcer le travail social », affirme ainsi Patrick Gohet. Reste à peaufiner les terrains d'entente entre professionnels et bénévoles, entre médecins et acteurs sociaux. « De cette diversité sort un enrichissement  mais il faut un apprentissage. Et comme tout apprentissage il se fait avec des enthousiasmes et des régressions », pondère Guy Vallet. Au sein du CHU de Rouen, il a ainsi mis en place une journée du bénévolat (pour informer les 7 500 agents du centre) et un comité du bénévolat, sorte de lieu d'écoute réunissant les associations signataires de la « charte de bonnes pratiques ».

Quels liens avec le service social ?

Un premier travail de décryptage des compétences de chacun, et des imbrications avec les services sociaux hospitaliers en particulier, s'impose. « On le voit au travers des filières de soins, on ne peut plus faire sans le service social », note une assistante sociale. De plus, les services sociaux hospitaliers font preuve d'un enthousiasme circonspect vis-à-vis de cette percée du secteur associatif. Une prudence exacerbée par les fréquents télescopages entre le travail social et l'action associative  (3). « Tout le monde revendique un rôle social, mais quand on voit les approximations sur lesquelles cela débouche parfois, ça fait peur », s'exclame Claudine Maurey-Forquy, responsable du service social enfants malades à l'hôpital Necker et déléguée nationale de l'Association européenne des assistants sociaux hospitaliers et de la santé. « La complémentarité des techniques et des savoirs de chacun est intéressante si elle va dans le sens du bien-être pour le malade. Cela se construit au cas par cas », développe-t-elle.

Entre les assistantes sociales hospitalières et les associations, les relations sont parfois difficiles. Les tensions entre les deux sont inévitables, avouent certains responsables associatifs. Leurs objectifs sont voués à se rejoindre, mais la différence des marges de manœuvre, plus spécifiquement financières, cristallise les oppositions. « Les associations répondent à l'urgence. Notre objectif est de rendre autonome, certains malades sont déjà suffisamment assistés sans qu'on en rajoute », avance Claudine Maurey-Forquy. « Les assistantes sociales nous disent :'Vous avez des fonds, moi ça me prend 15 jours pour avoir le moindre centime, pourquoi ne faites-vous pas vous-mêmes ces dépenses ?" Mais notre stratégie reste le renvoi systématique sur les assistantes sociales  si malgré leurs démarches elles n'obtiennent rien, alors nous finançons la demande de l'usager », se défend Timothy Greacen. Et si Claudine Maurey-Forquy estime que les associations sont plus utiles à la sortie de l'hôpital, en complément, elle reconnaît que leur présence au sein du conseil d'administration ne pourra qu'être bénéfique. Les associations d'usagers étant par essence porteuses de revendications en faveur du service social. « C'est en faisant vivre l'hôpital de l'intérieur qu'on le transforme », sourit Timothy Greacen.

Emmanuelle Stroesser

L'HÔPITAL ACTEUR SOCIAL

A Rouen, un véritable maillage de micro-actions médico-sociales s'est monté à partir du CHU (6), autour d'un service social renforcé, en lien avec des partenaires associatifs et institutionnels extérieurs. « Améliorer de manière immédiate et concrète l'accès aux soins et au suivi social des personnes en situation de précarité ou de détresse », telle est l'ambition. « L'année dernière, dans le hall d'accueil du centre hospitalier, j'avais une centaine de clochards constamment présents », raconte Guy Vallet, directeur du CHU. « On avait deux solutions, soit on continuait dans une voie de police, j'avais déjà renforcé le poste vigiles, soit on prenait en charge l'affaire. » Résultat, une série de projets ont vu le jour : création d'une unité mobile d'intervention de travailleurs sociaux, d'un espace d'accueil, d'hygiène et d'écoute à l'hôpital pour mettre en place un travail social, d'emplois ville pour l'animation, et enfin renforcement de la capacité d'écoute et de réponse aux appels de détresse psycho-sociale reçus au 15. A venir, l'édifice d'un observatoire social sur les demandes faites au CHU en vue d'adapter les réponses.

Notes

(1)  Ce décret permet notamment à deux représentants des usagers de siéger aux conseils d'administration des établissements publics de santé - Voir ASH n ° 1995 du 8-11-96.

(2)  Il existe près de 50 000 associations spécialisées sur une pathologie lourde ou un handicap.

(3)  Le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation les nommera après avis du préfet.

(4)  Création en 1996-1997 à l'université de Bobigny du diplôme « Annonce d'un handicap génétique ».

(5)  Groupement créé en 1974 par des directeurs de centres hospitaliers, à l'origine des rencontres « Associations aux frontières de l'hôpital », du 23 au 25 janvier 1997 à Avignon. Secrétariat : Mme Roquigny - Direction générale du CHU de Rouen - 76032 Rouen cedex - Tél. 02 35 88 58 40.

(6)  CHU de Rouen : 1, rue de Germont - 76032 Rouen cedex - Tél. 02 32 88 89 90.

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