« Ce texte est contraire à l'éthique médicale et peu efficace au regard des objectifs qu'il entend poursuivre. » Les principaux syndicats de psychiatres du secteur public (1) ont exprimé un jugement très net, le 4 février, à l'encontre du projet de loi « renforçant la prévention et la répression des atteintes sexuelles contres les mineurs et des infractions portant atteintes à la dignité de la personne » (2). Un texte où ils critiquent l'instauration d'un suivi post-pénal avec injonction de soins à l'issue du temps de détention. Il ne s'agit cependant pas d'un refus de l'obligation de soin, précisent les syndicats, reconnaissant que la prise en charge médico-psychologique des délinquants sexuels et de leurs victimes constitue « une mission de service public ». Ce qu'ils contestent, en revanche, c'est le « mélange des registres thérapeutique et répressif, plaçant de facto le médecin en position d'auxiliaire de la justice ». Ainsi, les quatre organisations refusent que l'on « érige le soin en peine » et rappellent que l'indépendance professionnelle du médecin « doit être absolue vis-à-vis du juge » . Par ailleurs, elles critiquent les « présupposés thérapeutiques » à l'origine du projet de loi. « Actuellement, concernant les criminels sexuels, nous n'avons pas de solutions thérapeutiques qui fassent l'objet d'un consensus. Nous n'en sommes qu'aux balbutiements. On ne peut donc pas légiférer dans ce cadre », a souligné Norbert Skurnik, président du Syndicat des psychiatres de secteur. Pour lui et les autres dirigeants syndicaux, on risque surtout d'offrir « une sécurité illusoire » en voulant rassurer l'opinion publique.
La peine de suivi médico-social « ne porte aucunement atteinte à la liberté du médecin traitant », répond, dans un communiqué, le ministère de la Justice, indiquant que c'est ce dernier qui détermine « le traitement devant être prescrit » et ses modalités. Par ailleurs, poursuit-il, en matière de secret professionnel, « le signalement au médecin coordonnateur ou au juge de l'application des peines des difficultés survenues dans l'exécution du traitement est laissé à la seule conscience du médecin traitant ». Enfin, conclut la chancellerie, même si le projet de loi n'a pas pour objet la situation du condamné lors de sa détention, « un effort tout particulier est mené parallèlement afin d'assurer un suivi médico-psychologique des personnes incarcérées ».
(1) Syndicat national des psychiatres d'exercice public, Syndicat national des psychiatres des hôpitaux, Syndicat des psychiatres de secteur et Syndicat des universitaires psychiatres. Avec le soutien de l'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire. Contact SPEP : Hôpital Sainte-Anne - 1, rue Cabanis - 75014 Paris.
(2) Voir ASH n° 2008 du 31-01-97.