Les responsables des organisations syndicales CFE-CGC, CGT, CFTC et FO se sont élevés, le 13 janvier, lors d'une conférence de presse commune, contre la proposition de loi sur l'épargne-retraite examinée en deuxième lecture, le 14 janvier, à l'Assemblée nationale. La CFDT, pour sa part, ne s'est pas ralliée à ce mouvement, mais a adressé une lettre au Premier ministre exigeant des assurances « sur la sincérité du gouvernement » lorsqu'il affirme que l'épargne-retraite ne se substituera pas aux régimes obligatoires actuels.
« Nous ne pouvons laisser faire », a affirmé Marc Vilbenoît (CFE-CGC), en introduction de cette réunion en présence d'Alain Deleu (CFTC), Louis Viannet (CGT) et Marc Blondel (FO). Le président de la CFE-CGC a rappelé que dans une lettre adressée le 10 décembre au Premier ministre (1), les quatre organisations syndicales avaient déjà dénoncé « le danger pour la retraite des Français » que constitue la création de plans d'épargne-retraite. En effet, en l'état actuel de la proposition de loi, l'employeur est exonéré de charges sociales sur l'abondement versé à ces plans. Une part des salaires serait ainsi détournée au profit de l'abondement, a-t-il souligné, l'employeur préférant utiliser les fonds de pension comme substitut aux augmentations de salaire (soumises à cotisations sociales), privant ainsi les régimes obligatoires de ressources supplémentaires. Cette baisse de recettes est évaluée pour le régime général à 6 milliards de francs, pour l'ARRCO entre 7 et 8 milliards et pour l'AGIRC à 4 milliards. « Priver de ressources » les régimes de retraite actuels « pèsera sur le niveau des retraites futures », a averti Marc Vilbenoît. Les quatre dirigeants s'accordent donc pour affirmer que, contrairement à la présentation qui avait été faite par le gouvernement, ce n'est pas un troisième étage de retraite qui sera mis en place, mais un système par capitalisation qui entrera en concurrence avec les régimes de retraite par répartition.
Autre point d'inquiétude pour les quatre organisations syndicales : la place accordée à la décision unilatérale de l'employeur. « Aucune procédure de négociation entre organisations syndicales de salariés et patronat n'est prévue pour la mise en place des plans d'épargne-retraite », s'est inquiété le président de la CFTC, qui demande qu'un tel plan ne puisse être mis en place qu'après consultation et négociations entre les partenaires sociaux.
Face à cette hostilité, le président de la République a défendu, lors du conseil des ministres du 15 janvier, la proposition de loi sur l'épargne-retraite. Selon lui, « les mesures adoptées par le Sénat sont celles qui résultaient de la concertation menée avec les syndicats à la fin de l'année dernière ». Et d'ajouter que « compte tenu des garanties prévues dans la proposition de loi actuelle, les fonds d'épargne-retraite ne menacent en rien l'avenir de nos régimes par répartition ». Cette réforme, que Jacques Chirac a qualifiée de « socialement utile et moderne », permettra « en outre d'améliorer le financement des investissements, donc la compétitivité et l'emploi », a-t-il assuré. Elle « répond surtout au désir légitime des Français qui le souhaitent, de compléter leur retraite ».
(1) Voir ASH n° 2001 du 13-12-96.