Faut-il, ou non, contraindre les sans-abri à s'abriter dans les structures d'accueil d'urgence en période de grands froids ? La question se pose brutalement après le décès de plusieurs d'entre eux, morts ces derniers jours en raison des températures extrêmement basses qui règnent actuellement sur le pays (1). Le débat a notamment pris de l'ampleur avec la décision, le 2 janvier, de Philippe Schmit, maire socialiste de Longjumeau, d'obliger les personnes sans domicile fixe à être hébergées temporairement en période de grands froids. Cette mesure fait l'objet d'un arrêté municipal valable jusqu'au 15 avril qui dispose « qu'à défaut de consentement de l'individu, et dans la mesure où sa santé ou sa sécurité est menacée, celui-ci est conduit dans un bâtiment public refuge ». Par ailleurs, un arrêté de même nature a été pris à Dreux, le 5 janvier, par le maire RPR Gérard Hamel.
Ces deux décisions ont provoqué plusieurs réactions, notamment celle, indignée, de Médecins du monde (2) pour qui, après les arrêtés anti-mendicité de l'été (3), « il s'agit maintenant de contraindre par la force les sans-domicile à s'abriter du froid pour apaiser les consciences en hiver ». Selon l'association humanitaire, « aucun règlement saisonnier ne réglera le problème de l'exclusion. Un travail permanent de proximité d'équipes médico-sociales recréant le lien est nécessaire. Des offres d'hébergement adaptées au mode de vie des utilisateurs sont indispensables pour prévenir les drames de l'hiver ». Côté gouvernemental, Xavier Emmanuelli (qui dirigea l'antenne médicale de la maison de Nanterre et créa le SAMU social) avait tenu un discours similaire, le 3 janvier en conseil des ministres, protestant contre ce type d'arrêté « de circonstance et archaïque » et estimant qu' « il faut convaincre et non contraindre ». Il répondait ainsi à Jacques Chirac qui lui demandait de faire le point sur les mesures prises pour venir en aide aux plus démunis. A cette occasion, le président de la République avait demandé que l'on règle le problème de l'accueil des sans-abri accompagnés de chiens et qui, refusant de se séparer de ceux-ci, ne fréquentent pas les lieux d'accueil. Une situation de plus en plus courante et face à laquelle les structures d'hébergement, notamment parisiennes, apparaissent très mal équipées. Enfin, le 8 janvier, également en conseil des ministres, Alain Juppé a indiqué qu'il fallait distinguer « les situations d'urgence médicale où il va de soi que toute personne ayant droit à l'assistance, il faut prendre les mesures qui s'imposent » et les autres situations « où il faut s'appliquer à essayer de convaincre plutôt que de contraindre ». Et, concernant l'accueil des sans-abri, il a jugé souhaitable de « multiplier les petites unités d'hébergement à échelle humaine plutôt que les grands centres ».
(1) Voir ASH n° 2004 du 3-01-97.
(2) Médecins du monde : 62, rue Marcadet - 75018 Paris - Tél. 01 44 92 15 15.
(3) Voir ASH n° 1983 du 12-07-96 et n° 1980 du 21-06-96.