ASH : Pourquoi avoir créé ce groupe de travail composé d'éducateurs d'internat ? F.S. : Pour deux raisons. D'une part, lorsqu'on parle de maltraitance, on entend rarement les éducateurs d'internat. Ils ont pourtant des choses à dire sur cette question car, au quotidien, ils sont souvent confrontés à la prise en charge d'enfants maltraités. D'autre part, il est généralement assez difficile d'échanger en dehors de sa filière de travail. Or, l'une des originalités du groupe consiste à réunir des éducateurs travaillant dans des secteurs différents : établissements à caractère social et instituts médico-éducatifs ou IMPro. ASH : Mais pourquoi réfléchir au repérage de la maltraitance alors que celui-ci se fait, normalement, en amont de l'internat, avant le placement ? F.S. : Justement non. Pas toujours. Ça dépend du type de prise en charge. Dans un établissement à caractère social, les enfants peuvent être placés pour des raisons de maltraitance. Le problème est alors connu et on réalise un travail d'accompagnement de l'enfant. Mais dans d'autres cas, notamment dans les IME et IMPro, le placement n'a rien à voir, a priori, avec la maltraitance. Quelque chose ne va pas dans la famille, il y a des difficultés à l'école mais aucune violence n'a été repérée. Et c'est seulement lors du placement que l'enfant arrive parfois, pour la première fois, à parler de ce qu'il a subi. ASH : Quel est l'objectif du document que vous avez produit ? F.S. : Il donne des pistes sur ce que l'on peut faire. On est généralement seul lorsqu'on reçoit la confidence d'un esnfant. Or, il ne faut pas la garder pour soi. Discuter avec d'autres permet de relativiser sanss dramatiser ni banaliser. Il faut remettre les choses à leur place. Et là on peut prendre une décision. Car le risque, c'est de se laisser submerger par ses émotions et d'aller au-delà de son rôle. Une fois que la parole de l'enfant a été écoutée et partagée en interne, vient un moment où il faut poser des actes. Un signalement, c'est un acte officiel dont l'institution est porteuse. A ce stade, ce sont les directeurs ou chefs de service éducatif qui interviennent, donnant ainsi la garantie de l'institution. Et si la hiérarchie n'entend pas, l'éducateur peut toujours, comme tout citoyen, faire directement appel au procureur de la République ou appeler le numéro vert national. ASH : Tout de même, les équipes éducatives réfléchissent déjà à ces questions. F.S. : C'est le cas, mais pas partout. En outre, dans les établissements, on manque souvent de procédures écrites, reconnues et systématisées. Comment établit-on un signalement ? Qui l'écrit ?Qui l'envoie ? Car, si les éducateurs savent entendre un enfant maltraité, cette parole a du mal à sortir des murs de l'institution. On a souvent la tentation de vouloir traiter les choses en interne, au niveau du soin, et en dehors du judiciaire. Pourtant, on sait que ça n'est pas une bonne solution pour les enfants. ASH : Dans ce contexte, comment travailler avec les parents ? F.S. : Il n'existe pas de recette miracle. Comment recréer des liens pour qu'il y ait, à nouveau ou enfin, des conditions permettant à l'enfant de vivre en sécurité dans sa famille ? Nous sommes encore en recherche sur ces questions.
(1) La prise en compte des situations de maltraitance dans le cadre de l'internat - Disponible sur demande au CREAI de Bretagne : 61, rue Jean-Guéhenno - 35700 Rennes - Tél. 02 99 38 04 14.