« La lutte contre le sida constitue une priorité d'action gouvernementale. La nécessité d'adapter l'organisation du dispositif de lutte contre l'infection à VIH a ainsi conduit à l'élaboration de la circulaire du 27 octobre 1995 qui préconise une approche multidimensionnelle du problème : prévention, organisation des soins, accompagnement social. Pour autant il convient de prendre en compte la spécificité de certaines populations notamment les personnes handicapées mentales accueillies en établissement. »
A l'évidence, la seule dimension sanitaire s'avère insuffisante pour toute personne dont le handicap accroît la vulnérabilité à l'infection à VIH ce qui conduit à prévoir la mise en place d'unaccompagnement éducatif et social par des personnes compétentes et formées, en particulier les éducateurs spécialisés.
Une prise en charge globale de la personne handicapée qui préserve l'intégrité et la citoyenneté de celle-ci, conformément aux objectifs d'intégration sociale, est le gage d'une réelle prévention en la matière.
La prévention n'a de sens que dans la mesure où elle concourt à l'affirmation et à la consolidation de l'autonomie de la personne. Elle contribue ainsi à la reconnaissance du droit à la sexualité pour la personne handicapée mentale, ainsi qu'à l'affirmation de son droit à l'éducation sexuelle.
Il importe que la démarche de prévention soit adaptée au domaine du handicap, dans le cadre d'actions conduites dans la durée. L'information générale ne saurait suffire par elle-même. Elle doit faire l'objet d'une démarche d'accompagnementspécifique pour être accessible et profitable à la personne handicapée. Il est de la responsabilité des associations et des professionnels d'affirmer l'intérêt d'une telle démarche et de s'engager à l'intégrer dans leurs actions.
Dans un objectif majeur d'éducation à la santé, il convient de renforcer et de développer la dimension d'accompagnement dans les projets individualisés de prise en charge. L'amélioration des pratiques d'accueil et d'accompagnement ne peut être obtenue que par laformation des personnels et la mise en œuvre d'actions de sensibilisation des différents partenaires à l'intérieur des institutions. Sans exclure l'approche médicale qui n'est pas à négliger, l'approche pédagogique devra donc être privilégiée.
La présente circulaire s'adresse à l'ensemble des établissements et services publics ou privés qui accueillent des personnes handicapées mentales, notamment :
• les établissements ou services qui accueillent des enfants et des adolescents (instituts médico-éducatifs, et en particulier les IMPRO)
• les établissements ou services qui accueillent des adultes (les centres d'aide par le travail, les maisons d'accueil spécialisées et les foyers d'hébergement)
• les services de suite et d'accompagnement qui sont appelés à prendre en charge ces personnes.
Elle concerne les professionnels et plus largement les autres partenaires des institutions.
L'ensemble des personnels doit s'impliquer dans cette démarche de réflexion et d'évolution des pratiques éducatives. Le personnel médical et paramédical, du fait de ses compétences, ne peut être absent de sa mise en œuvre.
De même, par la place qu'ils occupent, la famille et les proches doivent être associés aux actions de formation et de prévention afin de garantir la cohérence et la continuité de l'action.
Chaque structure, qu'elle dépende d'une association ou d'une collectivité publique doit définir rapidement une stratégie adaptée à cet objectif de prévention de l'infection à VIH ainsi que les moyens qui seront mis en œuvre à cet effet.
Cela peut notamment revêtir la forme d'un document particulier qui prenne sa place dans le cadre plus général du projet d'établissement. Un tel document doit décliner deux axes d'intervention.
En premier lieu, il doit préciser ce qui ressort de la nécessaire information tant des personnes handicapées que des différents acteurs qui peuvent concourir à la prévention. Il peut également définir lesmoyens de mise à disposition de préservatifsdans les lieux qui paraîtront les plus adéquats.
En second lieu, il doit définir un cadre cohérent d'action.
L'effectivité en la matière commande de développer une logique de compétence pluridisciplinaire mobilisant les différents professionnels autour d'une personne-ressource.
Celle-ci représente le référent, nommé sur la base du volontariat par le directeur et reconnu comme tel par l'équipe, et chargé de veiller à ce que la prévention du VIH soit une préoccupation permanente pour chacun des professionnels. Dans la mesure où la prise en charge éducative et sociale constitue la finalité principale des établissements, c'est donc en priorité le personnel éducatif et particulièrement un éducateur spécialisé qui pourrait assurer ce rôle avec le concours du personnel médical ou paramédical.
Cette personne-ressource est relais d'information. Son action vise à sensibiliser, à faciliter l'expression, à apporter les conseils souhaitables, à prendre en compte les demandes de formation. Elle doit pouvoir prendre en charge l'animation de réunions de synthèse au sein de l'institution dans un but de confrontation des différentes pratiques professionnelles développées par les intervenants.
Il ne semble pas au demeurant nécessaire qu'elle soit “spécialiste” de la question du sida ou seule détentrice du savoir en ce domaine, l'accent étant mis sur la coordination.
Je ne verrais que des avantages à ce que le médecin chargé du sida au niveau régional réunisse les personnes-ressource afin de faire le point sur les problèmes qui pourraient être rencontrés. Vous voudrez bien, dans un délai de 6 mois, transmettre les observations recueillies à la direction de l'action sociale.
J'attire enfin votre attention sur le fait que cette personne doit être particulièrement disponible et formée pour répondre aux questions des résidents, ce qui exclut en principe le recours à du personnel vacataire.
Le cadre général étant ainsi tracé, il importe de définir des projets individualisés qui prévoient la prévention de l'infection à VIH. La réponse éducative doit se situer dans une logique d'autonomie et de qualité de vie de la personne et doit bien entendu être adaptée au public concerné.
La prévention devrait pouvoir s'organiser en fonction d'une stratégie pédagogique et éducative.
Les personnes handicapées bénéficieront ainsi d'une information adaptée au degré de leur handicap et de leur vie affective et sexuelle.
Leur autonomie sera en outre recherchée, leur permettant d'intégrer les informations qui les aideront à devenir sujets de leur propre prévention autant que faire se peut.
L'ensemble de ces orientations rend indispensable une action vigoureuse de formation.
Celle-ci doit s'adresser à un public diversifié : des personnes-ressource aux familles et partenaires extérieurs en passant par les professionnels de l'établissement (qu'ils soient d'ailleurs ou non en possession d'un diplôme initial) et les membres des conseils d'administration.
Il va de soi que les principaux axes de formation doivent être adaptés aux niveaux d'intervention des personnes concernées. Ainsi il pourra être question d'une simple sensibilisation dans certains cas, de l'intégration de la démarche de prévention dans les projets individualisés dans d'autres cas alors qu'une approche plus approfondie d'ordre éthique, culturel et social se révélera indispensable pour les personnes-ressource par exemple.
Je tiens particulièrement à ce que ces formations soient assurées par des centres agréés en travail social ayant une expérience reconnue dans le domaine de la formation continue. Un partenariat avec des réseaux associatifs œuvrant dans le champ de la lutte contre le sida doit pouvoir être mis en œuvre le plus souvent possible.
A cet effet ils déposeront, aux fins de labellisation, un projet de formation à la DRASS. Ce projet devra préciser le volume horaire des formations, les contenus pédagogiques, les effectifs envisagés (la formation peut bien sûr concerner des publics en provenance de plusieurs établissements), l'origine des intervenants ainsi que les aspects financiers.
Vous trouverez, en annexe, à titre de préconisation, un référentiel de formations mis au point par un groupe de travail réuni à l'initiative de la direction de l'action sociale et de la division sida de la direction générale de la santé.
Dans la mesure où les actions de formation suivies pourront être validées et reconnues dans des parcours de formations qualifiantes selon les règles propres à chaque filière, elles devront nécessairement faire l'objet de processus d'évaluation dont les modalités pratiques doivent également figurer dans le projet [de formation].
Enfin un compte rendu annuel d'activité devra vous être fourni et transmis, assorti de vos observations, à la direction de l'action sociale. [...] »
(1) Voir ASH n° 1925 du 5-05-95 et n° 1950 du 24-11-95. Son directeur général commente la circulaire dans ce numéro.
(2) NDLR : les passages en gras sont soulignés par la rédaction.