Recevoir la newsletter

La loi relative à la prise en charge de l'autisme

Article réservé aux abonnés

La loi du 11 décembre, sans se prononcer sur la nature du syndrome autistique, reconnaît que ses conséquences constituent un handicap permettant ainsi aux personnes atteintes de bénéficier d'une prise en charge pluridisciplinaire. Une loi qui nécessite encore que soient connus les engagements financiers de l'Etat.

La loi modifiant la loi nº 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et tendant à assurer une prise en charge adaptée de l'autisme a été adoptée définitivement le 4 décembre dernier par l'Assemblée nationale, les députés votant le texte dans les mêmes termes que les sénateurs.

Ce texte, qui résulte d'une proposition de loi déposée le 1er février 1995 et signée par 200 députés de la majorité, fait suite à trois rapports : l'un de l'inspection générale des affaires sociales  (IGAS), d'octobre 1994 sur la prise en charge des enfants et adolescents autistes, l'autre de l'Agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale (ANDEM) intitulé L'autisme, de novembre 1994, le dernier enfin de la direction de l'action sociale  (DAS), de janvier 1995, faisant des propositions pour l'accueil des adultes autistes (1). Des documents qui ont conduit à la rédaction de la circulaire « fondatrice » du 27 avril 1995 signée par Simone Veil, alors ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville (2). A ces textes, s'ajoute enfin l'avis du Conseil consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) de janvier 1996 sur la prise en charge des personnes autistes en France (3).

La loi du 11 décembre 1996 se compose finalement de trois articles (alors qu'à l'origine la proposition ne comportait qu'un article unique visant à modifier l'article 2-2 de la loi du 30 juin 1975 afin d'intervenir sur le contenu du schéma départemental des établissements et services sociaux et médico-sociaux)  : le premier pose le principe d'une prise en compte spécifique des divers types de handicaps dans le schéma départemental, le deuxième reconnaît les conséquences de l'autisme comme un handicap, le troisième enfin prévoit une évaluation de la politique menée en faveur des personnes autistes.

Contenu du schéma départemental

PRISE EN COMPTE SPÉCIFIQUE DE DIVERS HANDICAPS DANS LE SCHÉMA

La loi prévoit désormais que le schéma départemental des établissements et services sociaux et médico-sociaux doit préciser « la nature des besoins sociaux et particulièrement de ceux justifiant des interventions sous forme de créations ou d'extensions d'établissements ou de services sociaux et médico-sociaux adaptés, notamment, à la diversité et à la spécificité des handicaps ou par une autre voie ».

Une formulation générale qui inclut les besoins sociaux des populations mentionnées à l'article 1er  de la loi du 30 juin 1975, c'est-à-dire les mineurs ou adultes qui requièrent une protection particulière, les jeunes travailleurs, les personnes âgées et enfin, les personnes, mineures ou adultes, handicapées ou inadaptées. La commission des affaires sociales du Sénat a en effet estimé que la mention de l'autisme en tant que handicap spécifique aurait conduit à «  faire une discrimination entre les handicaps » alors que tous sont « é galement dignes d'intérêt ».

Cependant, ces dispositions ne seront appliquées, a indiqué le rapporteur au Sénat, Jacques Machet, que dans la mesure où il existe, dans le département concerné, un schéma départemental des établissements sociaux et services médico-sociaux. Or, fin 1994, seuls 30 départements avaient un schéma départemental complet et 31 n'en avaient créé aucun, a-t-il précisé.

De plus, ceux existants se limitent souvent « à un simple état des lieux tandis que la programmation en matière budgétaire n'apparaît pas » (Rap. Sén. nº 350, Machet).

COLLABORATION ET COORDINATION ENTRE LES COLLECTIVITÉS DANS LE CADRE DU SCHÉMA

La collaboration et la coordination entre les collectivités locales dans le cadre du schéma départemental demeurent non contraignantes en vertu du principe général instauré par la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, aucune collectivité ne pouvant exercer une autorité sur l'autre.

La collaboration et la coordination sont cependant élargies, afin de satisfaire les besoins recensés, à l'Etat et aux organismes concernés (comme la sécurité sociale citée en exemple par le rapporteur à l'Assemblée nationale, Christian Kert).

Reconnaissance de l'autisme

L'AUTISME PRIS EN CHARGE...

L'article 2 de la loi du 11 décembre pose deux principes.

Tout d'abord, il reconnaît que les conséquences d u syndrome autistique constituent un handicap. Le statut de handicapé et les prestations afférentes ne pourront donc plus être refusés aux enfants autistes par certaines commissions départementales de l'éducation spécialisée  (CDES), note le rapporteur au Sénat. Une formulation « qui ne préjuge pas de la nature même de l'autisme, encore mal connue, maladie mentale ou handicap », a-t-il encore indiqué.

Il pose, dans un second temps, le principe de la prise en charge de la personne atteinte d'autisme, quel que soit son âge. Une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte des besoins et des difficultés de la personne concernée.

A noter  : la notion de priorité qui avait été à l'origine inscrite dans la proposition de loi «  pour tenir compte du retard considérable pris par notre pays en matière de prise en charge de l'autisme » n'a pas été conservée. «  Il est en effet apparu que les personnes concernées par d'autres handicaps avaient le sentiment que cette priorité se ferait au détriment des moyens qui sont ou pourraient leur être apportés » (Rap. A. N. nº 3011, Kert).

L'autisme en quelques chiffres

Compte tenu des difficultés de définition de l'autisme et de l'insuffisance des données statistiques en matière de handicap en général, l'évaluation du nombre de personnes, mineures ou adultes, victimes de cette affection reste floue. Ainsi, selon la DAS, entre 17 400 et 23 700 adultes et de 6 200 à 8 000 enfants présentaient un syndrome d'autisme en France en 1994.

Ces chiffres sont à rapprocher des personnes prises en charge. On évalue à environ 5 200 le nombre d'adultes accueillis (2 200 dans le secteur médico-social et 3 000 en psychiatrie). Quant au nombre de places affectées à la prise en charge des autistes de moins de 20 ans, elles sont estimées à 2 000 dans les institutions psychiatriques et à 2 200 en médico-social.

(Source : circulaire AS/EN nº 9512 du 27 avril 1995)

... EU ÉGARD AUX « MOYENS DISPONIBLES »

L'article 2 de la loi du 11 décembre 1996 comprend un deuxième alinéa qui précise que : « Adaptée à l'état et à l'âge de la personne et eu égard aux moyens disponibles, la prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social. »

Une notion critiquée

La référence faite aux «  moyens disponibles » a été diversement interprétée par les parlementaires. Ainsi, le rapporteur au Sénat s'est interrogé sur la «  nécessité d'écrire, dans un texte de loi dont l'objet est de tenter de porter secours aux souffrances et à la détresse d'une population, que l'action se limitera aux seuls moyens disponibles ». Cette formule, poursuit-il, qui «  relève sans doute du bon sens compte tenu des charges qui pèsent sur les finances locales, peut donner le sentiment [que la loi] empêchera les collectivités de consacrer davantage de moyens pour aider les personnes autistes ». Le rapporteur a toutefois insisté au cours des débats sur le fait qu'elle n'a pas de portée juridique réelle. Pour sa part, Christian Kert, rapporteur à l'Assemblée nationale, a précisé que ces termes résultaient de la volonté du Sénat «  d'obtenir la mobilisation de tous les moyens non seulement existants mais aussi disponibles au niveau tant national qu'européen ».

De leur côté, les associations de familles d'autistes Autisme France, Sésame autisme et Pro Aid autisme (4) ont fait savoir, le 25 novembre, dans deux lettres adressées à plusieurs députés, qu'elles n'étaient pas favorables à une telle mention, craignant que les décideurs, l'Etat ou les conseils généraux, ne tirent parti de cette disposition pour ne pas poursuivre l'effort nécessaire à l'amélioration de l'accueil des autistes.

Les réponses d'Hervé Gaymard

« Ces craintes ne me paraissent pas fondées », a expliqué, lors des débats, le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale, Hervé Gaymard, « puisqu'il s'agit [...] d'une formule de bon sens sans réelle portée juridique. Elle pourrait s'appliquer à tous les sujets. Les collectivités prennent toujours leurs décisions en fonction des moyens disponibles ». Il a toutefois ajouté « qu'il y aura une enveloppe spécifique dédiée à la prise en charge des autistes en 1997. Cette enveloppe permettra de financer plusieurs centaines de places supplémentaires qui viendront s'ajouter aux 631 places créées par Simone Veil en 1995 ainsi qu'aux autres places qui ont été ou seront créées par redéploiement de ressources existantes » (J. O. A. N. (C. R.) nº 107 du 5-12-96). Il reste qu'à ce jour le niveau de cette enveloppe spécifique n'est toujours pas définitivement arrêté.

Hervé Gaymard s'est également engagé à poursuivre «  au cours des années qui viennent la montée en charge » des plans régionaux sur l'autisme créés par circulaire du 27 avril 1995 :

• en accompagnant la création d'unités appropriées aux caractéristiques des personnes autistes par un financement adapté ;

• en développant des programmes de formation initiale et continue au bénéfice des professionnels travaillant auprès des autistes 

• en implantant dans chaque région, ou dans un cadre interrégional, des « centres de ressources » dont la vocation serait d'apporter aux professionnels et aux familles une aide au diagnostic précoce, de rassembler les données épidémiologiques nécessaires ainsi que les éléments de la littérature scientifique publiés sur ce thème, et de développer la recherche opérationnelle sur le problème de l'autisme 

• en expérimentant sur une trentaine d'établissements volontaires, mais représentatifs des diverses techniques dominantes en vigueur dans la prise en charge des autistes, des grilles d'évolution des compétences des personnes accueillies dans ces institutions.

Evaluation

Avant le 31 décembre 2000, le gouvernement présentera au Parlement un rapport relatif à la prise en charge des personnes atteintes du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés, et à la création de places en établissements pour celles-ci. Ce rapport présentera également une évaluation du nombre de personnes, mineures ou adultes, atteintes de ce syndrome.

Une évaluation qui peut paraître tardive compte tenu de l'absence de données statistiques fiables sur la prévalence de l'autisme mais qui s'explique, selon Hervé Gaymard, par le fait que les plans régionaux quinquennaux sur l'autisme couvrent la période 1996 à 2000. • 

Notes

(1)  Voir ASH n° 1903 du 1-12-94, n° 1917 du 10-03-95 et n° 1922 du 14-04-95.

(2)  Circulaire AS/EN n° 9512 du 27 avril 1995, B. O. E. N. n° 27 du 6-07-95 - Voir ASH n° 1925 du 5-05-95.

(3)  Voir ASH n° 1960 du 2-02-96.

(4)  Voir ASH n° 1999 du 29-11-96 - Autisme France : 1, place d'Aine - 87000 Limoges - Tél. 05 55 37 04 63 ; Sésame autisme : 18, rue Etex - 75018 Paris - Tél. 01 42 28 57 09 ; Pro Aid autisme : 84, rue Didot  - 75014 Paris - Tél. 01 45 45 72 59.

LES POLITIQUES SOCIALES

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur