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L'évolution préoccupante de la toxicomanie en France et en Europe

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Selon le deuxième rapport de l'Observatoire français des drogues et toxicomanies  (OFDT)   (1), rendu public, le 16 décembre, 7 millions de personnes, en France, auraient consommé au moins, une fois dans leur vie, une substance illicite. Et 2 millions en auraient consommé dans l'année écoulée. Plus de neuf fois sur dix, le produit consommé est le cannabis. Sachant comme l'explique, d'entrée de jeu, Jean-Michel Costes, directeur de l'OFDT, qu'il faut distinguer entre l'usage de drogue et la toxicomanie. Puisqu'entre les deux, « il y a toute une palette de conduites ou de modalités d'usage (usage occasionnel ou régulier, abus ponctuels ou répétitifs, dépendance...)  ». Des nuances «  souvent réduites au seul mot de toxicomanie ». Aussi à la question :combien y a-t-il de toxicomanes ?, les évaluations peuvent varier, dans leur ordre de grandeur, de un à dix selon que l'on considère l'usage ou la dépendance.

Ces précautions méthodologiques posées, le rapport fait état de tendances inquiétantes. Comme le fait que l'usage de drogue et la toxicomanie ne constituent plus des phénomènes urbains, mais se propagent hors des grandes métropoles. Notant, également, la précarisation accrue des toxicomanes, aussi bien ceux vivant dans la rue que ceux suivis dans les centres de soins. Tandis que la tendance au vieillissement des usagers se poursuit, sauf pour le crack. Le rapport s'inquiète, en outre, du développement des polytoxicomanies, la place des médicaments psychotropes dans l'ensemble des produits consommés devenant «  particulièrement importante ». Si la consommation d'héroïne, après une très forte croissance ces dix dernières années, semble se stabiliser, l'usage de cocaïne reste fréquent, même si l'ampleur du phénomène est encore mal connu. Tandis que celui du crack, après avoir enregistré une forte progression, est contenu à un «  niveau encore limité », affectant essentiellement la région parisienne et les Antilles. Par contre, ce qui est préoccupant, c'est la progression considérable de la consommation d'ecstasy et d'hallucinogènes dans les discothèques ou les fêtes rassemblant des jeunes. De même, l'usage du cannabis semble « se banaliser »   : plus d'un quart des personnes entrant à l'âge adulte l'ont expérimenté. Quant aux interpellations pour usage illicite de stupéfiants (62 000 en 1995), elles continuent de progresser fortement (+19 % pour la dernière année), cet accroissement portant essentiellement sur le cannabis. Néanmoins, relève Jean-Michel Costes, l'alternative aux poursuites que constitue l'injonction thérapeutique est de plus en plus employée (8 600 en 1995) et « fait l'objet d'une meilleure coordination entre les services judiciaires et sanitaires ».

Le rapport relève également la poursuite du renforcement et de la diversification du dispositif de prise en charge sanitaire et sociale des toxicomanes. Près de 65 000 d'entre eux ont eu recours aux centres de soins spécialisés en 1995 (+22 % en une année). En outre, note Jean-Michel Costes, « les médecins généralistes voient leur part de prise en charge croître dans le traitement de certains patients toxicomanes » et «  les dispositifs spécialisés et généralistes sont mieux intégrés dans le cadre d'une prise en charge plus globale et mieux coordonnée ». Celui-ci constate, en outre, le développement, depuis 1993, des traitements de substitution dont le nombre de bénéficiaires est passé de quelques dizaines à plus de 23 000 en septembre 1996.

Par ailleurs, le rapport met en évidence les liens toxicomanie-sida : parmi l'ensemble des cas de sida déclarés depuis 1978, 28 % sont liés à la toxicomanie. Et 20 % des toxicomanes, qui ont recours aux soins, seraient infectés par le VIH. Néanmoins, faut-il noter une tendance à «  une stabilité, voire une diminution de la part des toxicomanes infectés par le VIH ». Laquelle viendrait «  souligner l'importance des efforts de prévention » réalisés depuis une dizaine d'années. Une tendance, pourtant, qui ne doit pas masquer le fait que les toxicomanes sont également très touchés par les hépatites (environ un sur deux a une sérologie positive pour l'hépatite C) et que les problèmes infectieux sont de plus en plus fréquents. Ou encore que, malgré les effets positifs liés à un meilleur accès aux seringues et aux actions de prévention, certaines pratiques à risques perdurent, notamment la réutilisation des seringues et le partage du matériel d'injection autre que la seringue. Enfin, faut-il avoir à l'esprit que la mortalité en relation avec la toxicomanie est devenue, chez les jeunes adultes, une des causes principales de mortalité (avec les accidents et les suicides). Même si le nombre de décès par surdose se stabilise depuis les quatre dernières années.

Des chiffres à mettre en relation avec le premier état des lieux en Europe, présenté le même jour, par Georges Estievenart, directeur de l'Observatoire européen des drogues et toxicomanies (2). Lequel souligne que le phénomène de la drogue constitue, certes avec des nuances, «  un problème sérieux » pour tous les Etats européens et qu'il « ne doit pas être banalisé ». Ainsi, au-delà du fait que le cannabis reste le produit le plus consommé dans l'Union, notamment chez les jeunes, les problèmes liés à l'héroïne (entre 500 000 et un million d'usagers) restent «  très graves et préoccupants ». D'autant que la contamination du sida par voie intraveineuse demeure inquiétante, surtout dans le Sud de l'Europe (Espagne, Italie, Portugal et France). Enfin, l'abus des amphétamines, auparavant surtout circonscrit aux pays nordiques, a tendance à se répandre. Et touche des populations plus jeunes.

Notes

(1)  Drogues et toxicomanies : indicateurs et tendances - Edition 1996 - Disp. sur demande à l'Observatoire français des drogues et toxicomanies : 105, rue Lafayette - 75010 Paris -Tél. 01 53 20 16 16.

(2)  Rapport annuel sur l'évolution du phénomène de drogue dans l'Union européenne - Observatoire européen des drogues et des toxicomanies : Rua da Cruz de Santa Apolonias 23/25 - 1100 Lisboa (Portugal).

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